Plus tard, en repensant à cet instant précis, Claire reverrait la scène avec une netteté hallucinante. L'éclairage agressif qui lui fit plisser les yeux, la chaleur excessive et soudaine, et le bruit – sifflements stridents de vapeur, murmures et éclats de voix de la foule en contrebas, ronronnements et cliquetis de machines – qui remplaça subitement le silence de la cour déserte.
Mais sur le moment, elle ne ressentit qu'une stupéfaction pure et simple. Elle ne vit que les armes, les silhouettes menaçantes, aux casques d'un violet criard, dont la visière sombre ne révélait que le bas du visage, qui l'entourèrent aussitôt. Il y eut un bref instant de flottement.
— ...désolée, s'excusa-t-elle d'une voix inaudible. Je ne voulais pas...
Une sirène se mit à hululer et elle sursauta. Derrière elle, dans un grand whoush, l'hologramme, le passage, ou quoi que cela puisse être d'autre, disparut brusquement dans un grand appel d'air, comme s'il n'avait jamais existé. Tournant frénétiquement la tête en direction de ce qu'il n'y avait plus derrière elle, elle sentit la panique la gagner.
Quelques visières se tournèrent brièvement les unes vers les autres. La plus proche lui secoua son arme sous le nez – Claire n'en avait jamais vue de près, et aucune qui ne ressemblât à ça, mais c'était une arme, il n'y avait aucun doute à ce sujet - et aboya une phrase, probablement une question, dans une langue chantante, curieusement chuintante, qu'elle n'avait encore jamais entendue.
Elle écarta les mains, faisant signe qu'elle ne comprenait pas. L'autre reposa sa question, agitant sa main libre d'un geste impatient, en direction de l'endroit d'où elle arrivait. Mais derrière elle, il n'y avait désormais plus rien, seulement l'autre extrémité de l'estrade, encadrée d'une rangée de machines inconnues. Vraiment affolée cette fois, la jeune fille écarta davantage les mains, et balbutia d'un ton précipité :
— It's not my fault! Please, I don't understand you!
Sans plus de succès. On lui avait pourtant toujours dit et répété que l'anglais lui permettrait de se débrouiller partout, mais ces gens semblaient l'exception à la règle.
Même avec mon accent catastrophique, ils auraient dû me comprendre un minimum, non ? Au moins un peu ?
Des ordres furent aboyés dans cette langue inconnue. Saisie rudement par les bras, on la fit descendre sans ménagement de l'estrade. Les mains gantées des gardes la serraient avec tant de force qu'elle sentit les larmes lui monter aux yeux.
Paniquée, elle tourna la tête, fixant l'endroit d'où elle était arrivée, comme si cela avait pu changer quoi que ce soit... mais la chose ne reparut pas. Il y avait juste deux grandes colonnes, hérissées de protubérances bizarres, reliées à un vaste fouillis de fils et de câbles qui serpentaient sur le sol avant de disparaître sous le plancher. Mais aucune trace de la cour où elle était encore une dizaine de secondes plus tôt...
Ravalant ses larmes, elle cessa de lutter, ramenant son regard droit devant elle. C'est alors seulement qu'elle remarqua vraiment la foule qui se pressait derrière le cordon de soldats – puisqu'il fallait bien les appeler ainsi, avec leurs armes et leur cuirasse étrange d'un violet profond.
Des dizaines de personnes s'agglutinaient déjà derrière les gardes armés, tandis que d'autres accouraient, discutant avec animation en la montrant du doigt. La plupart des silhouettes étaient vêtues de combinaisons bleues, blanches ou grises, ornées de symboles inconnus sur les manches et le long du torse. D'autres portaient simplement un justaucorps ajusté d'un orange criard. Beaucoup arboraient des cagoules ou des visières de protection, masquant entièrement leurs traits, mais les autres étaient tête nue, et elle pouvait voir leurs expressions... Surprise, colère, excitation ? Avec l'impression que tous la fusillaient du regard, elle se recroquevilla, apeurée.
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Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1
Science Fiction"A ce moment-là, la jeune fille sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle comprit que ce soir-là, elle allait mourir. Elle était trop terrifiée, elle était trop hébétée, elle était trop stupéfaite pour se poser des questions sur cette mise en scène...