Chapitre 37

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Quelques heures plus tard, après un repas auquel elle ne fit guère honneur, prétextant le stress de son futur examen, elle se sentit toucher le fond. Elle se tournait et se retournait sur sa minuscule couchette, bercée par le ronronnement régulier des moteurs, mais ce dernier n'était pas suffisant pour l'aider à s'endormir. Les nausées étaient trop fortes.

Et dire qu'elle avait cru mourir, sur l'Inexorable... ! Ce n'était rien du tout, en comparaison de ce qu'elle subissait en ce moment. Enfin, à ce qu'il lui semblait. A peine ressortait-elle des toilettes qu'elle sentait les crampes la reprendre, et pourtant, il y avait longtemps qu'elle n'avait plus rien à rendre...

Heureusement que le Seigé était loin. Au moins, cette fois, il ne risquait pas de la voir se déshonorer aussi lamentablement.

Elle aurait voulu mourir... !

Le vol spatial... décidément, c'est très surfait ! Rien ne vaut le plancher des vaches !

Elle ne vit personne de l'équipage. Elle les entendait rire et se disputer, dans la salle commune, mais elle n'osa pas aller les rejoindre, et redoutait, avant tout, qu'ils ne s'aperçoivent de son état. Le pilote, Giles, se serait probablement fendu d'une remarque acide, et si son avis lui importait peu, elle se sentait trop mal pour affronter son hostilité, qu'il ne prenait même pas la peine de cacher.

Malgré les protestations amicales de Jissée, elle n'était pas la bienvenue, elle le savait. Rhéale leur avait imposé sa présence, et l'équipage n'avait pas eu d'autre choix que d'accepter. Certes, ils seraient rémunérés, et même grassement, pour l'avoir menée à bon port, mais cela ne changeait rien au fait qu'ils n'avaient pas spécialement envie de l'avoir à bord.

Et puis, de quoi auraient-ils discuté ? Ils étaient gênés en sa présence, c'était l'évidence même. Alors autant les laisser tranquillement entre eux... Et surtout, même si sa couverture était solide, mieux ne valait pas risquer de la trahir par une parole malheureuse. Après plus d'un an dans cet univers, elle manquait encore beaucoup de références évidentes pour tous ici. Non, décidément, elle était plus en sécurité dans sa cabine.

Il n'empêche... En entendant les échos des rires et des discussions animées qui lui parvenaient depuis le carré, elle se sentait plus seule et misérable que jamais. Depuis combien de temps n'avait-elle pas ri, tout simplement, sans arrière-pensées, autour d'une table avec des amis ?

Cela lui fit repenser à sa rencontre avec Pieric, sur l'Inexorable. Grisée par sa première vraie mission auprès du Seigé, elle avait refusé de s'appesantir, résolue à profiter un maximum de Carialis.

Pieric avait été surpris, mais après tout, il lui avait bien proposé de passer le voir, lui et l'équipe, non ? Il était bien toujours son ami, même maintenant qu'il savait la vérité...

Aujourd'hui, les yeux ouverts sur l'exiguïté de sa cabine, dans le cargo qui l'emmenait loin de Carialis et de l'Inexorable, Claire réalisait qu'elle s'était menti à elle-même. Imaginait-elle vraiment que tout redeviendrait comme avant, quand elle était la petite nouvelle accueillie au Hangar Dix-Sept ? Pieric serait trop poli pour dire quoi que ce soit, bien sûr, mais l'ombre du Seigé était bien trop forte pour qu'il soit jamais à l'aise avec elle, désormais.

Leftarm avait tenté de la prévenir, et elle n'avait pas compris...

Elle dut finalement s'endormir, vaincue par la fatigue, quand son mal se calma enfin, car elle n'entendit pas les moteurs s'arrêter. Non plus qu'elle n'entendît la porte de sa cabine s'ouvrir silencieusement, puis se refermer tout aussi discrètement quand on se fut assuré qu'elle dormait. Et le verrou qui s'enclenchait ne la réveilla pas non plus, elle qui avait pourtant pris l'habitude de ne dormir que d'une oreille.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant