Dans la Salle d'Apparat, la fête battait son plein. Des dignitaires de dizaines de planètes se trouvaient réunis à leurs pieds, bavardant en petits groupes bruyants et colorés. Quelque part, un orchestre jouait une musique qui n'était pas assez forte pour couvrir le brouhaha des centaines de personnes invitées à la réception.
Quelques temps plus tôt, Leftarm s'était glissé dans la foule, écoutant les doléances et les compliments de son air impassible. Derrière lui, vêtue de sa tenue civile, Claire l'avait suivi comme une ombre, jouant à merveille son rôle d'assistante qui ne dit mot mais retient tout. Elle savait à quel point Leftarm détestait ces soirées mondaines, indispensables pourtant pour un homme de son rang...
Ce n'était pas la première de ces fêtes à laquelle elle assistait, mais c'était la première fois qu'elle y occupait officiellement une place.
Ils n'avaient jamais reparlé de ce qui s'était passé au Mont Miroir, ni des avertissements voilés de Leftarm contre le Directeur. Les décades avaient passé, avec des journées de plus en plus chargées, comme si son professeur avait décidé d'accélérer sa formation. Entre ses études habituelles, son apprentissage toujours plus poussé du poeïr, ses entraînements avec le Lieutenant Saulnier, ses missions d'entraînement sur le terrain avec le Centre, dans plusieurs Districts de Kivilis, ses cours de pilotage en vue du passage de son brevet A - dont elle venait tout juste d'obtenir la partie théorique -, et les longues heures passées dans le bureau du Seigé, elle n'avait guère eu le temps de se laisser aller à l'introspection, et avait décidé de laisser ces informations perturbantes sur le côté. Pour l'instant.
Puis la formation au Centre s'était terminée, et une décade plus tôt, son poste avait été officialisé. Sans fanfares ni trompettes, sous forme d'une simple ligne dans les nominations de la semaine, sur le réseau interne de Bhénak, Claire Monestier, originaire de Déhecité, était devenue Assistante Personnelle de Seigé Leftarm.
Elle n'avait pris la place de personne en particulier : le Seigé avait jusqu'ici eu coutume de se débrouiller seul, même si une floppée d'aides et de secrétaires divers et variés l'accompagnait souvent lors de ses différents déplacements. Mais elle était désormais, officiellement, l'intermédiaire entre une secrétaire, un garde du corps, et un domestique, accomplissant diverses courses pour son employeur au sein même de Bhénak, de la simple réquisition de matériel à l'accueil d'invités mineurs (qui n'avaient pas droit aux honneurs de l'Esplanade), en passant par l'acheminement de certains messages – non que le Seigé se méfiât de son propre système de communication, mais il préférait, parfois, la prestance d'un message communiqué de vive voix. Pour une personne qui, selon les critères de son pays natal, n'était pas encore majeure, c'était une situation tout à fait inespérée...
Elle ne s'y était pas encore vraiment habituée. Jusqu'à l'annonce de son poste, elle n'était qu'une collaboratrice banale, une secrétaire parmi d'autres – un peu jeune encore, certes, mais anonyme. Des rumeurs avaient sans doute fuité au fil des mois, mais jamais rien ne lui était revenu aux oreilles.
Désormais, elle était l'Assistante. On la saluait respectueusement quand elle passait, mais on se gardait bien d'engager la conversation, tant l'aura de son mentor était forte, même en son absence.
Seuls Elanore Matoovhu, le Lieutenant Saulnier, ses divers instructeurs du Centre, et quelques rares autres, tels le Secrétaire Thranca, se permettaient d'échanger plus de quelques mots avec elle quand ils la croisaient. Mais cela n'allait jamais plus loin que quelques banalités, et aucun d'entre eux n'était vraiment proche d'elle, même si le Skamanite avait essayé de l'amadouer à plusieurs reprises.
Elle avait toujours répondu avec respect et bonne humeur à ses diverses piques, mais s'était bien gardée de s'engager sur le chemin des confidences. Elle savait qu'elle l'intriguait, mais s'il essayait toujours de lui tirer les vers du nez, c'était avec beaucoup de bienveillance. Depuis leur rencontre fortuite au Mont Miroir, quand il avait été le premier à comprendre son véritable rôle – et encore, comme tout le monde, il ignorait tout ce qui concernant le poeïr - c'était presque devenu un jeu entre eux : il tentait de la faire parler, et elle éludait poliment. Il ne se décourageait pas et acceptait avec amabilité ses réponses évasives, avant de revenir à la charge d'une autre manière à une autre occasion.
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Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1
Ciencia Ficción"A ce moment-là, la jeune fille sentit son cœur s'arrêter de battre. Elle comprit que ce soir-là, elle allait mourir. Elle était trop terrifiée, elle était trop hébétée, elle était trop stupéfaite pour se poser des questions sur cette mise en scène...