Chapitre 65

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C'était le genre même de choix qu'elle n'aurait jamais pensé avoir un jour à faire. Ce genre de choix mélodramatique qui arrive toujours à point nommé au moment crucial du film et qui fait briller les yeux des spectateurs dans leur fauteuil.

Mais il n'y a jamais vraiment de choix à faire, car le héros a l'ami le plus puissant de l'univers : un scénariste sympa. Ce dernier lui trouve toujours le moyen de sauver à la fois l'être aimé et les innocents anonymes, le tout de façon politiquement correcte. Le spectateur frémit d'excitation, mais à cette seule idée : quelle astuce va-t-elle être soufflée au héros pour lui permettre de sauver tout le monde ?

Mais là, quand on s'y trouve vraiment confronté, la situation n'a plus rien d'amusant. Elle est juste atroce...

Claire secoua la tête, tentant de remettre de l'ordre dans ses pensées. En dessous, la salle du Vortex se vidait peu à peu. Les scientifiques et les manutentionnaires sortaient par petits groupes, discutant avec animation, jetant de fréquents coups d'œil à la vaste baie qui les surplombait, bien que Claire doutât qu'ils ne puissent la voir, elle : ce genre de surface à opacité variable était la plupart du temps sans tain, permettant aux chefs de voir discrètement sans être vus.

Bientôt, seuls restèrent quelques soldats montant la garde autour de la vaste estrade. Sur son immense piédestal, entre ces mystérieux appareils capables de replier la trame de l'univers sur elle-même et d'y ouvrir une faille, le Vortex luisait faiblement.

Rien n'était visible au-delà. Faisait-il nuit, là-bas, sur Terre ? Où s'ouvrait le Vortex, désormais ? Comment avaient-ils sécurisé le périmètre tout autour ? En construisant un bâtiment ? En le faisant arriver dans un hangar désaffecté ? Dans une grotte ? Dans un désert ? Avaient-ils déjà lancé l'invasion ? Etaient-ils nombreux de l'autre côté ?

Claire fit une nouvelle fois le tour de la pièce, cherchant une idée, mais elle avait la tête désespérément vide de réponses. Seules tournaient les questions.

Elle caressa un instant l'idée de s'enfuir, de passer par le Vortex pour retourner sur Terre.

C'était bien ce qu'elle avait prévu, non ? De traverser le Vortex avant que les Libertans ne le détruisent, de rentrer chez elle ?

Chez elle... Était-il possible que, juste à quelques dizaines de mètres, se trouvât la planète qu'elle avait crue perdue à jamais ? Combien de fois, dans ces terribles premiers mois, avait-elle imaginé ce moment, le Vortex intact, et elle, retournant vers sa vie d'avant, comme si rien ne s'était passé.

Jamais elle n'aurait pensé qu'elle fixerait un jour le passage scintillant avec une telle angoisse, en proie à un tel dilemme.

Même en imaginant qu'elle puisse passer, qu'elle puisse arriver jusqu'à la salle en contrebas, se faufiler entre les gardes, puis maîtriser les personnes probablement postées de l'autre côté... comment pourrait-elle stopper une invasion à elle seule ? Qui la croirait sur Terre ? Le poeïr était un atout, certes, mais là, il ne lui servirait pas à grand-chose : qui, sur Terre, écouterait une gamine inconnue, pas même majeure ? Et même si on l'écoutait, que pouvait-elle faire ?

Et puis, surtout, surtout, il y avait Mazesley... Avaient-ils déjà commencé l'ensemencement du virus, de l'autre côté ? Quels étaient le temps et le mode de propagation de la maladie ? Elle se rappelait avoir vu quelques holodramas ayant pour thème les terribles épidémies de Mazesley, qui avaient eu lieu aux commencements de l'ère spatiale Délène, au moment du Grand Essor. C'était l'époque où elle passait des heures sur l'HoloRéseau pour s'imprégner de la culture de son nouvel univers, aux débuts de sa formation à Bhénak.

Kivilis - Le Cycle du Vortex, T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant