Chapitre 11

5 2 1
                                    

Même à une dizaine de kilomètres, les nuisibles pouvaient entendre la mélodie entrainante de l'orchestre. Tel un véritable cœur, Kardia semblait pulser à travers l'obscurité. Ses lumières vibrantes projetaient de hauts rayons volatiles dans les cieux étoilés.
Avec toute l'agitation dans les rues principales, les nuisibles ne pouvaient pas rentrer directement dans la ville. Ainsi, l'organisation avait créé ses propres entrées vers les égouts.
— Je vais ouvrir la trappe, expliqua Nery en s'exécutant. Je te laisse t'occuper des cages.
Avec sa force de prostasia, Félix acquiesça avant de décrocher sans mal la remorque de la diligence. Après avoir descendu l'échelle métallique, la jeune femme récupéra le chariot qui l'attendait plus bas et le plaça sous l'entrée. Comme elles avaient été conçues pour s'emboiter avec les échelles, il n'avait plus qu'à les faire glisser une par une.
Les tunnels en pierre des égouts ne se voyaient que faiblement éclairés. Les quelques bougies qui brillaient à un kilomètre d'intervalle leur permirent toutefois de se repérer à travers ce labyrinthe. Étonnamment inodore, les sombres eaux usées qui serpentaient à leur côté ne couvraient pas l'odeur que provoquait l'humidité.
Avec ses deux mains, Félix tractait le chariot agité et bruyant, tandis que Nery les guidait jusqu'à leur point de lâchement. La tension qui les enveloppait les empêchèrent de prononcer un seul mot durant la demi-heure qui suivit.
Une fois arrivée devant la nouvelle échelle, la terre au-dessus de leur tête semblait vibrer. Comme tous les vendredis, le festival nocturne de Kardia serpentait dans les rues principales, les quartiers résidentiels se voyaient donc beaucoup moins occupés. De plus, grâce au journal de Kardia, Damian avait pu faire en sorte d'attirer les nobles dans des rues spécifiques, éloignées des différents points de lâchement.
De cette manière, Nery escalada une nouvelle fois la longue échelle avant de tirer la nouvelle trappe. Sans grande surprise, cette dernière la mena au beau milieu d'un salon richement décoré.
— Vous voilà enfin ! S'exclama le nuisible qui habitait les lieux.
Comme il existait plusieurs nobles discrets du haut Kardia au sein de l'organisation, les nuisibles pouvaient utiliser leurs demeures éloignées pour faire sortir les créatures sans se faire repérer. Après l'avoir aidé à remonter, le propriétaire descendit à son tour avant d'aider Félix à remonter les deux cages. Alors qu'elle préparait leur dose, les deux hommes plaçaient stratégiquement les cages devant la porte.
— J'ai bien vérifié, il ne reste aucun noble dans les maisons adjacentes. Pour monter jusqu'au toit, prenez l'escalier du fond et passez par la fenêtre arrière. Je vais attendre exactement deux minutes.
Sans perdre une seconde, Nery remercia rapidement le nuisible avant de se ruer vers le toit, suivi de près par Félix.
Dans le quartier, les réverbères ne brillaient que faiblement afin de marquer une différence plus nette entre les rues qui accueillaient le festival. Tandis que la musique et les rires fusaient aux environs, un doux parfum sucré de mets et d'élixirs flottait dans l'air. Machinalement, Nery dont le cœur affolé s'était arrêté de battre, offrit un pistolet chargé à son partenaire.
Camouflés sous leurs longues capes, ils se cachaient derrière la toiture d'une fenêtre en relief. Assez rudimentaire, l'arme fine se voyait occupée par sept minuscules billes turquoise.
– Petit défi, entreprit Félix avec un sourire en coin, celui qui utilise plus de cinq balles a perdu.
— Tu prends la première, je prends la seconde, accepta Nery en vérifiant sa montre, plus que vingt secondes.
Lorsqu'il s'apprêta à presser la gâchette, son visage s'assombrit soudainement. Comme animé par un esprit destructeur, Félix visa le sol en fermant un œil. Fière, Nery admira sa posture avant de conclure que c'était dans ce genre de moment, animé par la vengeance, qu'elle le préférait.
À la seconde exacte où ils les attendaient, cinq anomalies, étrangement prudentes, s'aventurent dans la rue pavée. Silencieuses, elles reniflaient avec frénésie leur environnement. Si de longs filets de bave pendaient à leurs crocs tranchants, leur apparence s'apprêtait à changer radicalement. Avec une grande concentration, Félix les visa une à une et parvint sans étonnement à n'utiliser que cinq billes. Les détonations de l'arme n'étaient pas plus bruyantes qu'un claquement de doigts.
Une fois touchées, les créatures s'immobilisèrent un instant avant d'entamer une danse horrifiante. Comme tordu de douleur, leur corps pas plus grand que celui des simples humains se mirent à convulser. Dans des craquements d'os inquiétants, leurs membres élancés s'étirèrent tandis que de longues griffes acérées faisaient leur apparition. Un à un, leurs corps couverts d'un duvet sombre triplèrent de volume. Sur le sol, les ombres ne semblaient plus savoir quelle forme adopter.
Tels des ballons, leurs muscles veineux se mirent à gonfler, déclenchant ainsi des cris stridents encore plus inquiétants que les précédents. Leur évolution était à présent terminée, ils étaient plus affamés que jamais. Tout se déroulait comme prévu. Dressées sur leurs arrières jambes, les anomalies se ruèrent comme des flèches vers la chaleur des rues commerçantes. Masqués par la musique, les nobles suffisamment ivres n'entendirent même pas les hurlements des bêtes qui arrivaient au loin.
Les yeux écarquillés, Félix qui ne se doutait de rien observa la scène avec fascination.
— Bon sang, Nery ! Il y avait quoi dans ces doses, railla-t-il en passant une main tremblante dans ses cheveux sombres.
Tout en se préparant à tirer à son tour, elle feignit l'innocence.
– Juste un petit remontant. Rien de bien méchant.
Sur ses mots, Felix resta bouche bée avant de secouer sa tête comme s'il peinait à y croire. Très vite, le jeune homme s'esclaffa avant d'applaudir énergiquement.
– Nerezzya, tu es définitivement ma personne préférée.
– Ravi de l'entendre. Cependant, tu étais bien trop lent, regarde comment tu étais supposé tirer.
Sans même ajuster sa vue, Nery se pencha dès que les créatures sortirent, puis, dans une mélodie régulière, tira les cinq balles en moins de deux secondes.
– Frimeuse, conclut Félix d'un air détaché.
– J'ai gagné.
— Si ça peut te faire plaisir, de toute façon, c'est toujours toi qui...
Interrompu par une vague de hurlement d'effroi, mais cette fois-ci de la part des nobles, les deux nuisibles s'échangèrent un regard enchanté.
— On s'approche ? Demanda Félix avec des cœurs dans les yeux.
– Merveilleuse idée.
Tels deux spectres, ils s'élancèrent vers les toits de la bâtisse en face de manière à rejoindre le festival.
En contrebas, la terreur régnait, on pouvait déjà̀ apercevoir des cadavres au sol. Alors que des membres déchiquetés gisaient dans des mares de sang écarlates, l'odeur métallique qui s'en dégageait monta jusqu'aux narines de la dynamiste assoiffée. À présent, l'orchestre, avec Bellatrix aux commandes, jouait une partition dramatique accompagnée par les cris harmonieux des hiérarchiques. Si les gardes pris par surprise avaient déjà abattu quelques bêtes, ces dernières apparaissaient stratégiquement aux quatre coins du festival, répandant un certain chaos sur leur passage.
Nery qui pouvait entendre son propre cœur battre resta calme, appréciant dans l'ombre la scène, malgré sa soif imparable. Aux anges, Félix s'amusait tellement qu'il risquait d'avoir des crampes aux joues à force de sourire. Malgré sa satisfaction, elle restait tout de même déçue par la lenteur d'esprit des nobles. Comme s'ils n'étaient qu'un peuple faible, ils se contentaient de fuir. Ce fut seulement quand les renforts de gardes arrivèrent, affublés d'armes et de pouvoir, que les esprits se réveillèrent. Comme elle l'avait enfin espéré, tout changea du tout au tout. Les véritables natures prirent le dessus, les dynamistes matérialisèrent leurs armes, les prostasia sortirent les griffes à leur tour, tandis que les fytos entouraient les créatures de ronces solides.
— Tu m'as l'air perplexe, remarqua Félix sans quitter la bataille des yeux.
– Les nobles sont plus de dix mille, ces bestioles seulement dix. Pourtant, je constate déjà un tas de morts. C'est embêtant, je n'aimerais pas qu'ils disparaissent aussi vite, il va nous rester plein de bêtes dans la cave sinon.
Nery n'éprouvait aucun remord, car, à l'inverse des incompatibles, les nobles détenaient de réels moyens de défense. De plus, ce n'était que quelques morts, par rapport aux années de perte et de désespoir qu'avait connu les incompatibles.
À plus de dix sur une bête de leur taille, un groupe juste en dessous d'eux tentait de contrer la vitesse et la force hors norme de la créature.
— Je suis mitigé, d'un côté, j'ai envie d'aller me battre avec eux pour leur montrer comment on s'y prend, mais d'un autre, je veux tous les voir morts...
— Il n'y a aucun plaisir à résoudre une énigme livrée avec la solution, improvisa Nery, laissons-les trouver tout seul.
Le jeune homme se leva nonchalamment et tira sur la cigarette qu'il venait de sortir. Après avoir dévisagé, pendant un trop long instant, le palais, il offrit une main à Nery pour qu'elle puisse se relever.
— On s'éclipse ?
– Avec plaisir, répondit-elle en attrapant sa main gantée.
Lassée par la petite représentation qu'elle avait elle-même orchestrée, Nery se remit enfin à respirer. Tandis qu'ils retournaient dans les égouts, une mer de sang plus haut s'agitait telle une rivière écarlate.
Après plusieurs enjambées, ils arrivèrent enfin au point de rendez-vous. Ainsi, premiers à avoir terminé, ils s'allongèrent sur l'herbe fraiche et sombre. Le visage rougit par le vent frais, Felix contempla Nery dans l'obscurité́ qu'offrait la nuit.
Son regard, vidé par le temps, était recouvert par des mèches sombres et rebelles. La jeune femme sentit sa poitrine se serrer. L'atmosphère paisible qui les entourait n'avait plus rien à voir avec celle du festival. Une partie d'elle se sentait coupable de l'avoir emmené à Kardia.
Les blessures du jeune homme étaient encore béantes. La perte de sa vie, de sa famille, de son dynami le rongeait de l'intérieur malgré les années passées. Nery aurait voulu l'aider mais rien ne suffirait jamais à calmer sa peine. Alors elle lui prit la main, sans afficher la moindre pitié sur son visage, puisqu'elle n'en ressentait pas. Akini entre eux, elle lui offrit juste le confort de sa présence.
— Tu vois, c'est ça que j'aime chez toi. Tu parviens à mettre à feu et à sang une ville cœur en moins d'une semaine, tout en rendant cela attrayant. Pourtant, vois-tu, je sais que je ne suis qu'au début de mes surprises.
Nery s'esclaffa avant d'admirer plus intensément les éclaboussures blanches sur la toile marine que représentait le ciel.
— Et bien, de mon côté, j'apprécie que tu sois toujours prêt à me suivre dans ces situations.
— Je le fais uniquement parce que tu es trop faible pour te passer de moi, retorqua-t-il amusé. Tu manquerais tant de chose sans moi...
Même s'il venait de prononcer ces mots sur le ton de la plaisanterie, Nery, agacé qu'on le lui répète sans cesse ne put s'empêcher de retorquer sèchement.
– Ne surestime pas ton importance.
Grâce à l'euphorie qui le berçait toujours, Félix ne prit pas au sérieux sa remarque.
— Jamais je n'oserais, mais regarde, sans moi tu n'aurais jamais découvert ce caillou en forme de brebis, l'autre jour.
— Excuse-moi de ne pas avoir le temps de me soucier des cailloux difformes qui trainent à mes pieds. Il ne ressemblait même pas à une brebis en plus.
— Ne te fous pas de moi. Ça ne m'aurait même pas étonné qu'il se mette à gambader.
La dynamiste pouffa extenuée avant de caresser l'herbe du bout de ses doigts.
— Tu devrais passer un peu moins de temps avec Bellatrix, tu vois des animaux partout toi aussi, dans les nuages, les cailloux et même dans le jus de fruit. Ça commence à devenir obsessionnel tu sais ?
— Tu as raison, elle m'a corrompu.
Bellatrix était littéralement obsédée par les animaux, elle en parlait au moins une fois par jour et avait pour plus grand rêve d'en voir un pour de vrai. Évidemment, c'était impossible car avec l'ancien monde ils avaient disparu.
Les deux jeunes gens continuèrent leur conversation passionnante avant de vite se faire rejoindre par le reste de leurs camarades.
De retour à l'organisation, Dame Rose enfilait sa blouse. Devant plusieurs cadavres de noble ramenés par ses disciples. Nery l'interrogea du regard.
— J'en ai besoin pour faire quelques expériences, ne t'en fais pas. D'ailleurs, mes petites doses ont fonctionné comme prévu, à ce que j'ai pu voir.
Son large sourire et sa beauté́ n'auraient jamais laissé apercevoir ses tendances morbides. Puisque les corps dépourvu d'âme s'évaporaient rapidement, la scientifique ne perdit pas une seconde.
–C'était parfait.
Sans s'attarder davantage, elle laissa le petit pistolet dans une caisse devant elle avant de vite rejoindre son mentor.
Augustus l'attendait dans son bureau, un roman à la main. Il s'était changé et arborait le même pourpoint brodé qu'à son habitude. Satisfaite, elle vint s'assoir sur le fauteuil en face de lui.
– Alors raconte-moi tout.
– Exactement comme je l'avais prévu, ils ont juste mis un peu trop de temps à se rendre compte qu'ils pouvaient se battre.
– Les anomalies ou les nobles ? Questionna le vieil homme.
— À ton avis ?
– Ce n'était que l'effet de surprise et l'elixir. La plupart ne se sont pas battus depuis plusieurs décennies. À présent, ils seront plus sur leurs gardes.
Avec lenteur, le mentor vint se servir une tasse de thé fumante. Il détenait la même théière en porcelaine depuis que Nery le connaissait. Elle l'avait tellement vu qu'elle était même capable de redessiner chaque parcelle de l'ornement.
– Nerezzya, continua-t-il, les pions de ton échiquier sont en place et tu viens de lancer ton premier coup. Le roi ne va pas tarder à riposter.
– Il pourra tenter ce qu'il veut cela n'atteindra jamais la reine. Par ailleurs je compte le faire tomber en utilisant une pièce de son propre jeu.
— Ah oui, et laquelle ?
– Celle du fou.
— Bien, murmura-t-il entre deux gorgés fumantes.
S'il la soupçonnait encore d'agir secrètement, cette nouvelle ne parut pas le ravir non plus.
– Fais ce que tu veux avec lui tant que ça ne te détourne pas de ton objectif. Il n'y a de la place que pour un seul roi et une seule reine.
Évidemment, il faisait une nouvelle fois référence à eux deux et à la chute de Basile. De son point de vue, Hélios ne semblait pas avoir sa place sur le trône.
— Je vais partir, conclut Nery sans demander sa permission.

« Il ne t'a toujours pas proposé de thé, remarqua Akini une fois dehors. »
Nery ne répondit rien, encore perturbé. Une fois par mois, Augustus lui proposait une tasse d'un thé assez singulier. Étrangement, celui-ci calmait sa soif de sang jusqu'à la tasse suivante. Toutefois, cela faisait prêt de quatre mois qu'il ne lui avait rien donné et Nery n'osait pas le lui en demander. Lorsqu'il était question de son don spécial, le vieil homme avait l'habitude de très vite se mettre en colère. Une partie d'elle était énervée et Akini le comprenait.
Elle savait que ça n'avait rien d'un oubli, puisqu'il lui servait sur une période calculée. Et puis, même s'ils n'en parlaient jamais, ce thé n'avait rien de naturel et ses pulsions non plus. La dynamiste reprit ses esprits, la poitrine serrée. Elle se sentait incomprise par la personne supposée la connaitre le mieux.
De mauvaise humeur, elle se rendit à son bureau où, assis sur l'imposante table en bois, un Damian perfide l'attendait avec un sourire plus grand qu'il n'aurait dû l'être.
Sans gêne, il feuilletait un des dossiers trouvés dans la bibliothèque. Quand Nery apparut devant ses yeux, son visage s'illumina un peu trop, pour que la dynamiste ne s'en inquiète pas.
– Nerezzya ! Tu m'avais manqué, s'exclama-t-il enjoué.
Trop focalisé sur le classeur qu'il tenait entre ses mains habiles, Nery ne se préoccupa point de sa révérence inutile.
— Damian... Que fait tu ici, dans mon bureau, qui t'est interdit d'accès ?
— Ne t'en fait pas, je viens juste à la pêche aux informations en tant que bon nuisible sans mauvaises intentions.
Aussi convainquant qu'un tueur les mains pleines de sang, Nery plissa les yeux en tentant de comprendre comment il était parvenu à entrer. Son merveilleux camarade ne détenait aucune limite quand il s'agissait de parvenir à ses fins. Si une partie d'elle l'appréciait pour cela, elle avait tout de même horreur que l'on défie son autorité.
Alors, sur ses gardes, elle récupéra sans mal le dossier et vint le ranger à sa digne place. Par chance comme il trônait sur une étagère du bas son contenus ne détenait rien d'important.
– Je l'ai trouvé assez intéressant, bien qu'un peu extrême.
— Irréalisable, surtout, rajouta Nery en l'invitant à prendre un siège. Les maitres de maison vont désigner leur successeur, jeunes et naïfs. Ça n'a plus aucune utilité. Tu rentres souvent ici sans permission ?
— À vrai dire, c'est la première fois, tu n'avais pas fermé à clefs. Soit, que veux-tu dans le journal ? Dois-je mentionner le papillon ?
Nery sentit son cœur manquer un battement, bien qu'elle pensait impossible d'oublier une telle chose, elle ne détenait en effet aucun souvenir d'elle verrouillant cette porte. Comme pour parvenir à cet étage, il fallait emprunter un escalier reculé interdit aux nuisibles, elle ne se faisait toutefois pas trop de soucis. Néanmoins, la jeune femme ne comprenait tout de même pas comment elle avait pu être aussi négligente.
Après avoir balayé le sujet vers un coin de son esprit, Nery vint s'installer sur son fauteuil de velours pourpre. Akini la suivit encore un peu remontée par sa sieste, et vint se blottir confortablement entre son ventre et ses genoux. Impatient, Damian plongea son regard noisette dans celui de la dynamiste à présent, prête à donner ses ordres.
— Pour l'instant, non. En revanche, je veux que tu insistes sur le chaos présent, les dégâts, les morts et surtout la trahison.
Le jeune homme tressaillit de plaisir avant de lâcher son carnet qui n'était là que pour, comme il l'avait déjà expliqué, lui donner un air professionnel.
— Pardonne moi, tous ces mots doux me ravivent le cœur.
- Damian...
— C'est bon, je plaisantais, tu m'as donné un sujet croustillant et morbide à écrire, je ne pouvais pas rêver mieux. Honnêtement, les petites guérillas entre nobles commençaient à me lasser.
— Je suis contente pour toi dans ce cas.
— Peu importe, j'ai plein de jolies nobles à aller rassurer. Tu peux dormir sur tes deux oreilles, le numéro de demain sera parfait.
Enfin satisfaite à l'idée de se retrouver seule, Nery parut déçue quand la main de Damian s'arrêta sur la poignée. Comme s'il avait oublié́ quelque chose, il revint en arrière l'air déboussolé.
— Je viens de te dire de dormir sur tes deux oreilles alors que tu ne dors jamais...
Amusé par sa propre maladresse, le jeune noble s'esclaffa, hilare.
— Pitié, vas-t-en, l'implora Nery en se massant les tempes.
Sans se faire prier davantage, il obtempéra.
Enfin seule, Nery souffla avant de se laisser glisser sur son fauteuil.
– S'il ne possédait pas une place aussi importante dans l'organisation, je l'aurais déjà̀ tué depuis longtemps.
« Tu n'oserais quand même pas faire ça à un de tes amis, demanda Akini avec ironie »
Face à l'absurdité de sa remarque, Nery se mit à pouffer avant d'être rejoint par Akini, fière de sa plaisanterie. Riant à leur tour, comme les deux êtres épuisés qu'ils étaient, ils ne tardèrent pas à reprendre leur calme. Malgré la quantité astronomique de personnes qui l'entouraient, Nery n'en considérait pas une seule comme son ami.
— Vois-tu, retorqua-t-elle en essuyant une larme de rire dans le coin de son œil. Je suis persuadé qu'ils me prennent pour leur meilleure copine.
Davantage pour elle-même, elle reprit, en attrapant un stylo et une feuille vierge.
– Aucun des habitants de ce nouveau monde ne mérite mon attention. Ce ne sont que des pions fidèles qu'il me sera aisé de sacrifier au moment venu.
« Tu parles comme Augustus, remarqua Akini en montant sur le bureau. »
Touchée par sa remarque, la jeune femme marqua une pause avant de secouer la tête.
— Je ne suis pas ingrate, je lui dois absolument tout, mon entrainement, mon éducation, mon organisation...Toutefois, regarde-le à présent, pauvre reclus dans sa cave qui n'attend de moi que le trône. Il n'en a que faire de ma santé, le désespoir et la solitude le rendent aveugle. Je n'ai plus vraiment besoin de lui, seulement des informations qu'il a à m'offrir. Et puis, si on en est là, c'est parce qu'il a échoué à vaincre Basile, alors Akini, s'il te plaît, ne me compare plus à ce perdant.
« Si c'est ce que tu veux... »
– C'est ce que je t'ordonne.

The blood heiressOù les histoires vivent. Découvrez maintenant