Chapitre 38

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  Plongé dans un calme absolu, Nery faisait tourner le sang de son bain du bout de son ongle pointu.

Dans l'une des salles d'eau de l'organisation, au côté d'une montagne de corps d'ancien nuisible, la baignoire centrale se voyait remplie à ras bord d'un liquide épais et vif. La buée noire qui s'en dégageait plongeait la pièce dans une atmosphère infernale. Tandis que, tel une boué à la dérive, Akini sur le dos se laissait flotter.

Plus détendu qu'elle ne l'avait jamais été, la jeune femme dont les cheveux semblables à des tentacules s'étendait à la surface du sang se mit à remplir sa coupe de nouveau. Comme bercé par un nuage d'euphorie, Nery laissait une mélodie placide virevolter dans son esprit en rythme avec la lueur chaude des cierges.

- C'est la première fois de ma vie que j'entre dans une pièce en étant plus vêtu que toi, remarqua Damian avec une certaine consternation.

Bien que masqué par le liquide trop sombre, il n'avait pas tort, elle était nue et lui en simple ensemble décontracté.

- Est-ce le calme avant la tempête ou tu m'as l'air bien sage pour une personne qui vient de perdre tout ce qu'elle avait construit ? S'interrogea-t-il en faisant un pas dans la salle.

Ouvertement, il se mit à étudier les lieux sans pour autant afficher une trace de surprise ni de jugement. Son regard s'arrêta une seconde sur la pile de nuisible mort avant de continuer à glisser sur les giclées sur le sol et les murs. Si l'odeur métallique du sang bouillant lui donna la nausée, il n'en laissa rien paraitre non plus.

Dérangé dans son ivresse ressourçante, elle ne lui adressa qu'un regard en coin avant de croiser ses bras contre la bordure de la baignoire.

- Je n'ai aucune raison d'être en colère. Certes le dénouement reste déconcertant, mais tout se passe comme je l'avais souhaité.

Amusé, il s'adossa à un mur propre avant de s'attarder sur ses yeux rouges.

- Ça ne m'étonne pas de toi... D'ailleurs, tu m'excuseras, mon séjour en compagnie d'Amanite m'a fait louper tout le spectacle. À choisir, je dirai qu'entre la mort de Trévor suivi du revirement de Bellatrix, des contrats rompus et de la montée en popularité du prince ; ce que je regrette le plus d'avoir manqué, c'est ce cyclone que tu as fait tomber sur Kardia. Les nobles ne parlent plus que de ça, ils t'appellent même le monstre de Patoma.

Face à ce surnom, Nery grimaça.

- Ça manque cruellement d'originalité, constata-t-elle en réfléchissant à un nouveau titre. Soit, alors comme ça tu es retourné voir, Amanite ?

Son sourire malin ne fit que rougir le jeune homme.

- Oh bah, tu sais, j'avais quelques jours de libre, donc je me suis dit, pourquoi pas. Les nobles de la capitale sont un peu comme des clones animés par les mêmes pensées et désirs, donc j'avais besoin de quelque chose de... Différent.

Satisfaite de constater qu'il avait enfin trouvé son doublon, Nery avala une nouvelle coupe.

- Tu es capable de l'aimer, tu sais.

Comprenant exactement ce à quoi elle faisait référence, Damian marqua une pause avant de devenir plus sérieux.

- Cesse de lire en moi, c'est troublant.

Puisqu'il n'avait connu que les aventures d'une nuit et que la ville cœur entière le considérait comme l'incarnation même de la luxure kardesienne, Damian s'était longtemps demandé si ce qu'il ressentait pour Amanite n'était qu'un autre de ses désirs ou bien quelque chose de plus fort. Pour lui qui prenait tout à la légère, c'était difficile à croire. Ainsi donc, il en venait à se demander si son corps de dépravé pourrait être légitime du luxe de tomber amoureux. D'autant plus que son temps était compté.

The blood heiressOù les histoires vivent. Découvrez maintenant