Chapitre 35

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- Alors c'est bon, tu lui as dit ? demanda Basile, en triant une pile de document à son bureau.
- Oui père, elle a accepté l'offre.
Le regard assombri par une rancœur vieille de plusieurs millénaires, il serra le poing
- La fin de ce salaud approche à grands pas.
Habitué à ce qu'il ramène toujours cette fameuse personne sur le tapis, Hélios leva les yeux au ciel.
- Son arrestation semble vraiment vous tenir à cœur.
- Tant qu'il sera en vie, ma chère Nerezzya ne sera pas en mesure de gouverner.
Évidemment Hélios n'avait point informé son père à propos de ses plans. Si le roi apprenait qu'il prévoyait de la tuer, sa vie ne tiendrait plus qu'à un fil.
- Je ferai en sorte de vous l'apporter dans les plus brefs délais.
- J'attends de voir ça, railla Basile comme s'il ne l'en pensait pas capable.
Hélios fut interrompu par trois coups rythmés.
- Tiens, voilà mon espion !
Drapée sous une longue cape noire à capuche, l'homme masqué entra en silence.
- Dans deux jours, commença la voix de l'homme mystère, les écoles, la grande maison des plaisirs et la réserve d'élixir seront ciblées. D'après ce que j'ai entendu, ils cherchent à créer un ressentiment des Kardésiens envers vous en s'en prenant à ce qu'ils ont de plus cher.
Un gloussement de la part du roi se mit à résonner.

- Je vois... C'est intéressant, je trouve ça prévisible, mais ces nobles sont tellement sots que ça marcherait.
- Mon roi, devrais-je envoyer les gardes d'élites protéger les lieux ?
- Non, répondit Hélios à sa place, j'ai une meilleure idée.
Sous le choc qu'il eut osé répondre pour lui, Basile congédia l'espion masqué avant de lui jeter ses foudres.
- Mon roi, il faut être réaliste, l'image du palais est au plus bas et les Kardésiens détestent Nerezzya. Nous allons retourner leur plan contre eux pour redorer l'image du palais.
- Mais encore ? le questionna Basile qui parut soudain bien intéressé.
- Nous ne devrions pas interférer avec les plans de l'organisation, non, laissons-les faire et tirons-en avantage. Si nous savons qu'ils s'apprêtent à détruire la réserve, dans ce cas partons maintenant récupérer des bouteilles.
Le roi se massa l'arête du nez avec désapprobation.
- Écoute Hélios, si c'est pour venir m'importuner avec ton addiction à l'élixir, tu peux t'en aller, j'ai eu tor...
- Taisez-vous, le coupa-t-il sèchement, père, je vous prie de bien vouloir m'écouter quelques minutes. L'élixir n'est qu'un moyen de profiter de leurs caprices. Les Kardésiens seront en colère, ils se sentiront trahis, dépouillé de leur bien le plus précieux. Ainsi, voyez-vous, qui sera là pour venir les réapprovisionner ? Le palais.
- Je vois où tu veux en venir, mais que comptes-tu faire pour éviter les morts ? lui demanda-t-il en soupirant.
- Rien, ce n'est que collatéral, le principal, c'est que le palais puisse riposter pour...

Un nouveau gloussement s'échappa des lèvres du roi qui claqua son verre contre le chariot de boisson. Sa chevelure d'habitude d'un blé brillant semblait se ternir à cause de la lueur des flammes. Bouillonnant, Basile croisa ses bras musclés contre les broderies de son pourpoint.
- Tu m'exaspères, qui es-tu pour savoir ce qu'est principal. Ce ne sont pas que de simple noble Hélios, ce sont des enfants ! Devrais-je te renvoyer au laboratoire pour que tu puisses te réimprégner de tout le travail qui se cache derrière leur enveloppe corporelle ? Préserver leur nouveau corps qui, je te le rappelle, ont pris plus de vingt ans à être conçu à partir de mon énergie vitale. Préserver l'avenir et l'existence de ce nouveau monde, c'est ça le principal.
Les points d'Hélios se serrèrent sous la colère. Il était parfaitement conscient des méthodes de création et de ce qu'elles engendraient, cependant quelques enfants ne détruiraient selon lui pas ce monde.
Un instant, l'esprit d'Hélios et tout ce à quoi il aspirait s'écroula. Engendrer la vie du continent, sans son père ni Nerezzya, comment pourrait-il se servir du codex, c'était impossible... Malgré la sueur froide qui vint lui glacer la nuque, il balaya cette pensée et la remit à plus tard.
- Si cela vous est si important, pourquoi donc n'avez-vous rien fait contre les anomalies durant ces dernières semaines ? Et puis une fois reine, Nerezzya pourra en faire de nouveau !
- Ferme là pauvre idiot, tu ignores tout de tout. Les habitants de Patoma puisent leur énergie dans mes entrailles, je deviens de plus en plus faible avec le temps et ne peux plus assurer la survie de tous. À cause de l'organisation, les incompatibles ne meurent pas assez vite, mais au moins, ils exterminent les anomalies. Que les nobles adultes meurent, ce n'est pas grave, ils sont presque immortels de toute façon.
Même s'il restait des zones troubles, Hélios commençait à mieux comprendre la situation. En revanche, devant son père qui semblait soudainement pris d'un mal de tête, il ne sut comment réagir. La tête entre les mains, à genoux sur le tapis, Basile murmurait des bribes inaudibles.
Jamais au grand jamais Hélios n'avait vu son père en telle position de faiblesse.
- J'ai besoin de céder ma place Hélios comprends-le, j'ai déjà bientôt un millénaire de trop. Les autres sont déjà parties, il ne reste que moi. Je dois terminer ma mission.
À présent perdue, Hélios sous le choc dévisagea le roi en tentant de comprendre.
- Mais enfin, père, de quelle mission parlez-vous et qui sont les autres ?
- Tuer Augustus et assurer l'avenir de la vie de ce continent...
Devant une si belle opportunité, le sourire du prince s'étira.
- Père, durant les prochains jours, je vais m'occuper de tout, vous pouvez vous reposer à présent. À votre réveil, tout sera réglé. N'avez-vous pas envie de dormir ?
Deva​nt son pouvoir, le roi s'endormit comme prévu. Sans perdre une seconde, Hélios s'empressa de prendre sa chevalière. Même s'il n'en avait jamais compris la cause, il était habitué à ce que son père perde connaissance pendant plusieurs jours. Ainsi, cela lui laissait un laps de temps avant qu'il ne se réveille.
- Gardes ! Hurla-t-il à plein poumon.
Tel un troupeau, une escouade de garde d'Élite entra en trombe.
- Mon père est souffrant. Dépêchez-vous d'aller déposer le roi dans ses appartements, le médecin royal saura ce qu'il faut faire.
Aussitôt, les gardes en armures vinrent soulever le roi à l'unisson.
- Compte tenu des récents événements, il m'a confié avant de s'évanouir la supervision de Kardia, les informa-t-il en montrant la chevalière à son doigt. En attendant son rétablissement, vous serez donc sous mes ordres.
- Bien votre majesté ! Répondirent-ils en chœur.




Quand tous les préparatifs furent mit en place selon ses plans, l'angoisse commença à germer dans son estomac. Hélios sentait des sueurs lui glacer le dos tandis qu'un millier de pensées négatives se poursuivaient à la chaine dans son esprit. Si cela échouait tous ces prochains projets seraient fichus. Par ailleurs, il se rendit compte que c'était la première fois qu'il entreprenait vraiment quelque chose. Personne ne lui dictait sa conduite. Il demeurait le maitre de ses actions.

À l'inverse, s'il doutait de la réussite de son plan, il restait certain qu'il ne pouvait prendre de meilleures décisions. Quant au souci de descendance, il avait décidé qu'une fois vainqueur, il épargnerait Nerezzya et l'exilerait au grand laboratoire. Il n'aurait qu'à s'introduire dans son esprit pour l'y contraindre.
À travers les larges vitraux de sa chambre, le soleil couchant enveloppait la modiste qui l'habillait depuis plusieurs minutes. Compte tenu des températures, ils avaient opté pour une tunique en blanche ainsi qu'un pourpoint sans manche brodé de fils d'or.
Quand elle eut achevé de tout de blanc le vêtir, la femme, à la demande du prince, coiffa ses cheveux ébouriffés afin de leur donner un mouvement plus soigné et autoritaire.
- Mary ! Invoqua-t-il avec une pointe d'anxiété.
Lorsque la servante arriva, il passa une main lente dans ses cheveux avant de s'attarder un instant, sur son visage masqué
- De quoi ai-je l'air ?
Du bout de ses doigts ganté, cette dernière vint parcourir le fil d'or de son pourpoint.
- D'un roi, affirma-t-elle avec une fierté factice. D'un roi puissant.
Comme si c'était exactement ce qu'il voulait entendre, le prince sentit son cœur s'emporter.

The blood heiressOù les histoires vivent. Découvrez maintenant