Chapitre 36

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Les souvenirs de la veille se repassaient en boucle dans son esprit de manière cauchemardesque. Ainsi, entre les révélations de Dame Rose et son massacre, savoir Bellatrix toujours endormi, la libéraient d'un poids. Même si elle redoutait son réveil plus que n'importe quelle opération, elle n'avait pas le temps de s'en soucier. Ils avaient tous raison. Elle avait été trop gourmande, c'était un monstre.

Au première loge de ce nouveau tableau dont elle n'espérait qu'être surprise.Nery buvait un verre de Nectar au sommet du grand théâtre qui offrait une vue idéale sur les trois bâtisses. Le ciel commençait déjà à répandre ses nuances de violets et de bleu nuit quand un vent chaud porteur de divertissement s'éleva parmi les Kardésiens. Depuis son entrée en scène, le festival Kardésien avait perdu de son cachet. Une angoisse constante serpentait entre les convives qui ne savaient vivre autrement.

D'un air morose, accoudé à la rambarde métallique, elle toisait les environs. Aussi fluide qu'un drapeau, la jupe de sa longue robe rouge virevoltait.

Ce qui devait arriver ne se fit pas désirer plus longtemps. Un grondement aussi puissant que l'orage se fit ressentir aux quatre coins de la ville cœur. Tandis qu'elle sortait toutes de leurs cages, prêtes à réduire la réserve, les anomalies, comme à leur habitude, se mirent à pousser de longs cris alarmants. Ainsi, tel une vague tentant de braver le courant, les nobles commencèrent à se figer ou à revenir sur leur pas.

Sondant les environs, prêt à voir débarquer les bêtes de tout coté, la peur grondait. Dans ce cauchemar redondant, les Kardésiens se bousculaient violemment. Sous les pluies de coups, les femmes perdaient leurs maigres parures. Des sacs s'affalaient contre les pavés, vomissant leur contenue. Les boutons de chemises valdinguaient face aux coups de griffes de leurs porteurs.

Personne ne les voyait encore pourtant, l'effet qu'elles produisaient déjà était monstrueux. Un haut noble qui se trouvait là commença à hurler. Ses mots répétés sans discontinue s'élevaient hors de la foule. Un appel à l'aide dont même Nery s'étonnait. Il vociférait avec ardeur : « Garde ! Garde ! Vous devez me sauver ! Bon sang, sauvez-moi ! » Sans surprise, il ne récoltait que les regards haineux de ses congénères.

De ce point de vue, Nery appréciait la vitesse à laquelle le plateau se retournait. Comme si les nobles subissaient les effets d'une drogue extravagante, les masques tombaient, la vraie nature se révélait. Patoma se voyait dépourvu d'animaux depuis le nouveau monde, pourtant aux côtés de ces personnes ravagées, leur absence n'avait jamais manqué. Après tout, ça restait en leurs corps qu'ils s'étaient réincarnés.

Silas, qui se trouvait à sa droite au côté d'Azérie, dégaina son épée. Les sens en alerte, un filet de sueur glissa le long de sa tempe. La chaleur qui les entouraient devenait étrangement pesante.

- Ma Dame, vous êtes en danger, cria-t-il en l'invitant à se lever, nous devons vite quitter les lieux ! La menace arrive...

Nery le coupa dans son anxieux élan d'un revers de la main. Sans lui jeter un regard, elle continua à contempler le spectacle en contrebas.

- Tais-toi, nous sommes perchés en haut du Grand théâtre, rien ne peut nous arriver.

- Mais... Balbutia-t-il en s'inquiétant pour elle.

Un sourire mesquin aux lèvres, Nery passa un doigt sous le menton du garde. Son regard plongé dans le sien, il chancela quand ses iris virèrent au rubis.

- De quel menace, parles-tu au juste.

Un mélange de culpabilité et d'angoisse vint frapper le jeune homme.

- C'est bien ce que je pensais.

Le visage froncé par une certaine désapprobation, Azérie toisa un instant Nery avant de bomber son torse.

The blood heiressOù les histoires vivent. Découvrez maintenant