Chapitre 39

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En seulement deux jours, Hélios avait compris quelque chose qui toute sa vie était resté un mystère. Le besoin obsessionnel de Nerezzya pour le spectaculaire. Il ne lui avait suffi que de quelques belles paroles, niaise à souhait, pour mettre les nobles dans sa poche. Le prince savait déjà que cette population était influençable, mais il en avait apparemment ignoré le degré. Pour tout dire, il n'avait même pas eu besoin de se servir de son talent tant la tâche s'était montré aisé.

La satisfaction ne se faisait pas ressentir chez lui. Bien au contraire, il semblait profondément déçu. C'était comme avoir attendu toute sa vie d'ouvrir une boite pour découvrir que le contenu ne s'avérait autre qu'un caillou sans valeur. En s'opposant à son père, en distordant son peuple, il s'attendait à bruler de plaisir, à se sentir puissant, foutaise. Seule l'amertume régnait dans sa gorge. Hélios désirait, d'une manière indescriptible, plus.

Quand il entra dans ses appartements, le jeune homme défit ses boutons de manchette puis il rabattit l'étoffe jusqu'à ses coudes. Le flacon d'élixir qui l'attendait sur le chariot ne tarda pas à se faire emporter. Épuisé, Hélios laissa le liquide pétiller sur sa langue, tout en répandant son merveilleux gout sucré. Il s'arrêta net lorsqu'il trouva Jessamine assise sur son lit.

Du bout de son pouce, le prince essuya le coin de sa lèvre humide avant d'afficher une mine confuse. Son amie ne portait qu'une maigre nuisette de dentelle dont le décolleté laissait aisément apercevoir sa poitrine. Par ailleurs, sa ravissante chevelure blanche ruisselait le long de ses courbes tandis qu'elle affichait ce fidèle regard ardent. Bien que surpris, Hélios qui l'avait déjà vu nu des centaines de fois ne lui octroya pas plus qu'un coup d'œil.

- Qui t'as laissé entrer ? demanda-t-il sur un ton calme

- Personne. Je suis au palais depuis plusieurs jours...

La poitrine du garçon se gonfla. La plupart du temps, sa présence en ces lieux ne signifiait rien de bon, pour elle du moins.

- Ta mère ?

La jeune femme ne prit même pas la peine de répondre, son silence et la fatigue qui creusait son visage en disaient bien assez. Jessamine était l'enfant de Phésalis la célèbre exelixi connu pour son penchant aux ébats. En d'autres termes, elle dirigeait toutes les maisons des plaisirs de la ville cœur. Malheureusement, sa fille avait toujours été victime de ses activités.

Dès son enfance, Phésalis avait envoyé de centaines d'hommes et femmes à sa rencontre afin de lui faire subir et de l'entrainer comme il se devait aux « arts de chambre ». Encore aujourd'hui Jessamine se voyait convié au palais pour y être initié. Parfois, ou plutôt à chaque fois, il était question d'orgie démesuré dont elle seule devait satisfaire chacun des participants. Elle n'avait ni le choix ni le droit au repos avant d'avoir fini sa tâche.

Hélios haïssait Phésalis d'avantage que tous les autres exelixi. Néanmoins, pour la Dame, cet acte sexuel représentait ce qu'il y avait de plus puissant au monde. L'essence qui se dégageait de chaque accouplement demeurait pour elle l'ultime besoin de sa croissance. De ce fait, en éduquant son enfant de la sorte, elle était persuadée de la rendre invincible. De faire d'elle un être parfait détenant une force inimaginable.

- Ne m'avais-tu pas dit que ce serait la dernière fois il y a deux mois ?

La jeune femme haussa les épaules comme s'il ne s'agissait que d'une futilité. Malgré son désir de n'afficher aucune faiblesse, son masque ne tromperait même pas un aveugle.

- Cette fois-ci c'était pour me punir d'avoir osé émettre un désir personnel.

- Lequel ?

- Je sais que je n'en ai pas l'air, mais j'adore vraiment écrire, c'est sans doute dû à l'influence de Damian et de Molise. Donc j'ai écrit plusieurs manuscrits, assez bon sans me vanter, qui allaient être publiés. J'ai eu la mauvaise idée de lui en parler.

The blood heiressOù les histoires vivent. Découvrez maintenant