La peau si brulante qu'elle en laissait échapper des volutes de fumé, Nery sortit de sa baignoire avant de s'arrêter brusquement dans son élan. Tel un rocher dégringolant, une étrange sensation la consuma, comme si on l'observait de loin. Un calme suspect régnait dans sa chambre au milieu des senteurs floral qu'avait propagée sa toilette. Le souffle court, elle inspecta les alentours, prête à bondir sur le moindre élément anormal. Rien. Personne. La pièce était vide, pourtant un instant, elle aurait juré avoir senti un sang couler dans
l'atmosphère.
Toujours sur ses gardes, elle se dépêcha d'aller s'habiller. Toutefois, quand Nery commença à chercher une tenue pour la journée, elle remarqua son tiroir de chaussette légèrement entrouvert. Une seconde, son cœur manqua un battement. Le problème n'aurait pas été s'il ne s'agissait que d'un tiroir de chaussette banal. Dans un coin, camouflé, une petite sangle permettait d'accéder au véritable contenu de celui-ci : les armes et équipements provenant de l'organisation.
Sans perdre une seconde, elle se jeta sur le tiroir avant d'en vérifier le contenu. À première vue, tout se trouvait en place, cependant, en inspectant en profondeur ses différentes ceintures, elle remarqua bien assez tôt que plusieurs pilules venaient à manquer. Tantôt, ce fut une explosive, tantôt une incendiaire, parfois une autre du lot. Sa dernière mission lui revint alors à l'esprit lorsque sur le toit d'une maison, une explosive manquait.
Il n'y avait plus aucun doute, quelqu'un fouillait dans ses affaires, et ce, depuis un certain temps maintenant. Comme il était impossible de trouver ses cachettes, on avait dû l'espionner pendant même qu'elle se servait. C'était loin d'être la première fois que Nery sentait comme une présence dans son dos, même lorsque jamais personne ne la suivait.
Tel une bobine de fil mémoriel, un nombre incommensurable de visages défilèrent dans son esprit. Un a un, la jeune femme tenta de démasquer qui pouvait bien lui nuire ainsi.
Malheureusement, trop de gens possédaient à ses yeux un profil suspect. Cela pouvait être n'importe qui de son entourage, comme un parfait inconnu aux ordres du roi. Pourtant
semblable à un mauvais pressentiment, une part d'elle-même lui intimait que cette personne ne pouvait que faire partie de son entourage.
Quoi qu'il en était, il fallait absolument qu'elle découvre le plus vite possible de qui il pouvait bien s'agir.
La voix forte d'Azérie raisonna à travers tout le manoir. Depuis leur premier matin, la garde n'avait jamais cessé de lui préparer le petit déjeuner, et ce, même si Nery n'avait aucun besoin de s'alimenter.Porté par le ciel bleu qui s'échappait des fenêtres ouvertes, Azérie tournoyait, une assiette de fruits colorés en main. Par-dessus son armure flottait un tablier, jaune citron, offert il y a peu par Nery. Tout sourire, la femme vint s'asseoir tout en rabattant dans son dos, son interminable tresse brune.
- C'est un jour spécial aujourd'hui non ? commença-t-elle avec un air taquin.
Nery ne comprenant pas ce à quoi elle faisait référence, arqua un sourcil avant de s'assoir à son tour.
- Ah bon ?
- Ton dernier jour à l'académie, tu n'avais quand même pas oublié ?
Le cœur de la jeune femme manqua un battement, à vrai dire, si, elle avait complétement omis ce détail. Une sensation étrange s'installa dans sa poitrine, comme si des chaines qui la retenaient depuis toujours venaient enfin de la libérer.
- Je considèrerais spécial, le jour où je n'aurais définitivement plus à voir leurs visages, finit-elle par admettre en se servant un verre de nectar.
- Tu parles de la remise des prix ?
Un gloussement sarcastique s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle s'imaginait déjà la scène.
- Si seulement... Comprends Azérie que même après, je continuerai de les voir.
- Crève-toi les yeux dans ce cas.
Face à son ton dépourvu d'ironie, le morceau de melon dans la bouche de Nery emprunta le mauvais chemin.
- j'y songerai, lui promit-elle en toussotant.
Même si au fond, elle savait qu'il ne s'agissait que d'une blague, un vague ressentiment lui monta à la gorge. Azérie ne lui voulait aucun mal, du moins, elle l'espérait. Cependant, elle n'en restait pas moins un envoyé du roi, son rôle même résidait dans son espionnage de la jeune femme. D'un autre côté, toutes deux entrainaient une forte relation de confiance, ainsi, Nery imaginait très mal la garde d'Élite lui vouloir du mal. Sans chasser l'idée pour autant, elle la supprima de la liste des suspects.
Néanmoins, la personne qui avait fouillé sa chambre devait avoir un accès au manoir compte tenu de la haute surveillance de la résidence. Il devait forcément s'agir d'un garde ou d'un enfant d'exelixi. Coïncidence ou non, deux gardes étaient en permanence logés au manoir, Silas en faisait partie.
Toutefois, Nery ne connaissait pas plus insipide que Silas. Il était maladroit, peureux et d'une immense timidité, le roi devait sans doute l'avoir placé à ce poste pour couvrir la vraie taupe. Par ailleurs, elle ne discernait pas la moindre trace de vice chez lui.
- Azérie tu sais où se trouve Silas en ce moment ?
- Bien sûr, il est parti tôt ce matin pour aller te chercher le journal, tu avais besoin de lui pour quelque chose ?
Nery réprima un sourire, étonnement le jeune homme prenait cette tâche très au sérieux.
Chaque jour, il se rendait quinze minutes en avance devant l'imprimeur pour être certain d'avoir un journal à lui apporter. Ou alors c'est d'autres informations qu'il allait apporter lui-même...
- Non du tout, je me posais juste quelques questions, d'ailleurs Qu'en est-il de l'autre.
Tout en versant un filet de sirop d'érable sur sa brioche, Azérie hocha les épaules d'un air désintéressé.
- À vrai dire, je ne connais même pas son nom, je n'ai d'ailleurs même pas le souvenir de l'avoir déjà entendu parler. Si tu veux mon avis, ce poste l'ennuie à mourir. Je le retrouve souvent dans des pièces à rêvasser, je l'ai même déjà vu dormir sur le tapis.
- Je vois, murmura-t-elle tandis qu'un champ de suspicion fleurissait dans son esprit.
S'il cherchait à être suspect, sa mission était accomplie. Le garde paraissait si invisible que même quand il était à ses côtés, il ne causait pas plus de vague qu'une ombre. Mais justement n'était ce pas la meilleure des stratégies ? Donner l'air de ne pas être une menace pour mieux se mouvoir dans le manoir et en dehors. Personne ne pouvait confirmer avec précision quand il avait été présent ou non. En un instant, Nery dirigea toute sa méfiance sur sa tête.
- Pourrais-tu le surveiller pour moi s'il te plait, j'ai peur qu'on cherche à interférer avec mes prochains prix, d'autant plus qu'on va sans doute essayer de me tuer dans les prochains jours
Cela n'avait rien d'un mensonge, les prix offraient occasion, gloire et relation, en obtenir un représentait déjà un essor majeur dans la vie d'un noble. Ainsi donc, la semaine qui précédait la remise, il n'était pas chose rare de voir des étudiants disparaitre dans de mystérieuses circonstances.
Qu'importaient les efforts, le chemin ou le talent, seul le résultat importait. Par conséquent, tantôt les étudiants parvenaient à éliminer la concurrence et s'hissaient au sommet, tantôt c'était un échec et ils finissaient eux-mêmes par disparaitre, victime des meilleurs.
Au fond, Nery qui se voyait promis cinq prix n'en avait pas intérêt d'un seul. Or, par sa condition méprisée et ce qu'elle s'apprêtait à accomplir, elle ne pouvait pas se permettre moins. Après tout, ils n'étaient que le fruit de ses durs efforts et, de ce fait, des récompenses bien méritées. Bien qu'ils aient dû travailler, eux aussi, aucun autre étudiant n'avait dû traverser le quart de ce qu'elle avait enduré ni même endosser les mêmes responsabilités.
Azérie acquiesça, pas inquiète pour un sou, la confiance qu'elle portait dans les capacités de Nery ne se voyait contrainte d'aucune limite.
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The blood heiress
FantasyDans un nouveau monde aux lois naturelles chaotique, les nobles détiennent l'autorité absolue. Tous réunis sur Kardia, la ville cœur du continent, Ils mènent une vie de luxure et jouissent de pouvoirs fabuleux. À l'inverse, les incompatibles, simpl...