Nathan détecta l’arnaque avec l’adverbe. Ça lui fit quand même plaisir.
— Les choses étranges arrivèrent bien vite.
— Étrange comment ?
Elle tira le col de son sweat.
— À un point où j’ai cru devenir folle. J’ai eu tout le gratin : Rêve bizarre, objets qui se déplace (à la Carrie), ventre chaud, schémas sur ma peau.
— T’es comme moi ?
— Non. Et arrête de m’interrompre ! J’ai dû fermer mes dossiers pour la fac. Et puis j’ai tenté de me suicider. Mais quelqu’un m’a sauvé et m’a remis les pendules à l’heure.
C’était bel et bien la journée des histoires mouvementées. Se suicider ? Vraiment. Nathan émit un rot. Quelque chose de flagrant émergea de son esprit. Sa mère était une meurtrière vu qu’elle était une gardienne. Prenait-elle du plaisir ? Était-elle dirigée par un ressentiment puissant vis-à-vis des monstres comme Carla et Jo ?
— Qui est donc cette personne ?
— Je n’en ai pas la moindre idée. Disons que c’était tout le monde et personne en même temps.
Elle se foutait clairement de sa gueule, non ? Pourtant, elle maintenait un calme légendaire qui contrastait avec ses mots. Un calme qui déclarait que cela n’avait rien de surprenant.
— Cet inconnu m’a beaucoup appris sur moi, toi, et la nature. Elle m’a aussi aidé à cacher ton existence aux gardiens et à te mettre au monde.
— Donc c’était une femme ?
— Je te le répète, j’en sais rien. Et puis il ou elle a disparu du jour au lendemain. J’avais peur et je ne savais pas quoi faire. Alors, je t’ai confié à Belinda et grâce à quelques tours, simulé ma mort.
— Pourquoi ? Rien ne t’obligeait à agir de la sorte.
— Oh, crois-moi. Tout m’y obligeait. J’avais besoin de réponse et la seule instance qui était en mesure de m’en fournir était la confrérie des gardiens. Alors, je les ai intégrés avant de franchir les rangs aussi vite que possible. Cela dit, j’ai pas eu besoin d’une éternité pour comprendre que ton père était dangereux.
Le crâne de Nathan enflait. Il était vrai qu’il voulait savoir le pourquoi de tout ces comment, mais ça commençait à en faire trop. Il avait l’impression de suivre un cours d’histoire d’une prof trop belle. Il pensa à son école et au club des insoumis. Au sourire blanc d’Aoki, au regard perçant d’Ophélia, au sujet rocambolesque de Stephen. Ils le manquaient. Et frappé d’un éclair soudain, il captura une parcelle de lumière. Belinda savait ce qu’il était, et l’avait gardée tout de même. Il sourit.
— Qu’y a-t-il ? avait demandé Rhoda.
— Je… Je me suis trompé sur Belinda et ça me rend heureux. Bizarre non ?
Rhoda sourit à son tour.
— Pas tant que ça.
— Si tu le dis. Il essuya ses yeux. T’as découvert autre chose sur mon père ?
Elle redevint sérieuse.
— Oui. Mais que dirais-tu de reporter cela ? T’as faim non ?
La perspective qu’offraient ces trois mots le réconfortait. À plus tard. Comme s’il avait le temps et qu’il n’était pas traqué de part et d’autre. Il savait qu’il ne devait pas faire confiance à des promesses périlleuses, mais l’entrain agrippait ses tripes. Et puis, cette femme était la mère qu’il espérait tant. Pourquoi ne pas en profiter ?
Il la regarda se relever, épousseter son joggeur, passer les mains dans ses cheveux et attrapa le téléphone de la chambre.
— T’aimes le poulet frit ? demanda-t-elle en penchant la tête.
— C’est pas très sain pour la santé, mais oui.
Elle composa un court numéro, passa sa commande, spécifia qu’elle n’attendra pas très longtemps et raccrocha. Pour quelqu’un qui dormait surement avec des dagues, elle était un peu trop ordinaire.
— Je vais prendre un bain et je te retrouve tout de suite après. Le soleil de New York est quand même puissant.
— NEW YORK ? s’étonna Nathan. On est à New York ?
— Tchuut, tchuuut, tchuut ! J’ai mon bain à prendre.
Elle ouvrit la porte de la chambre dans laquelle Nathan avait émergé.
— Ils sont vivants pour de vrai, hein ? Jo et Nobody ? questionnait-il avant qu’elle ne disparaisse.
— Rassure-toi, Nathan, tu n’es pas encore un meurtrier.
Ça claqua et il laissa sa tête rejoindre le canapé. Les courants qui l’animaient s’opposaient jusqu’à se déchirer. Il était triste pour Jannick qui ne méritait pas de mourir. Triste aussi de ne pas avoir pû le venger comme l’ami qu’il représentait pour lui. Il était aussi content de savoir qu’il n’avait pas du sang sur les mains. En-tout-cas, pas encore. Il se remémora les palpitations de cette sale soirée. Toute cette puissance. Il était le roi du monde et ça l’avait plus.
Pour patienter, il ralluma la télé et se perdit dans un journal. On parlait de guerre, de manifs, de pollution et de tas d’autres sujets qui poussait à croire que la terre n’en avait plus pour longtemps. Il tituba ensuite vers le balcon et tira les rideaux. La vue n’avait rien de grandiose : un bâtiment haut de cinq étages aux murs marron et frais. Elle se fondait parfaitement avec ses camarades. Les trottoirs étaient toujours animés par des gens pressés et des voitures à vitesse raisonnable. Dires qu’il se trouvait à New York. Un homme leva les yeux vers lui, par curiosité peut-être Nathan se rappela néanmoins qu’il était recherché et ferma les rideaux.

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GØN : quête et guète, Tome 1
ParanormalNathan était un ado qui retenait le positif de la vie en toute circonstance. Il se disait qu'il avait tout pour être heureux : des parents aimants, un frère chiant, une sœur adorable, des amis en or et des tonnes de mangas. Mais ce bel état d'esprit...