Chapitre XIV : Les dossiers

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Venise, mars 1996

LIAM

Rosalie et Gio se disputaient dans le salon. Je restai caché derrière la porte pour entendre mais aucun son n'atteignit mes oreilles. Les deux femmes se disputaient trop souvent. Est-ce que cela était de ma faute? Avais-je mal travaillé à l'école? Est-ce que Rosalie allait faire comme maman et papa? Elles me remarquèrent enfin et arrêtèrent immédiatement leur affront. Rosalie me tendit la main pour que j'approche. Je restai méfiant mais le regard de Gio me disait que tout allait bien. Alors je pris la main de la femme âgée. Elle m'attira à elle, puis rapprocha Gio à son tour.

On sonne à la porte. Le bruit me tire du souvenir. La personne sonne à plusieurs reprises comme si un déluge allait arriver.

— J'arrive, je crie à travers les pièces.

J'enfile ma robe de chambre et mes chaussons pour aller ouvrir la porte avant de devenir fou.

Je crois voir furtivement le masque du bal se tenir devant moi. Mais Joy ne le porte pas cette fois-ci. Elle est elle. La future Madame Costa. Plus la belle inconnue de mes rêves. Sait-elle que c'est moi?

— Joy? Qu'est-ce que vous...

Elle ne me laisse pas répondre et entre.

— Je vous en prie, faites comme chez vous.

Je referme la porte. Elle s'excuse et me tend quelque chose.

— Je les ai trouvés dans notre salon, je les ai un peu feuilletés et il y a un dossier avec votre nom et deux autres prénoms. Je ne les ai pas ouverts, j'ai préféré vous les apporter.

Je lui prends les papiers et me dirige vers mon bureau. J'ai une vague idée de ce qu'il pourrait y avoir dedans mais je n'ai pas forcément envie que Joy découvre ce qu'ils contiennent, surtout si c'est ce que je pense. Elle reste au milieu du hall d'entrée sans tourner la tête et regarder autour d'elle. Je regrette que sa première visite se fasse ainsi.

— Alors? Qu'est-ce qu'il y a?

Je ne réponds pas et découvre tout ce que cet enfoiré détient sur moi. La liste de tous mes clients ainsi que la liste de tous les instruments et œuvres que je collectionne, ceux que je vends et d'autres infos qui pourraient lui être utiles.

— Liam?

Je relève la tête, j'en avais presque oublié la présence de Joy dans ma maison.

— Qu'est-ce qu'il y a dans ces dossiers?

— Rien d'important, mais merci de me les avoir apportés.

Elle a les bras croisés, l'air sévère.

— C'est tout?

— Que voulez-vous que je vous dise? Ce sont des affaires de boulot, rien de grave.

— Mais je ne comprends vraiment pas en quoi vos boulots sont liés.

Comment vais-je pouvoir le lui expliquer sans me vendre?

Joy a l'air de vouloir mettre son nez partout.

— Écoutez, Ernesto est un vendeur, je lui ai acheté quelque chose mais ça s'est mal passé.

— Pourquoi ?

Mais arrêtez de poser des questions Joy, dit la voix dans ma tête.

— Ça s'est mal passé, c'est tout, il n'y a rien à ajouter.

Elle n'a pas l'air convaincue par ma réponse. Je me dirige vers mon bureau pour les comparer avec les informations que Louise m'a transmises le mois dernier. Je ferme vite le fichier avant qu'elle ne passe derrière ma chaise pour ne pas qu'elle regarde ce qu'il y a dessus.

— Liam?

Je relève la tête et en croisant son regard, des souvenirs de la nuit colorés envahissent mon esprit. Gio m'a reproché de ne pas l'avoir cherché et je lui ai menti en disant que je ne l'avais tout simplement pas trouvée. La vérité c'est que j'avais été bien trop hypnotisé par Joy.

— Joy?

— Dites-moi ce qu'il y a écrit sur ces papiers.

— Je vous l'ai dit, des choses par rapport au boulot.

— Arrêtez de mentir Liam, cela vous rend moche.

Je soutiens son regard et ne réponds rien, elle sait pertinemment que je mens.

— Bon, très bien. Je m'en vais.

Elle prend la direction de la sortie et je la suis pour la raccompagner. Je lui ouvre la porte et la laisse repartir.

— Dernière chance, Liam, me dit-elle avant de monter dans sa voiture.

Je balance la tête de gauche à droite. Je ne lui dirai rien sur notre affaire. Après avoir refermé la porte et laissé repartir Joy, je cours attraper le téléphone posé sur mon bureau et tape le numéro de Tom. Les dieux merci, il est réveillé.

— Qu'est-ce que tu dis? il dit après que je lui ai raconté.

— Dans ses papiers, il y a pratiquement tout sur nous, et je n'ai pas encore regardé ce qu'il avait sur Leonardo et Riccardo.

Hure! (putain en allemand).

— Tu l'as dit, et Joy met son nez partout. Elle voulait absolument savoir ce que contenaient ces dossiers.

— Tu lui as dit?

— Non, bien sûr que non.

— Bon, qu'est-ce qu'on fait?

— Rien, pour l'instant, on attend. J'ai la représentation dans plus très longtemps, je n'ai pas la tête aux ventes pour le moment, je te laisse gérer si tu n'es pas trop occupé.

— Je m'en charge, ne t'inquiète pas pour ça.

— Je garde les papiers bien cachés, je les donnerai à Louise pour qu'elle en fasse des copies et qu'elle récupère ce dont on aurait besoin.

— Je peux lui donner si tu veux.

Je pousse un petit rire derrière le téléphone et lui réponds :

— Si cela te fait plaisir.

Je raccroche et au lieu d'aller me coucher, je vais dans ma salle de musique pour jouer un morceau. Les infos qu'Ernesto a récolté sur nous m'ont tendu. Je me demande alors comment a-t-il pu avoir tout ça.

Je m'installe au piano et les notes sortent au bout de mes doigts. Puis après le piano je passe à la harpe. Je pince les cordes avec délicatesse. Je change et passe au saxophone pour jouer Hit the road Jack de Ray Charles. Qu'est-ce que vous croyez, je ne joue pas que du classique. Et je finis par le violon. Oso apparaît dans la pièce et vient se coucher sur le piano. Il aime bien de temps en temps se poser et m'écouter jouer. Je ne sais pas s'il le fait vraiment mais je préfère y croire.

°°°

Je n'arrive pas à retrouver le sommeil. Je décide d'aller me balader dans mon jardin. Certaines fleurs ont commencé à faner et d'autres à fleurir. La fontaine est éteinte durant la nuit. Je me retrouve face à la statue d'Athéna. Je l'ai faite construire après la mort de Rosalie. C'est elle qui nous a initié à cette croyance. Je reste quelque temps face à elle et la prie un moment.

Les images de Joy dans sa magnifique robe noire refont surface une nouvelle fois. Elles n'arrêteront jamais de me hanter tout comme celles d'Ernesto lui serrant le poignet.

Que pourrais-je bien faire pour changer ça? Pour la sortir de cette situation.

Aucune réponse ne me vient sans la possibilité que Joy me déteste encore plus. Mais la sécurité de Joy est plus importante que le fait qu'elle me déteste. Je ne pourrais pas me regarder dans le miroir s'il lui arrivait quelque chose de bien plus grave simplement parce que je n'ai rien fait.

L'AMOUREUXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant