Quelque part, en province italienne, septembre 1998

LOUISE

Tom et moi arrivons chez nos amis.

Liam et Joy ont déménagé de Venise pour s'installer dans une campagne non loin de la mer sur le continent. Venise paraît vide sans eux et le trajet est long mais les raisons qui les ont poussées à quitter la ville sont tout à fait compréhensibles.

— J'ai apporté une tarte au citron, je tends le plat à Joy quand elle m'ouvre la porte, le petit Achille dans les bras.

Sa mère porte une jolie robe noire qui traîne à ses pieds. Ses cheveux sont détachés et ses lunettes reposent au bout de son nez.

L'enfant a déjà trois mois. Je ne vois pas le temps passé. Bientôt il sera à l'école que j'aurai à peine cligner des yeux. Je n'en parle pas à Tom, mais secrètement, je veux aussi un enfant. Je pense plus à l'adoption qu'à un enfant biologique, mais ce n'est pas encore dans nos projets.

Tom et moi avons abandonné nos maisons pour enfin nous en acheter une à nous. La vie n'a jamais été aussi tranquille que depuis que nous sommes tout le temps ensemble.

— C'est papa qui va être ravie, elle dit à l'intention de son fils.

Achille a les cheveux noirs de sont peur et des yeux presque aussi verts que Joy. Liam nous a confié que le petit était déjà poilu à la naissance.

— Liam, Louise et Tom sont arrivés, avertie Joy.

Nous entrons dans la demeure de Serra et Ricci. Et non, aussi curieux soit-il, Joy et Liam ne sont toujours pas mariés. Je ne sais pas si c'est un choix ou si c'est Liam qui met trop de temps à faire sa demande mais je sais que Joy n'attend que ça : se marier sous la bénédiction d'Héra.

Liam arrive enfin dans son hall décoré de tableaux et de miroirs. Il nous accueille et nous emmène dans le salon. Quand il voit Joy avec son fils, il lui vole des bras et le jette en l'air de quelques centimètres, ce qui a le don de faire sursauter Joy. Il lui envoie un clin d'oeil en suivant Tom me laissant en arrière avec Joy.

— Parfois j'ai peur de laisser Achille avec Liam seul. Il faudrait deux nounous pour s'occuper de ses deux enfants.

Je ris à sa remarque et nous rejoignons les garçons dans le jardin. La vue sur la mer ne cessera jamais de m'impressionner.

— Vous venez pour le carnaval cette année, je demande à mon amie.

— Que crois-tu ? Je ne louperais pas le premier carnaval de mon fils.

Joy me confiait encore certaines pensées depuis la mort de son bourreau et la naissance d'Achille. Elle avait peur qu'une chose similaire lui arrive. Qu'un parent de Costa fasse apparition en décidant de se venger sur son enfant comme Ernesto l'avait fait sur elle. Devenir mère a développé chez elle une nouvelle inquiétude. Mais je la rassure en lui disant qu'ici, personne ne viendra enlever son fils et Liam ne laissera jamais une chose pareille se produire.

Du côté de Liam, juste avant la naissance d'Achille, il avait pris la décision de voir un psychologue pour régler les problèmes qu'il pensait aller faire de lui un mauvais père. Il n'en parlait pas, mais j'ai vite remarqué que l'arrivée du bébé lui avait fait prendre conscience d'énormément de choses.

— Joy, ton fils te demande, il n'a pas l'air de m'aimer.

Tom arrive avec son neveu - nous étions tous ses tantes et oncles - dans les bras en larmes. Dès qu'il aperçoit Joy, Achille tend les bras vers sa mère pour la réclamer.

— Et vous ne voudriez pas en avoir un vous deux, intervient Liam.

Je lance un regard à Tom essayant de déchiffrer ce qui traverse son esprit.

— J'imagine que ça viendra quand ça viendra, conclut Tom.

Ce qui me laisse penser qu'il n'est pas fermé au sujet.

Joy apporte du thé, des gâteaux ainsi que la tarte au citron. Le soleil commence à se coucher sur la mer face à nous. Achille joue sur son tapis dans l'herbe, Tom et Liam discutent du prochain concert de celui-ci et Joy et moi de la future collection de Versace et au défilé auquel participe Gio.

Tom et Liam ont complètement quitté les ventes. Ils ont coupé tous contacts avec Leonardo, Nino, Ugo et tous les autres. Il ne veulent plus entendre parler d'eux, de Costa, des ventes et des réseaux. Tout ça est derrière eux et c'est mieux ainsi.

— Je vais aller coucher Achille, averti Joy.

— Tu as besoin d'aide, l'interroge Liam.

— Non.

Joy nous quitte avec le petit dans les bras.

Liam la suit du regard avant qu'elle ne disparaisse derrière les murs de la maison.

— N'est-elle pas sublime ? Le rôle de mère l'embellit de jour en jour, commente Liam quand Joy est assez loin.

— Et quand comptes-tu lui demander de t'épouser imbécile, réprimande son meilleur ami.

La question qui fâche.

— Nous partons pour Noël en Grèce, elle a toujours rêvé d'y aller. Joy ne le sait pas encore.

Pas tant que ça finalement.

— Avec Achille ?

— Bien sûr avec Achille. Jamais je ne pourrais séparer Joy de son enfant surtout pour son premier Noël. Gio a pourtant insisté pour le garder mais c'était un non catégorique.

— Gio est au courant avant moi, se plaint Tom.

— Marius aussi.

Tom fait mine de s'offusquer. Joy revient avant qu'il puisse répliquer.

— Il s'est endormi plus vite que ce que je n'aurais cru, de quoi parliez-vous ?

— Je disais à nos deux amis à quel point j'étais heureux avec vous deux.

Tom glisse sa main dans la mienne pour me signifier qu'il pense la même chose de nous bien qu'il ne l'exprime pas aussi souvent.

Nous parlons toute la nuit avant de repartir pour Venise. Dans la voiture, je repense à l'époque où Joy et moi n'habitions qu'à quelques pâtés de maison, quand nous nous voyons tous les jours.

— Je veux des enfants Louise.

Il balance ça sans contexte.

— Je n'en veux juste pas maintenant. Je veux qu'on y réfléchisse ensemble, que l'on prenne les bonnes décisions. C'est tombé sur Joy et Liam comme ça, et heureusement pour eux, cela s'est bien passé. Mais j'ai besoin de tout prévoir moi, je ne veux pas que ça se fasse du jour au lendemain.

Je souris à l'homme que j'aime éclairé par la lune sur la route. Si Liam était la personnification de L'Amoureux, Tom lui était L'Empereur.

L'AMOUREUXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant