15. Interrogatoire

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Je laisse tomber ma tête contre ma main droite, fixant l'étrangeté minuscule devant moi comme si elle était un parasite – et c'est en effet sa nature en cette demeure

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Je laisse tomber ma tête contre ma main droite, fixant l'étrangeté minuscule devant moi comme si elle était un parasite – et c'est en effet sa nature en cette demeure. Je tambourine impatiemment sur l'accoudoir de mon siège, m'efforçant de réprimer les envies intérieures d'user de mes pouvoirs pour contraindre ce petit garnement, qui teste les limites de ma patience, à parler.

Hier soir, je les aurais sans hésitation usé sur lui. Hélas, je hais dorénavant être comparé à un homme tel que Kurukita. Après ce que cet enfant a enduré, je ne suis pas porté à assumer la responsabilité de sa détresse. Ainsi, je m'en abstiens. Je prends du recul, l'acceptant avec autant de sang-froid que possible, par crainte de céder et de causer la ruine de tous.

Le garçon reste toujours aussi taciturne ; il ne répond pas un mot à mes questions. En fait, il ne répond à rien, même lorsqu'une femme lui propose une libation. J'aurais quasiment cru qu'il était muet, comme Harumitsu, mais Rami m'a certifié du contraire. Il possède le don de la parole ; il est simplement en proie à la crainte de s'en servir.

Peut-être qu'il recherche consolation, ou qu'il a seulement besoin de savoir que son ravisseur n'appartient plus à ce monde – ou du moins, qu'il n'y est que partiellement attaché. Néanmoins, je ne peux être celui à lui offrir réconfort, car dès qu'il a posé ses yeux sur moi pour la première fois, j'ai été la cible de son effroi.

Il tente de dissimuler ses tremblements, mais je les perçois. Je les ressens dans mes viscères, dans mon ventre, sa terreur me serrant les entrailles. Au milieu de ces nouveaux visages, moins empreints de méfiance à mon égard, j'avais presque relégué mon quotidien à l'oubli. Presque.

Je ne me soucie guère de son histoire ou de l'ampleur de sa peur envers moi. Cependant, de tels sentiments ne cessent de le représenter dans mon esprit tel un parasite que je dois expulser promptement, de peur qu'il ne se mue en foyer pour nourrir les craintes des enfants.

— Vas-tu continuer à garder le silence en ma présence ? lui demandé-je avec désinvolture, espérant qu'il saisisse mon impatience.

Devant lui, une table garnie de mets et de boissons embellit l'espace : pâtisseries, viandes, poissons, variétés de céréales, légumes. Une abondance de plats s'étale devant ses yeux, tout ce que l'esprit peut imaginer est présenté là. Toutefois, il se retient de toucher à quoi que ce soit. Je perçois son envie, mais il reste maître de lui-même.

Ses yeux se détournent vers l'objet de son désir – les maamouls – mais il se retient, serrant le poing et refusant toute indulgence. Un soupir s'échappe de mes lèvres.

— Si tu daignes parler maintenant, nous pourrons rapidement en conclure, lui suggéré-je. Ainsi, laissons de côté la phase où tu ignores mes questions pour passer directement à celle où tu me livres tout. Qui t'a enlevé ? Et pour quelle raison ?

Pas de réponse. Je m'affaisse dans mon siège, laissant échapper un long soupir. Au loin, Rami hausse les épaules, exprimant sa perplexité face au refus du garçon de converser, bien qu'il ait manifesté vouloir le faire uniquement devant son souverain. Je comprends. La peur l'étreint. Habituellement, la crainte pousse à se soumettre à mes volontés, mais chez les enfants, elle referme rapidement leurs lèvres, étouffant leurs voix.

Le Roi des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant