L' épreuve

Chapitre 46: Cauchemars

Lilou.

Je n'en crois pas mes yeux. Zach se tient en face de moi.

— Pince-moi, demandé-je à Lila. Aïe, pas si fort.

Elle hausse les épaules en essayant de camoufler son rire pendant que je frotte mon bras pour faire partir la douleur. Il n'y a donc plus aucun doute maintenant, je ne rêve pas. Tout ça est bien réel. Je résiste à l'envie de sauter dans ses bras. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé depuis le labyrinthe, mais quelque chose l'a fait changer de camp. Alors, il vaut mieux que je garde mes distances avec lui, peu importe à quel point ça peut me faire mal.

— J'imagine que je n'ai pas besoin de faire les présentations, dit Smith en rigolant.

J'ai envie de lui enfoncer mon poing dans le visage.

— Comment c'est possible ?, demande Sacha. Enfin, il était mort. On n'est pas censé revenir à la vie normalement.

— On vous a simplement fait croire qu'il était mort. Le couteau lui a fait perdre beaucoup de sang, il a donc perdu connaissance. Quand il est revenu à moi, son cœur battait très lentement. J'ai bien crû qu'on allait le perdre. Le coup avait été plus profond que prévu.

Que prévu ? Alors ceux qui ont attaqué Zach étaient des complices. J'aurais dû me méfier. Comment on a pu tomber dans le piège ?

— Mais on a réussi à le sortir de là. Et désormais, il travaille pour moi.

— Zach n'aurait jamais changé de camp de son plein gré, répond Alya.

— Disons que j'ai su être persuasif.

— Qu'est-ce que vous lui avez fait ?

— Je me suis juste contenté de lui rappeler qui étaient vraiment ses amis.

— Vous lui avez modifié la mémoire..., dit-elle en même temps que moi.

Smith reste silencieux. Un garde vient lui dire quelque chose à l'oreille. Je ne sais pas ce qu'il vient d'apprendre, mais ça n'a pas l'air de plaire à Smith. Il lui ordonne quelque chose avant de tourner de nouveau son attention vers nous.

— Je dois y aller. J'ai un problème à régler. Mais ne vous inquiétez pas, je reviens dans très peu de temps.

Plus il quitte la salle, Zach sur ses pas. Ce dernier se tourne de nouveau vers nous une fois dans le couloir. Ou plus précisément vers moi. Il croise les bras, regardant de chaque côté de lui avant de reporter son attention sur moi. Puis, il me fait un clin d'œil. Non, ce n'est pas possible. C'est encore mon imagination qui me joue des tours. Zach ne me reconnaît pas, il me déteste. Mon cerveau a seulement imaginé ce que j'aurais voulu qu'il se passe. Je veux tout de même en parler à Lila pour voir si elle l'a vu, elle aussi, mais au même moment, un coup de feu retentit. Je reporte alors mon attention sur la porte. Elle est en train de refermer, mais les gardes ne sont pas assez rapides. On voit un corps s'écrouler au sol. Celui d'Adam.

Je tourne alors la tête vers Emy, en espérant qu'elle n'ait rien vu. Les larmes roulent le long de ses joues. Elle ouvre la bouche et la referme plusieurs fois avant de parler.

— Ils... ils l'ont tué.

Puis, elle s'appuie sur le mur pour descendre jusqu'au sol, répétant cette phrase encore et encore, sa voix se brisant davantage à chaque fois, le regard toujours fixé sur la porte. La porte derrière laquelle le corps de son frère se trouve. Un corps sans vie. Lila se dirige vers elle, mais je lui attrape le bras.

— Je m'en charge. Je suis la mieux placée après tout, dis-je en rigolant doucement pour empêcher mes larmes de couler.

Je rejoins alors Emy. Lui demandant la permission avant de m'asseoir à ses côtés. Elle a la tête entre les genoux, refusant que tout le monde la voit pleurer. Je repousse doucement les mèches de ses cheveux pour voir son visage. Elle se laisse faire et porte alors son regard sur moi. Ses joues sont remplies de larmes. La voir ainsi me brise le cœur. Je sais à quel point tout ça la fait souffrir, que les images vont la hanter pendant de nombreuses nuits. Et surtout, je sais que peu importe ce que je dirai, rien ne pourra faire taire ses pensées ni effacer sa douleur. Je décide alors de ne rien dire et me contente de la prendre dans mes bras. Elle s'écroule alors sur moi, cachant son visage dans mon cou.

On reste ainsi pendant un moment, sans parler. Et puis le sommeil finit par la rattraper. Je n'ose pas bouger par peur de la réveiller. Mais elle finit par bouger toute seule et s'allonge sur le sol.

Je regarde autour de moi, tout le monde s'est endormi. Ou presque. Lyam est le seul encore debout. Il vient me rejoindre quand il voit qu'Emy s'est endormie.

— Comment elle va ?

— Elle a refusé de parler. Mais elle a réussi à s'endormir, c'est déjà ça.

— Et toi, comment tu te sens ?

— Bien. Pourquoi ?

— Tout ça est encore récent. Tu pensais à elle en réconfortant Emy, pas vrai ?

Les mots restent bloqués dans ma gorge alors je me contente de hocher la tête.

— Elle a de la chance de t'avoir, tu sais ? Même si elle ne dit rien, je suis sûr que ça la rassure de savoir qu'elle n'est pas seule pour affronter tout ça.

— J'aimerais tellement faire plus pour l'aider.

— Je me doute, mais tu fais déjà beaucoup pour les autres. Faut pas que tu t'oublies dans tout ça.

Je ne sais pas quoi répondre, il a raison. J'ai tendance à faire passer les autres avant moi, ça me permet de ne pas penser à mes propres problèmes pendant quelques minutes. Et ça me fait du bien que mes pensées se taisent un peu. Mais depuis tout à l'heure, elles ne me laissent pas tranquille. La seule chose à laquelle je pense, c'est Zach.

— Comment tu te sens toi ?, finis-je par demander. Je veux dire par rapport à Zach et tout le reste.

J'attends une réponse, mais il reste silencieux.

— Lyam ?

Je me tourne vers lui pour voir s'il m'écoute. Ses yeux sont fermés, il s'est endormi. Je commence aussi à bâiller de plus en plus. Je n'ai pas beaucoup dormi ces derniers temps alors un peu de sommeil me ferait le plus grand bien. Je m'installe plus confortablement, en faisant attention de ne réveiller personne, et me laisse emporter par la fatigue.

Je suis réveillé quelques heures plus tard par des coups. J'ouvre les yeux en panique avant de réaliser que c'est seulement Lyam qui bouge dans son sommeil. Je m'assois alors pour éviter d'en prendre davantage. En l'observant de plus près, je remarque qu'il ne bouge pas comme tout le monde. Des gouttes de sueur coulent le long de son front. Ce n'est pas un simple rêve.

Il nous a parlé de ses cauchemars à répétition il y a quelques jours. Il a refusé de nous expliquer en détail, mais il n'a pas besoin de le faire. L'expression sur son visage quand il en parlait était suffisante pour comprendre à quel point ça l'affecte. Il m'a ensuite confié qu'il avait presque peur d'aller dormir désormais. De peur de devoir affronter un nouveau cauchemar, un encore pire que le précédent. C'est sûrement pour ça qu'il était le dernier réveillé hier, qu'il est venu me parler. Il luttait contre le sommeil. Il voulait rester éveillé le plus longtemps possible pour éviter tout ça ou du moins le repousser le plus possible. J'étais sur le point de le réveiller, ne supportant plus de le voir comme ça, quand j'ai remarqué que sa respiration avait changé. Il est en train de se réveiller. Je ne veux pas qu'il me voit en train de l'observer alors je m'empresse de me rallonger avant qu'il n'ouvre les yeux.

Étant dos à lui, je ne sais pas quand il se réveille, mais je l'entends bouger. Je peux aussi entendre la panique dans sa respiration. Je lutte contre l'envie de me retourner face à lui et de lui parler. Ce n'est pas le bon moment. Il est déjà assez perturbé par son rêve, lui parler ne ferait qu'empirer la chose. Je décide alors de le laisser tranquille, mais sans me rendormir pour autant. Je veux tout de même qu'il y ait quelqu'un pour lui au cas où il en aurait besoin.

Quelques minutes plus tard, sa respiration se calme et il se rallonge. J'attends d'être sûre qu'il s'est rendormi avant de me tourner de nouveau dans sa direction. Son front est toujours humide, mais il semble aller mieux. Même si je sais que ça ne va pas durer. Il y a des chances qu'un autre rêve vienne le déranger avant demain matin.

Je me rallonge avec une seule idée en tête : lui parler. À chaque fois qu'il m'a parlé de ses rêves/cauchemars, j'ai essayé de le rassurer. Lui disant que ce n'était que de simples rêves, que ça ne voulait rien dire et que ça allait passer. Mais ça ne peut plus durer. Ils sont de plus en plus fréquents et je ne peux pas rester sans rien faire. Il a le droit de savoir. Les autres ne seront peut-être pas d'accord avec moi, mais je m'en fiche. Je vais arrêter de lui mentir, de lui cacher la vérité. Quand il m'en parlera demain, je lui dirai tout.