Mirror

Chapitre 19

Lauren déglutit silencieusement, tentant par tous les moyens de ralentir les battements de son cœur qui semblait prêt à lâcher. Elle avait cessé tout mouvement, demeurant immobile face au bureau et à cette grande bibliothèque. Elle essayait d'estimer la distance qui la séparait de la personne qui se trouvait derrière elle, se faisait tous les films possibles de l'issue de cette situation. Elle étudiait les différentes façons qu'elle avait de dégainer son Glock, la vingtaine de possibilités qui s'offraient à celui derrière elle pour lui ôter la vie – contre son infime chance de sortir indemne de cette embuscade.

La flic avait beau retourner la situation dans tous les sens, elle voyait mal par quel miracle elle parviendrait à regagner sa voiture en un seul morceau. L'homme derrière elle était un tueur en série qui sévissait depuis plusieurs années, il avait de l'expérience dans le domaine. Et surtout, contrairement à toutes les fois où il avait tué toutes ces femmes, il était cette fois-ci sur son terrain, dans un lieu qu'il connaissait mieux que quiconque.

Son cœur, ses poumons et son cerveau – bien que ce n'était pas de la façon la plus optimale qui soit – étaient les seuls organes de son corps qui acceptaient encore de fonctionner. Le reste de son corps était comme paralysé. Sa gorge était sèche et se nouait, réduisant à néant les efforts de ses poumons qui tentaient tant bien que mal d'oxygéner son cerveau. Ses mains devenaient moites, rendant encore plus incertaine la prise sur la crosse de son arme si elle parvenait à bouger la main jusqu'à son holster.

— Non mais je peux savoir ce que tu fous-là toi au juste ?

Comme par magie, la tension accumulée dans l'ensemble de l'organisme de la flic s'évapora. Son cœur cessa progressivement son martèlement contre sa poitrine tandis que ses poumons avaient cessé de la brûler.

Lauren pivota de cent quatre-vingts degrés et découvrit Eddy, les bras fermement croisés contre son torse. Son regard semblait prêt à lui jeter des éclairs et tout un tas d'autres sorts plus douloureux les uns que les autres.

Finalement, sans doute aurait-il mieux valu pour elle que ce soit bel et bien le tueur derrière elle.

— Retourne à ta voiture, lui intima-t-il d'une voix froide. Immédiatement. On va aller chez toi, tu vas prendre quelques affaires et ensuite je te séquestre chez moi. Puisque t'es pas foutue de te gérer toute seule, je vais t'aider à le faire.

Lauren ne rétorqua rien. Il n'y avait de toute façon rien à rétorquer. Elle avait joué et avait perdu en toute connaissance de cause. Eddy l'avait prévenue, il n'y avait donc rien d'étonnant à son injonction.

Elle se mit en marche honteusement jusqu'à sa voiture, sous le regard dur de son collègue.

Force était de constater qu'elle l'avait déçu.

⊷

Eddy claqua la porte de sa maison tandis que Lauren posait son sac sur le canapé. Il lui avait suffi de constater le silence inhabituel de son collègue pour comprendre que ce dernier allait lui passer un savon.

Eddy se dirigea à la cuisine pendant que Lauren demeura figée face au canapé, incapable de bouger. Elle entendit la bouilloire se mettre en route mais n'osa pas regarder ce que préparait Eddy, terrifiée à l'idée de tomber sur son regard courroucé.

— Mets-toi à table, lui ordonna-t-il en tentant de réprimer la colère qui lui chauffait le sang.

Lauren obéit, toujours sans lui adresser la moindre œillade. Elle prit place sur l'une des quatre chaises du salon, attendant son sermon comme une enfant de cinq ans sur le point de se faire réprimander par son père.

Eddy déposa une tasse devant Lauren avant de prendre place face à elle avec la sienne. La flic renifla discrètement le breuvage, tentant d'analyser une éventuelle effluve d'arsenic.