Chapitre 11

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Des feuilles, des calepins, des magazines, des journaux, des photos... La table du salon de Lauren était devenue un véritable champ d'investigation et d'étude. La flic avait, pour la énième fois depuis le début de cette histoire, repris l'enquête depuis le départ. Elle avait une nouvelle fois repris chaque cas un par un, analysé chaque mode opératoire, replaçant sur sa tablette tactile les points de localisation où chacun des corps avait été découvert. Mais contrairement à toutes les autres fois où elle avait déjà procédé de la sorte, Lauren n'était pas véritablement concentrée. Une partie de son esprit n'était pas dans son salon, à se focaliser sur les morts qu'elle devait honorer. Une grande parcelle de sa conscience était autre part, perdue dans le ressassement incontrôlé de la journée passée.

Lauren était frustrée. Extrêmement frustrée. Les réponses apportées par les proches des victimes étaient bien loin d'être satisfaisantes. À vrai dire, elles étaient même bien loin de celles que Lauren avait pu imaginer. Aucune d'entre elles ne permettaient de faire un lien sur une seule et même personne.

Pourtant, Lauren avait eu bon espoir. Quand James avait évoqué ce médecin un peu trop collant que Lucy ne s'était pas fait prier de rembarrer, Lauren espérait que les questions posées aux proches des autres victimes allaient tout naturellement la renvoyer vers cet homme. Mais il n'en était rien. Seule Laura, la plus jeune des victimes, avait eu affaire à ce médecin suite à une chute de vélo l'an dernier, ce qui lui avait valu le poignet droit fracturé.

Aucune des autres victimes n'avaient visiblement été en contact avec le collègue de Lucy, du moins pas à la connaissance de leurs proches. Lauren les avait même questionnés sur un éventuel passage aux urgences dans les mois précédents, mais là encore les réponses n'allaient pas dans son sens. Elle savait toutefois que ce n'était pas une piste à négliger, qu'il était impératif pour elle de creuser sérieusement leurs dossiers médicaux.

Et maintenant qu'elle y pensait, Lauren était persuadée d'avoir eu une touche lorsqu'elle avait parlé à James. Elle était sûre et certaine d'avoir flairé un élément qui ferait grandement avancer leur enquête. Son instinct aiguisé par l'expérience lui hurlait que la solution se trouvait juste devant son nez. Alors pourquoi ne trouvait-elle pas ? Pour quelles raisons pensait-elle qu'elle était complètement à côté de la plaque ? Qu'est-ce qu'elle ne parvenait pas à voir ?

Lauren releva la tête en direction de son plafond, ferma les yeux et respira profondément. Elle massa hasardeusement sa nuque de sa main droite, l'autre demeurant fermement ancrée contre l'assise du canapé. Elle ne voyait rien. Pas la moindre trace du plus minuscule des indices. Elle errait dans le désert de l'ignorance, avec Frustration pour seule compagnie.

Bon sang... Qui peut bien être ce type à la fin ? Comment a-t-il pu rencontrer toutes ses femmes sans que leurs proches ne soient au courant ?

Lauren sentait qu'elle commençait à perdre patience. Elle avait horreur de ne rien contrôler, de se sentir impuissante face à une situation qu'elle pensait pouvoir gérer. Les tueurs en série, elle les connaissait bien. Plusieurs d'entre eux croupissaient désormais derrière les barreaux de Los Angeles grâce à elle. Les crimes de ce genre, c'était sa spécialité, elle était l'une des plus qualifiée pour faire face à cette situation. Alors pourquoi diable la situation m'échappe-t-elle à ce point ?

Lauren redressa la tête, fixant à nouveau sa table de salon comme si elle pouvait lui apporter les réponses à ses nombreuses questions. Rien autour de ce médecin ne lui vint. Elle ne voyait définitivement aucun lien qui aurait pu le relier à toutes les victimes. Mais elle restait persuadée que c'était durant son échange avec James que son instinct lui avait dis de se concentrer, d'être vigilante sur certains détails. Et si ce n'était pas du collègue de Lucy dont il s'agissait, alors il devait être question des amies de l'urgentiste. Ou du moins, de leurs maris.

L'un d'entre eux était peut-être excessivement jaloux et aurait tué Lucy parce que sa femme passait trop de temps avec elle. C'était tiré par les cheveux, mais il s'agissait déjà d'une hypothèse. Cela dit, ça n'expliquait pas pourquoi il s'en serait ensuite pris à toutes ces autres femmes. Et pourquoi que des brunes ? Peut-être que ce premier meurtre lui avait donné goût au crime. Le meurtre de Lucy pouvait être l'élément déclencheur qui lui avait fait prendre conscience de ce fantasme inavouable.

Tu vas carrément trop loin, ça ne tient pas debout. Et ça ne colle pas avec ce que raconte son mode opératoire.

Lauren avait passé des journées entières à étudier le modus operandi du tueur. La première chose qu'elle lisait était l'expérience. Même pour Lucy qui était la première victime du tueur découverte à ce jour, il semblait que tout avait été fait avec une maîtrise déroutante. Il avait eu suffisamment de sang-froid pour nettoyer la scène de crime après son passage. Plus elle y réfléchissait et plus c'était impensable. Sauf s'il connait suffisamment sa victime.

Un long frisson désagréable courut le long de sa colonne vertébrale. Sauf s'il connait suffisamment sa victime. Cette phrase ne faisait que tourner en rond dans sa tête, l'associant au comportement pour le moins étrange de James. Sa respiration s'accéléra. L'impression de manquer d'air lui faisait tourner la tête. Si elle n'était pas assise sur con canapé, elle aurait lourdement chuté au sol. La panique lui compressait la poitrine et l'estomac. Elle se sentait prête à rendre son maigre diner sur sa table basse.

Comment avait-elle pu passer à côté de ce détail aussi longtemps ? Pourquoi avait-elle mis autant de temps à comprendre ? C'était pire que tout. Un véritable cauchemar.

Elle posa ses yeux affolés sur son téléphone couché sur la table basse. Le simple fait de tendre le bras pour l'attraper lui parut être un effort surhumain. Elle n'hésita pas pour composer le numéro d'Eddy, faisant totale abstraction de l'heure qu'il était. La sonnerie de retour ne résonna que deux fois avant de laisser place à la voix endormie et irritée de son collègue.

— Lau ? Je peux savoir pourquoi tu me réveilles à cette heure-là cette fois ?

Lauren avait cru percevoir un soupçon d'inquiétude mêlé aux diverses autres émotions que son collègue tentait de réfréner, mais elle ne s'en préoccupa pas. L'heure n'était pas à l'analyse des sentiments de son coéquipier. Il y avait bien plus urgent pour le moment.

— Ed...répondit-elle la voix tremblante. Je crois que j'ai fait une connerie. Je faisfausse route depuis le début. Thomas avait raison... il n'y a pas qu'un seultueur. Ils sont plusieurs. 

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