Chapitre 15

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Dans la voiture en direction du commissariat, Eddy et Lauren ne s'étaient encore échangés aucun mot. La lieutenante épluchait attentivement l'entièreté du réseau social de Philippe Strauss tandis qu'Eddy pestait dans les embouteillages.

— Johnson va vraiment nous passer un savon, grommela-t-il. Le commissariat est à dix minutes de route de l'hôpital, il va croire qu'on se fout de sa gueule.

— Tu veux que j'aille courir après la première voiture avec mon flingue pour lui dire d'arrêter de bloquer tout le monde ? railla-t-elle en continuant de faire défiler l'écran de son téléphone. Johnson est un emmerdeur de première avec les procédures, mais il n'est pas idiot. C'est une heure de pointe, il doit bien se douter qu'on est bloqués dans les bouchons.

— En parlant de procédure, essaye de pas mettre le feu aux poudres pendant notre sermon. Laisse-moi gérer le truc.

— Volontiers.

Eddy détourna furtivement son regard sur sa collègue. Les réponses désintéressées qu'elle lui donnait indiquait au flic qu'elle était concentrée presque exclusivement sur sa pêche aux informations. Et à en croire la tête qu'elle tirait, elle devait être sur une piste intéressante.

— Ça donne quoi ? osa-t-il enfin lui demander.

— Le type part au minimum deux fois par an en formation à l'étranger. Du moins, sur le papier. Si tu veux mon avis, ça sent le Photoshop à plein nez cette affaire.

— Donc d'après toi il ne part pas à l'étranger ? Il resterait ici, à Raleigh ?

— C'est pas impossible.

— Pour pouvoir commettre ses crimes sans en être inquiété si je suis ta logique. Mais ça fait combien de temps qu'il fait ce genre de formation à l'étranger ?

— Déjà plus de trois ans.

— On est sûrs que des meurtres semblables à ceux sur lesquels on enquête n'ont pas déjà été recensés par le passé ?

Lauren détacha enfin les yeux de son téléphone, adressant un regard perdu à son collègue.

— C'est justement ça que je ne comprends pas, s'exaspéra-t-elle. Si ça fait réellement trois ans qu'il s'invente des formations à tire larigot comme ça, qu'est-ce qu'il y faisait avant de passer à l'acte ?

— Il étudiait ? Il se documentait sur les différents tueurs en série qu'il voulait imiter ?

Lauren soupira et retroussa son nez, visiblement pas convaincue par la proposition de son collègue.

— Admettons. Mais dans ce cas-là, il logeait où pendant tout ce temps ?

— Il est marié ?

— Exact. C'est pour ça, je le vois mal poster des photos de voyage sur les réseaux alors qu'il est avec sa femme chez lui.

— Peut-être qu'il peut se permettre de le faire parce que sa femme n'a justement pas de réseau social.

— Négatif. Une certaine Emily Strauss commente absolument toutes ses publications avec des petits cœurs et des mots doux. Je pense qu'il ne faut pas être devin pour se douter de qui il s'agit.

Eddy soupira en enserrant plus fermement le volant. Il contracta la mâchoire avant de presser le klaxon, faisant sursauter sa collègue.

— T'es au courant que klaxonner ne sert à rien dans ce genre de situation. Tu passes juste pour le bon gros connard de service.

— Ça défoule, répliqua-t-il sèchement.

Lauren esquissa un sourire amusé. C'était impressionnant ce qu'Eddy pouvait être con au volant quand il s'y mettait. Mais elle savait que ce tempérament était d'autant plus accentué par la menace « sermon de Johnson » qu'il craignait davantage à chaque minute supplémentaire qui s'écoulait.

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