Mirror

Chapitre 3

 La première chose qui avait sauté aux yeux de Lauren quand elle était entrée dans la maison des Scott fut l'irréprochable organisation de celle-ci. Chaque chose était rangée selon un ordre qui semblait bien précis, laissant croire à première vue aux deux officiers de police que le propriétaire était quelque peu maniaque. Mais il avait suffi à Lauren de constater la poussière accumulée sur les meubles ainsi que la ridicule reconstitution de la tour de Pise dans l'évier de la cuisine pour comprendre que c'était Lucy qui était sans nul doute la seule maniaque ici. Depuis son départ, le temps semblait s'être arrêté dans l'habitation, les microparticules se superposant les unes sur les autres au fil des jours aux endroits que Lucy avait été la dernière à toucher, pour la dernière fois.

Assis à table autour d'un café brûlant, les deux flics posaient à tour de rôle des questions à James qui n'était plus que l'ombre de lui-même. Quand il avait ouvert la porte à Lauren et Eddy, le trentenaire avait parfaitement compris que les nouvelles n'étaient pas des meilleures et que ses craintes quand il avait entendu parler de ce corps dans la forêt non loin de chez eux semblaient être fondées. Ainsi, quand Lauren lui avait annoncé avec autant de délicatesse que possible que Lucy avait été retrouvée morte, James ne s'était même pas effondré, seul un voile de tristesse apparu dans son regard laissait entendre l'état dans lequel il était intérieurement en réalité.

Physiquement, il avait assez donné ses dernières semaines. Il ne dormait presque plus et pleurait dès qu'il était seul, que son fils n'était pas là pour le voir libérer l'anxiété qu'il gardait au plus profond de lui. Pour son enfant, il tentait de faire bonne figure, de ne pas se laisser aller à la dépression. Il avait eu le temps d'envisager tous les pires scénarios possibles et s'était pour cette raison qu'il arrivait à ne presque rien laisser paraître maintenant que la vérité venait d'éclater.

Cela faisait plusieurs minutes qu'Eddy enchaînait les questions seul et que Lauren n'avait plus ouvert la bouche, se contentant d'observer encore et encore son environnement. Le brun commençait à croire qu'il avait perdu sa collègue jusqu'à ce que celle-ci se mette soudainement à reprendre usage de sa voix.

— Monsieur Scott, je voudrais en savoir un peu plus sur les habitudes de Lucy. Avait-elle tendance à sortir de chez vous pour rejoindre des amis ? Était-elle du genre à ouvrir à n'importe qui ? Allait-

— Vous avez pas bientôt fini avec vos questions à la con ? s'emporta le veuf. Pour la quinzième fois, ma Lucy n'est pas ce genre de femme là ! Elle était une véritable casanière qui ne connaissait que son lieu de travail et notre maison. Alors arrêtez avec vos insinuations douteuses !

— Je n'insinue rien, monsieur. J'essaie de comprendre. Si j'ai bien saisi, vous étiez avec votre fils chez vos parents et Lucy devait rentrer du travail en début d'après-midi. C'est bien ça ?

Le trentenaire opina du chef, les yeux larmoyants.

— Et d'après vous elle n'était pas du genre à aller traîner avec des amis, elle n'aimait pas l'imprévu. Ce trait de caractère correspond parfaitement à l'image que je me faisais d'elle. L'organisation de votre maison, elle vient d'elle, je me trompe ? Lucy était une véritable maniaque, n'est-ce pas ? Les personnes comme elle n'aiment pas déroger à leurs plans, elles préfèrent ne pas faire les choses à la dernière minute. C'est pourquoi moi je suis persuadée que Lucy est rentrée chez vous. Et que c'est ici qu'on s'en est pris à elle.

James resta sans voix tandis qu'Eddy se décida à intervenir. Pour lui, sa collègue allait trop loin dans ses déductions.

— Lauren, tu tires des conclusions hâtives sans aucun fondement là. Je te rappelle que la maison a été retrouvée parfaitement impeccable et qu'aucune trace de lutte n'a été recensée. Qu'est-ce qu'il te faut de plus pour te convaincre qu'elle n'a pas pu se faire agresser chez elle ? Je ne comprends vraiment pas ta logique là.