Chapitre 2

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  Dans ces bois de Wake Forest habituellement animés d'une mélodie naturelle, seuls les déclenchements des appareils photos se faisaient entendre. Aucun oiseau ne chantait, aucun renard ne faisaient craquer les branches séchées sur le sol. Seuls les bourdonnements incessants des mouches se nourrissant des restes du cadavre étaient audibles si l'on y prêtait attention.

Accompagnée d'Eddy, Lauren prit une profonde inspiration avant de s'aventurer sur la scène de crime. Elle qui pensait trouver un peu de fraîcheur sous l'ombre des arbres venait de comprendre à quel point elle s'était trompée. Certes, les feuillages entravaient la progression des rayons solaires, mais la flic n'avait pas prévu que son corps et son esprit se chargeraient de produire plus de chaleur qu'elle n'était censée en ressentir. Dans quelques secondes elle allait se retrouver une fois de plus face à l'une des œuvres de l'impitoyable faucheuse, et le simple fait d'y penser lui filait la nausée.

Combien de fois avait-elle constaté ce genre de cruauté ? Visiblement bien trop pour être capable de toutes les compter, mais jamais assez pour les tolérer. Parce qu'en vérité, on ne s'habitue jamais à voir la mort. C'était du moins ce que Lauren avait conclu pour elle-même, mais elle savait qu'elle n'était pas la seule. Elle savait qu'aucun de ses collègues n'étaient capables de ne rien ressentir quand ils devaient constater qu'une nouvelle vie avait été arrachée. Finalement, seuls les tueurs pouvaient être capables d'une telle prouesse. Lauren ne voyait que cette explication.

Le binôme souleva les balises jaunes pour être au plus proche de la victime et Lauren dû se faire violence pour ne rien laisser paraître face à l'état de la femme qu'elle avait sous les yeux. Du moins, de ce qu'il en restait.

Tout n'était plus qu'un vulgaire amas d'os rattaché à quelques bouts de chair décomposée. Malgré tous ses efforts pour rester stoïque, Lauren échoua lorsque ses yeux analysèrent le crâne de la victime, laissant paraître le choc dans ses yeux. Les os étaient complètement déformés, parfois fissurés par endroit, de nombreuses dents manquaient à l'appel et le front était troué en son milieu.

Un frisson secoua subtilement le corps de la femme dont seul Eddy avait silencieusement perçu le malaise. Elle espérait de tout cœur que cette balle avait été tirée bien avant que les coups ne soient portés, elle priait pour que le visage de cette pauvre femme n'ait subit qu'un acharnement post-mortem. Elle souhaitait que cette victime n'ait pas connu trop de souffrances avant de rendre son dernier souffle.

Mais elle avait beau escompter, Lauren savait au fond d'elle qu'elle était à mille lieux d'imaginer la douleur que cette femme avait pu ressentir avant d'être achevée.

— D'après toi, c'est le même malade que pour les autres qui a fait ça ? demanda Eddy à sa partenaire.

Lauren ravala péniblement sa salive, prenant le temps d'analyser tout ce qui l'entourait. Rien n'était exploitable concernant la mise en scène. La nature avait bien rapidement repris ses droits, ne laissant pas à la femme l'opportunité d'en savoir plus sur le tueur qu'elle traquait.

— Elle est brune, répondit-elle seulement.

Eddy fixa sa collègue du coin de l'œil avant de soupirer, dépassé par la situation. Il devait se rendre à l'évidence qu'un fossé le séparait de Lauren. Elle voyait le meurtre et le crime différemment de lui et des autres. Elle avait sa méthode bien à elle pour traiter ce genre de cas, elle ne réfléchissait pas seulement en temps que flic. Il ignorait comment elle était capable d'une telle prouesse mais Lauren était aussi bien capable de penser comme une victime que comme une lieutenante de police, mais aussi et surtout comme un tueur. Cette femme pouvait imaginer les trois points de vus essentiels qui constituaient une enquête policière.

— Lieutenants Adams et Williams ?

Les deux concernés se retournèrent pour apercevoir Wilfried Meyer, l'un des techniciens en identification criminelle. Le quarantenaire aux éternelles mèches rousses en pagaille avait identifié l'ensemble des victimes de l'enquête et avait déjà assisté les deux lieutenants sur d'autres affaires. Mais ce matin, le duo devait bien avouer que le regard du technicien était différent de d'habitude. Il avait véritablement une sale gueule, sans doute causé par un réveil un peu trop brutal.

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