Chapitre 28

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9 Mars 2024.


Petite, j'aimais me terrer dans ma chambre pour y rester des heures. C'était le seul endroit où je pouvais être en paix. Et personne n'a jamais cherché à comprendre.

Peut-être qu'au départ, ça n'avait rien à voir avec mes parents ni même avec cette obligation de devenir la meilleure.

Mais à seize ans, mon père a cessé de se tenir loin de mes crises existentielles et c'est à partir de là que tout a dégénéré. Ne pas avoir le droit de montrer mes émotions, c'est autre chose que de tout le temps se battre pour la victoire.

La saveur de la réussite et la peur de l'échec ne m'ont jamais quittées.

Alors il a fallu trouver une solution de repli, juste au cas où ça n'irait plus.

M'enfermer dans ma chambre pendant des heures, c'est devenu le seul moyen d'échapper à mon paternel. Si avant, c'était la meilleure solution, aujourd'hui, c'est un problème. Lili et Martin ont passé la matinée à me harceler d'appels et de messages pour que j'accepte de passer la journée avec eux.

Mais je vais échouer si je me laisse aller. Je n'ai plus le droit à l'erreur.

La sonnette de l'appartement retentit bruyamment et me fait sursauter. Pourtant, je ne bouge pas d'un poil, vissée à ma chaise, le dos voûté et le nez plongé dans mon éternel carnet.

La voix de ma mère s'élève enfin, saluant l'inconnu. Je tends l'oreille et reconnais sa voix aussitôt. Et je ne l'aime plus autant qu'avant.

— Je cherche Maya, dit-il à voix basse.

— Dans sa chambre, fais comme chez toi.

— Merci, madame !

Mon sang ne fait qu'un tour et je bondis de ma chaise. J'ouvre la porte à une vitesse hallucinante et me retrouve face à Alistair, qui m'adresse le plus beau des sourires.

— Je suis trop jeune pour qu'on m'appelle madame, se plaint ma mère en me fixant.

— Il n'arrêtera jamais.

— Désolé, j'ai un blocage.

Elle soupire et quitte l'appartement en nous souhaitant une excellente journée. Mon invité retire son manteau avant de retrousser les manches de son t-shirt et je sais que je ne suis pas encore tirée d'affaires. J'aimerais fuir en courant.

— Tu as passé une bonne nuit loin de mes bras ? demande-t-il avec amusement.

— Je passe toujours les meilleures nuits quand tu n'es pas là.

Menteuse.

Il passe une main dans ses cheveux et je me demande s'il le fait exprès pour me rendre dingue. Est-ce qu'il sait que j'aime quand il fait ça ? Pourvu que non.

— Tu ne m'en veux pas d'être passé à l'improviste, au moins ?

Je le suis jusqu'à la cuisine en lui assurant que je n'étais pas si occupée. Il sait que je mens mais ne s'en formalise pas. Il n'a pas l'air d'être d'humeur à poser des questions, juste à s'assurer que sa présence n'est pas un poids.

— Je pensais que tu resterais chez toi pour bosser, dis-je en m'installant à l'ilôt. Tu m'expliques ce que tu fais ici ?

— Je voulais m'assurer que tu allais bien... La dernière fois qu'on s'est vus, tu ne m'as pas beaucoup adressé la parole. Surtout quand on a quitté la répétition. Je devais m'assurer que tu vas bien.

Memento VitaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant