Chapitre 4

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18 Septembre 2023.


J'aurais dû penser à ce sentiment étourdissant et désagréable qui me prend la poitrine quand je ne suis pas à ma place.

Je sais que je ne devrais pas être là. Il voulait que je continue les études même si ce n'est pas ce que je souhaitais. Il était effrayé à l'idée que je ne sois pas à la hauteur de ses espérances. Et peut-être que je ne le suis pas finalement.

Mon cerveau est en proie à tout ce que j'ai tenté de maintenir à distance pendant la terminale pour que mon père ne soit jamais déçu. Mais maintenant, je dois me battre pour m'éviter de chuter trop fort.

Les cours ne devraient pas commencer si tôt. Je n'ai pas terminé de me familiariser avec le campus. Je repousse cette intégration si loin que son trajet me paraît surréaliste et irréalisable.

Mais je vais y arriver. Je ne sais pas quel effort je vais devoir mettre dans cette prouesse mais je vais le faire. Je le dois. Au moins pour survivre à cette apocalypse.

Je suis obligée de le faire. Pour mon père qui ne s'est pas battu corps et âme pour me voir régresser. Pour ma fratrie, qui n'a pas besoin d'un fardeau en plus. Pour ma mère, qui mérite une fille digne d'être montrée avec fierté.

Je le dois à Lili qui risque de passer son année avec une meuf chiante à mourir si je ne motive pas un minimum. Et je ne veux pas que mes humeurs se répercutent sur elle.

— Enfin ! s'exclame la concernée en se dirigeant à grands pas dans ma direction.

Plusieurs regards se tournent vers elle mais elle n'y prête pas attention. Elle continue de me réprimander en avançant vers moi.

— Je pensais que tu avais la notion de ponctualité ! me réprimande-t-elle sévèrement. Je constate que ce n'est pas le cas, merci de m'avoir prévenue !

— Désolée. Panne de réveil.

Faux. Je n'ai pas dormi de la nuit.

Elle chasse mes excuses d'un geste de la main puis elle glisse un bras sous le mien. Nous partons en silence à la recherche de notre salle de classe.

Quatrième étage.

Tourner à gauche, puis à droite. Encore deux fois à gauche.

Poser le regard sur chaque numéro de salle, ne pas la trouver. Pester et faire demi-tour.

Désespérer.

Penser à rentrer chez moi et me recoucher, juste pour me rouler en boule sous ma couette.

Refaire le même chemin, de l'autre côté du couloir. Vérifier les numéros et trouver nos camarades. Aucune tête familière, juste des regards qui nous dévisagent parce que, comme nous, ils ne savent pas quoi faire d'autre.

— Tu es prête ? J'ai trop hâte. Ça va être super. Je l'espère en tout cas. Tu penses qu'il va être comment ? Perso, je l'imagine gentil et compréhensif. Ça serait vraiment top.

Je reste immobile, en réfléchissant à une façon délicate de détruire ses espérances. Je n'en vois aucune. Elle finira par être déçue et je ne veux pas être celle qui en est à l'origine.

— Je n'y ai pas trop pensé... Auto-préservation. Tu devrais essayer, c'est plutôt cool.

Lili m'offre une moue blasée et je saisis que je l'ennuie. C'est une éternelle optimiste, elle ne passe pas ses journées à douter ou à cracher sa tristesse au monde. Je suis sûre qu'elle n'essaie jamais de retenir ses larmes, même quand sa gorge devient trop douloureuse et que son cœur lui ordonne de tout lâcher avant de s'arrêter.

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