23 Mars 2024.
Joyeux anniversaire Maya.
Les messages se succèdent depuis que minuit a sonné, répétant tous la même chose. Ces trois mots qui m'empêchent de trouver le sommeil.
Dix-neuf ans. Ce n'est pas censé représenter quoi que ce soit. Ce n'est pas censé être bizarre. Je devrais en faire abstraction, c'est la seule façon de garder le cap.
Quatre heures du matin et le plafond reste inchangé et je m'imagine être comme lui ; peu importe le temps qui passe, il reste identique. Je suis condamnée à rester qui je suis. Semblable à mon père.
Quatre heures du matin, dix-neuf ans et rien de mieux à faire que de regarder le plafond en écoutant cette voix terrifiante.
Il est trop tôt mais mon téléphone vibre longtemps sur la couette. Je ferme les yeux en priant pour que ça m'arrête mais quand il sonne une deuxième fois, je me résigne.
"Monsieur Guimauve" apparaît sur mon écran et un soupir s'échappe de mes lèvres.
— Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ? je demande après avoir décroché.
— Ça fait quatre heures que je cherche la meilleure façon pour te souhaiter un bon anniversaire, répond-il d'un ton las.
— Tu viens de le faire. Bonne nuit Alistair.
Je m'apprête à raccrocher lorsqu'il se met à chanter "Joyeux anniversaire". Je l'écoute attentivement s'époumoner pour moi et mes dix-neuf ans tout neufs. Il chante une deuxième chanson et je ne le supplie toujours pas d'arrêter.
— Joyeux dix-neuvième anniversaire, Maya, dit-il après avoir conclu sa troisième chanson. Tu vas voir, ça va être grandiose.
— J'ai hâte ! Qu'est-ce que tu fais debout alors ? Et ne me réponds pas que c'est juste pour mon anniversaire parce que je te jure que je ne peux pas te croire.
— Je réfléchissais à des trucs idiots et ensuite, je me suis souvenu que tu vieillissais à minuit. C'est parti tout seul. Et me voilà à t'appeler et à te chanter des chansons. Curieux, hein ?
J'acquiesce même s'il ne peut pas me voir. J'aimerais qu'il soit là pour qu'on passe la nuit à parler et à regarder les étoiles.
— Et toi ? Qu'est-ce que tu fais encore debout à une heure pareille ? m'interroge-t-il d'une voix fatiguée.
— J'ai dix-neuf ans, je réponds simplement. Tu vas trouver ça ridicule mais ça me fait peur. Rien ne va changer alors je ne devrais pas flipper, je le sais. Et pourtant, je suis allongée dans mon lit, seule, et c'est mon anniversaire.
— Qu'est-ce que tu voudrais là, maintenant ?
Je ne réfléchis pas un instant quand je lui réponds : "Que tu sois là".
Il ne dit rien et je l'imagine s'être endormi sur son téléphone, ratant cette petite déclaration. C'est attendrissant à imaginer : Alistair, emmitouflé dans ses couvertures, les yeux clos. Mais je suis ramenée à la réalité par le bruissement de sa couette et le bruit de ses pas dans son appartement.
J'entends le cliquetis d'un interrupteur, puis un autre et encore un suivant. Je l'écoute râler lorsqu'il bute contre un meuble et parce qu'il ne trouve pas ses clés.
Je m'apprête à lui dire d'aller se coucher mais je suis coupée par la porte de son appartement qui se ferme dans un fracas assourdissant. Il ronchonne et cette fois, je m'autorise à pouffer de rire.
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Memento Vitae
Teen FictionLorsque Maya entre à l'université, l'éducation de son père sous le bras, tout ne peut que bien se passer. Si c'est une façon pour elle d'échapper à l'homme qui l'a élevé, elle ne se débarrasse pas pour autant de tout ce qu'il lui a inculqué : discip...