Chapitre 8

22 1 10
                                        

19 Octobre 2023

J'ai mis des années avant de trouver ma place dans un monde qui ne voulait pas de moi.

Chaque année depuis le collège, je me demande quand sera la fin de mon monde. Je m'inquiète toujours de savoir qui va quitter ma vie, s'ajoutant à la liste de toutes les personnes qui m'ont abandonné.

Celle-ci n'est pas une exception à la règle. Mais tout est différent, en même temps. Je me retrouve au milieu d'inconnus et je ne sais plus qui je suis. Je crois que j'aurais pu l'accepter si j'étais entourée de mes amis du lycée.

Tout le monde me pense incapable de nouer de nouvelles amitiés, parce que je suis trop attachée aux précédentes – celles qui m'ont forgé. Mais Lili n'est pas comme ça, elle porte une confiance nouvelle en moi. Elle ne cesse de répéter que si je le veux, je le peux.

Je le veux vraiment.

Ma nouvelle amie me convient parfaitement : elle est d'un support insoupçonnable, une oreille attentive et toujours de bon conseil. Au lieu de m'apporter nostalgie et tristesse, elle me donne nouveauté et sourires, agrémentés de rire parfois.

— Tu es sûre de ne rien vouloir manger ? demande Lili, perchée sur le comptoir de la cuisine.

Je hoche la tête, revenue à la réalité. Elle hausse les épaules et retourne à ses occupations.

La première fois que j'ai mis le pied dans cette maison, je me suis trouvée démunie et effrayée. Ce foyer est habité d'un amour si grand qu'il me met mal à l'aise. Je n'ai pas eu besoin de voir ses parents ou son frère pour haïr cet endroit. Les photos ont suffi.

— Tu peux te servir, ajoute-t-elle en venant s'installer à côté de moi. Et tu peux faire comme chez toi. Mes parents ne seront pas à la maison avant quelques jours et mon frère n'aime pas rester ici trop longtemps.

— Pourquoi ?

Elle balance son paquet de chips vide sur la table basse avant de croiser les bras contre sa poitrine, comme si elle voulait à tout prix se protéger d'une menace.

— Il a beaucoup trop enduré en vivant ici alors dès qu'il a pu, il a pris un appartement près de sa fac. D'une certaine façon, vous vous ressemblez beaucoup. Tu devrais le rencontrer un jour, je te jure que tu verrais un reflet dans le miroir.

— De quoi tu parles ? Je ne comprends pas ce que nous avons de si similaire.

— Je ne t'ai jamais parlé de lui ? demande-t-elle en fronçant les sourcils. Je pensais que je l'avais déjà fait.

Je secoue la tête et elle se redresse vivement, un nouveau sourire sur les lèvres parce que l'idée de me parler de son frère et de notre ressemblance semble la ravir.

— J'ai remarqué – très facilement – que tu étais très négative et tu penses toujours que le malheur va s'abattre sur toi. Mon frère est pareil et c'est terrifiant maintenant que je te connais. Je croyais qu'il était unique en son genre mais visiblement pas... Mon frère est du genre à déserter la maison. Il revient souvent pour s'occuper de moi, prendre des nouvelles ou s'assurer que je ne suis pas morte. Mais il ne viendra pas avant plusieurs semaines alors tu ne le verras pas... Enfin, si tu acceptes de venir plus souvent à la maison, bien sûr.

Lili m'offre toujours une porte d'entrée à une nouvelle vie. En même temps, elle m'a offert une porte de sortie à ma solitude et j'ai réussi à la franchir avec quelques difficultés. Je ne vivrais pas les cours plus sereinement si elle n'était pas là.

La porte d'entrée claque et la voix de Martin s'élève dans la maison, coupant court à la discussion. Elle me jette un coup d'œil, sautillant sur sa place, aussi excitée qu'une puce et ça m'amuse.

Memento VitaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant