Chapitre 1 [✔️]

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5 Septembre 2023


Il n'existe aucune erreur dans la vie d'adulte.

Elle se résume à des choix conscients, sans doutes et sans peurs.

J'ai grandi dans un monde où mon entourage réussit. Mon père est du genre à se vanter d'être différent, plus ambitieux et plus motivé. Je voulais croire plus que tout qu'il puisse être une personne normale. Il devait le rester.

Mais un jour, j'ai compris que moi non plus, je n'avais le droit à aucun faux pas.

A mon tour, je subis la pression de ma famille. Je ne dois jamais rater, jamais douter.

Toujours briller quoiqu'il arrive.

La réussite est la clé. L'échec, ma damnation.

Je danse avec mes limites depuis des années. C'est un tango interminable qui me donne le tournis.

Et après trop de temps à suivre la danse, mon objectif a changé. Réussir n'est plus une nécessité. Survivre l'est. Je dois désormais faire face à trop de questionnements qui ont fait de la réussite quelque chose d'obsolète.

Je suis une enfant parce que les désirs de mon père ne me plaisent plus. Je suis une adulte parce que le bonheur est ma seule issue. Je suis une adolescente parce que je continue de courir après le monde.

Je suis irréprochable parce qu'on m'a appris à l'être et parfaite parce que j'ai été façonné ainsi. On ne peut me reprocher que mon combat contre cet homme qui m'a éduqué.

Il voulait une fille droite et froide, en mesure de reprendre le flambeau familial. Il n'a récolté que les vestiges de ses rêves. Une effroyable vision de son pire cauchemar.

On m'a appris qu'un adulte n'a le droit d'être heureux qu'à partir du moment où il s'assure une carrière apportant sécurité. C'est tout ce que mon père a toujours souhaité pour sa progéniture.

L'adolescence qui me tendait les bras s'éloigne de plus en plus. Adieu les enfantillages, les soirées où l'on boit trop. Adieu les pleurs au fond du lit.

Bonjour l'université.

Bonjour l'enfer.

Bonjour parfait cauchemar.

L'université n'a rien à voir avec ce que j'imaginais. Ça devait être un lieu exceptionnel qui donne l'opportunité de vivre et de se découvrir. Mais en longeant les murs, je sais que ça sera différent. Je n'ai plus le droit à l'erreur.

A mesure que j'avance, je prends conscience que tout ce que j'imaginais est faux. Il n'y a aucune joie sur les visages des étudiants que je croise. Et lorsque j'arrive devant l'amphithéâtre, j'ai l'impression d'entrer dans une autre dimension.

Ils sont tous là, entassés dans ce hall trop petit pour tous nous accueillir. Des groupes sont formés et des conversations s'élèvent bruyamment. Ils n'imaginent pas qu'ils n'auront bientôt qu'une seule envie : retrouver leur lycée et leurs vies pleines d'insouciances.

Contrairement à eux, j'ai une irrésistible envie de me rouler en boule et d'oublier toutes les responsabilités qui m'accablent.

Mes erreurs seront perçues plus fortes. Mes rêves deviendront moindres et mes cauchemars prendront forme.

Ce premier jour est un fiasco total.

Mes yeux sont toujours gonflés des larmes versées pendant la nuit. Ma tenue ne me rend pas assez adulte et l'état de mes cheveux n'améliorent pas la situation.

Les gens me fixent. Ils se demandent probablement ce que je fais là, visiblement pas à ma place. Je sais que je n'ai rien à faire là, parmi eux.

Au milieu de ces inconnus, un phare parmi l'obscurité. Un visage amical qui sourit à s'en décrocher la mâchoire. Je suis désorientée, perdue dans ce regard si clair. Un océan si bleu qu'il me paraît irréel.

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