Chapitre 36

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19 Avril 2024

— C'est une très, très mauvaise idée.

Alistair entre dans la chambre, sa brosse à dents coincée entre les lèvres. Il me fixe, sans comprendre ce que je veux dire. Évidemment qu'il ne voit pas que nous prenons la mauvaise décision. Lui n'a jamais eu peur de présenter sa famille à quelqu'un.

— Le dîner, j'explique sèchement. On fait peut-être une erreur.

Il disparaît dans la salle de bain et revient, le visage nettoyé de toute trace de dentifrice.

Il s'agenouille face à moi, les mains posées sur mes genoux. Un léger sourire flotte sur ses lèvres, loin de sa moquerie habituelle. Il est bien plus confiant que moi à l'idée de ce dîner et ça me donne mal au ventre.

Pourquoi suis-je toujours la plus inquiète ?

Quand il a réservé, j'étais au téléphone avec Léonard. Lui aussi était confiant à la perspective des deux familles réunies. Ma sœur criait dans le combiné à quel point elle avait hâte de rencontrer Alistair, qu'elle n'avait pas eu le temps de voir à sa compétition.

Notre situation a complètement changé. Je ne suis plus juste l'amie d'Alistair. Ni celle qui passe en coup de vent chez ses parents pour rencontrer une petite fille. Je suis plus que ça, maintenant.

— De quoi as-tu peur ? Tout va très bien se passer. Ton père ne sera pas là, tu peux te détendre. Je ne vois pas du tout où est le souci.

— J'ai peur de ton père, j'admets d'une petite voix. Ta mère est cool et accueillante. Point positif : elle m'a aimé direct. Mais imagine qu'il ne m'apprécie pas ou qu'il trouve ma famille trop bizarre. Parce qu'elle l'est, tu peux me croire.

— Ne t'inquiète pas pour lui. Estéban sera là pour t'aider s'il te pose trop de questions. J'ai tout pris en main pour que tu n'aies pas à te tracasser autant. Alors, s'il te plaît, arrête.

— Et tu seras où, toi ?

Son sourire s'élargit et ça n'annonce absolument rien de bon. Cette lueur dans son regard confirme mes doutes.

— En train de faire connaissance avec ta sœur, bien sûr !

Je lui assène un coup de pied dans le mollet, le faisant grimacer de douleur. Vaincu, il m'ordonne d'aller me préparer pour nous éviter d'être les derniers à arriver à notre premier repas de famille.

Il se terre à nouveau dans la salle de bain, prétextant devoir se coiffer ; il en ressortira forcément les cheveux en bataille après s'être battu avec eux. Je ne dis rien et lui laisse l'illusion qu'il y parviendra aisément.

— Maya, si tu n'es pas prête dans vingt minutes, je te promets que je te laisse ici, dit-il depuis le salon.

Et par peur d'être abandonnée ici à mon propre sort, dans un appartement qui n'est pas le mien, je suis prête cinq minutes avant notre départ. Il me complimente, bien plus que je n'aurais pu l'espérer. Quand je monte dans la voiture, je n'ai pas l'impression d'être à côté de la plaque.

Je repère Estéban, accompagné de ma fratrie quand nous arrivons sur le parking. Voir le meilleur ami d'Alistair être en avance, me fait peur. Peut-être que c'est là le signe que cette soirée va très mal se passer.

— On a failli vous attendre ! s'exclame ce dernier quand nous arrivons à leur hauteur. Ne t'en fais pas, beauté, j'ai veillé sur eux comme s'ils étaient la prunelle de mes yeux.

Pire encore, le sourire de ma sœur m'inquiète.

— Permets-moi d'en douter, je marmonne en serrant ma fratrie dans mes bras. Tu es rarement sérieux.

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