Memento Vitae

Chapitre 33

2 Avril 2024

Il fallait qu'on lui parle, qu'on soit certains de ne pas nous attirer d'ennuis.

Tu voulais lui parler, Alistair est totalement contre cette idée. Tu n'as donc aucune confiance en son jugement ?

Je veux juste être rassurée, qu'on me dise que tout va bien et que je n'ai pas fait une bêtise en lui avouant mes sentiments aussi tôt. Pour une fois, j'aimerais que le monde tourne comme je veux qu'il le fasse.

Le trajet jusqu'à la fac ne m'a jamais paru aussi long, et la main d'Alistair dans la mienne aussi lourde. Tout le poids de mes épaules s'alourdit davantage, me privant de ma respiration totale. Je ne suis pas sûre de pouvoir arriver là-bas en parfait état.

Oh arrête de faire ta flipette, Maya. T'es une grande fille, tu vas y arriver. Alistair est à tes côtés, tu ne risques rien. Tu dois te reprendre. Papa ne t'a pas élevée pour que tu deviennes une froussarde. Il serait franchement déçu de te voir ainsi. Fais donc un effort. Ne nous fais pas honte.

Alistair me lance un regard inquiet, sans pour autant poser la question qui pousse sur sa langue. Il me conduit jusqu'aux locaux du club sans dire un mot. Il n'a jamais été aussi silencieux. Nous croisons plusieurs personnes qui le saluent d'un signe de tête, mais il ne s'arrête jamais pour discuter avec eux.

Il est pressé.

Ou il a honte.

— Tiens ! Salut, Al' ! s'exclame un garçon en nous rejoignant en deux grandes enjambées. Ça fait un bail.

— Pas assez à mon goût, réplique mon copain avec une pointe d'humour dans la voix. Ta meuf est là ? Nous avons rendez-vous avec elle.

— Elle ne va pas tarder. Vous pouvez aller vous installer, en attendant. Mais je vous en supplie, ne touchez à rien. Ça va l'énerver si rien n'est à sa place quand elle arrive. Et je ne veux pas qu'elle se mette en colère...

J'acquiesce d'un petit mouvement de tête qui attire son regard sur moi, comme s'il était surpris de me découvrir aux côtés d'Alistair. Comme si cela pouvait encore être surprenant.

— Quand elle m'a annoncé que tu devais venir, je me suis douté que tu avais une bonne raison de la déranger, dit-il sans se départir de sa bonne humeur. J'ai hâte de voir la tête qu'elle fera quand elle apprendra la nouvelle. Si ce n'est pas déjà le cas...

— Les rumeurs vont vite par ici, confirme Alistair en resserrant sa prise sur mes doigts.

La discussion s'éteint aussitôt et nous entrons dans une autre pièce, plus petite que celle dans laquelle nous étions.

— Tu ne parles pas beaucoup, constate-t-il en s'asseyant sur une chaise. Tu sais qu'il ne va rien se passer de grave si tu ouvres la bouche, hein ? Tu ne risques absolument rien.

— Imagine qu'elle refuse, je lance timidement. Si elle ne cautionne pas notre irrespect pour les règles, on va faire quoi ?

Il m'invite à prendre place à côté de lui, reprends ma main dans la sienne et demande, d'une voix douce :

— Serais-tu prête à me quitter parce que nous n'avons pas son accord ?

J'hésite.

Ne te fais pas trop d'illusions, Maya. Il veut juste avoir une raison de te laisser tomber sans avoir à te briser le cœur. Il ne veut pas vraiment de toi. Tu peux le sentir. Tu n'as pas un bon pressentiment.

— Moi, non. Quoiqu'elle dise, tu resteras ma copine. Tu n'as aucun souci à te faire, vraiment. Je saurais la convaincre. Elle ne résiste à personne.