CHAPITRE 33

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Chapitre 33

Hana

- « Aller, sors de là ! » me crie Hiro en me tirant hors du lit.

- « Hors de question ! » répondis-je en me tenant fermement à la couette.

Il tire tellement fort que je perds l'équilibre et me retrouve brusquement par terre, déséquilibrée par sa force. Les draps s'enroulent autour de moi alors qu'il me traîne impitoyablement par les pieds hors de la chambre, luttant pour garder une prise sur le sol lisse et froid.

- « Je refuse que tu restes à te morfondre. Assieds-toi au piano », m'ordonne-t-il.

Je me relève péniblement du sol en grimaçant, et je m'installe devant le piano. Mes mains tremblantes se posent sur les touches, mes doigts effleurant chaque note avec hésitation. Sous le regard attentif de mon frère, je commence à faire mes gammes.

- « Tu étais où ce matin ? » demandai-je, les yeux fixés sur les touches.

- « À ton école. J'ai déposé ton absence. Ils sont tellement stricts sur la santé qu'ils n'ont rien dit », m'informe-t-il.

- « Depuis le Covid, ils sont devenus parano. Ça m'arrange... Et sinon, tu as croisé quelqu'un ? » répondis-je, curieuse.

- « On va faire un jeu. Une partition joué égale une question réponse », me propose-t-il.

Alors, je me mets à jouer les notes mécaniquement, comme un robot, suivant la partition avec précision mais sans âme. Mes doigts glissent sur les touches du piano, produisant une mélodie dénuée de toute émotion, simplement exécutée par habitude. Cependant, la voix de mon frère vient briser cette monotonie. D'une voix douce mais ferme, il m'interrompt et me demande de jouer correctement.

Je me concentre alors, cherchant à trouver la profondeur des notes, à exprimer les émotions enfouies dans chaque harmonie.

- « Exprime ce que tu as sur le cœur à travers le piano, Hana », me conseille mon frère.

- « Si tu n'arrives pas à exprimer tes émotions, fais-le au moins au piano. C'est ce que je fais avec l'écriture », continue-t-il.

Alors, je me concentre intensément, fermant les yeux pour m'évader de cette partition que je connais trop bien par cœur. Je laisse mes doigts glisser sur les touches du piano, cherchant à puiser au plus profond de mon être. Dans les méandres de ma mémoire, il apparait.

Chaque note résonne avec une intensité nouvelle, porteuse de toute la gamme des émotions qui m'habitent. Les accords s'entremêlent, créant une symphonie de sentiments, une musique qui exprime bien plus que des mots ne pourraient le faire. À travers le piano, je laisse parler mon cœur, offrant une échappatoire à toutes les émotions qui tourbillonnent en moi. Et je sens un semblant de soulagement, une libération de l'âme qui ne peut se faire autrement que par la musique.

- « C'est terminé », déclarai-je en me retournant vers mon frère.

Il me regarde, la bouche légèrement entrouverte, formant un « o » de surprise, tandis qu'il est adossé à l'îlot de la cuisine. Ses yeux fixent les miens avec un mélange d'étonnement et d'admiration.

- « Question réponse, tu l'as croisé ? » demandai-je.

- « Tu t'es vachement améliorée ! Magnifique. Eh oui, je l'ai vu », répondit-il.

- « Il t'a vu ? Lui as-tu parlé ? » insistai-je.

Il me regarde sans prononcer un mot, mais son expression en dit long. Je perçois dans son regard une attente silencieuse, comme s'il attendait quelque chose de ma part. Je réalise alors que pour obtenir sa réponse, je dois jouer.

THE BROKEN NOTESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant