CHAPITRE 42

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Chapitre 42

Hiro

Je suis l'enfant qui a grandi trop vite, celui qui a dû endosser le rôle de son père pour protéger sa sœur, comme s'il s'agissait de ma propre fille. Lorsque nous avons appris que Ren devait être débranché parce que son cerveau ne répondait plus, c'était encore moi qui ai dû prendre en charge Hana. Je m'attendais à ce qu'elle s'effondre, qu'elle pleure jusqu'à en perdre le souffle. Mais rien de tout cela n'est arrivé. Elle est restée immobile, le fixant lorsque les machines qui le maintenaient en vie ont été arrêtées, laissant un doux sifflement émaner de l'appareil, signe de la fin. Ses yeux étaient rivés sur Ren, sans un mot, comme figés dans le temps. Elle ne pleurait pas, ne parlait pas. Elle restait là, son regard perdu dans le vide. Aucun de nous n'arrivait à la sortir de cette transe. Elle était comme bloquée, plongée dans un déni total.

Kaito a pris la relève pour veiller sur elle, conformément à la demande de Ren. Il m'a raconté qu'elle passait ses journées à fixer le lit vide, un sourire étrange aux lèvres, comme si dans sa tête, Ren était toujours là. L'air y était lourd, presque palpable, comme si chaque objet, chaque ombre portait le poids de son absence. Hana, avec son sourire figé et ses yeux vides, était devenue une statue vivante, figée dans un moment qu'elle refusait de laisser partir. Elle s'accrochait à l'illusion que Ren était encore là, avec elle, que rien n'avait changé. Cette illusion était son seul refuge contre la cruauté de la réalité.

- « Elle était à l'hôpital, je crois qu'elle n'a pas conscience qu'il est mort et... je... je n'ai pas réussi à lui dire. Elle avait l'air si joyeuse et perdue à la fois, je n'y suis pas arrivé, » s'excuse Kaito, ses yeux remplis de culpabilité et de désespoir.

Il était à l'hôpital, et elle était là, encore une fois, dans cette chambre vide, refusant d'accepter la réalité.

-« Ce n'est pas grave. C'est à moi de lui annoncer, je trouverai sûrement un moment après la finale, » répondis-je, tentant de masquer mon propre chagrin derrière une façade de détermination.

Kaito hoche lentement la tête, son regard empreint de gratitude et de tristesse.

Après sa performance pour la finale, Elle nous rejoint dans la salle d'opéra. Assis sur mon siège rouge, je la vois froncer les sourcils dans ma direction. En tournant la tête, j'observe mes parents lui sourire pour la première fois. Depuis la mort de Ren, ils n'ont pas osé lui adresser la parole, leurs visages affichant maintenant une gêne palpable. Je me tourne pour suivre Hana du regard alors qu'elle s'assoit près de la tante de Ren. Quelque chose semble étrange chez elle. Son visage perd soudain toute couleur, et elle paraît avoir du mal à respirer. Soudain, elle se lève brusquement et part en courant, quittant précipitamment la salle.

C'est alors que je comprends. Quelqu'un lui a enfin dit la vérité. Quelqu'un lui a annoncé que Ren est mort, à ma place. La réalité a brisé le mur de son déni, la frappant de plein fouet. Mon cœur se serre en la voyant fuir.

-« Que fit-elle encore ? » râle ma mère en parlant de sa fille.

Alors que je me lève pour aller après Hana, mon père me fait me rasseoir en posant fermement sa main sur mon épaule.

- « Laisse-la faire son caprice, » dit-il d'un ton ferme.

-« En fait, vous ne savez strictement rien sur votre propre fille, » lançai-je, énervé.

-« Bien sûr que si. Elle essaie juste d'attirer l'attention, comme toujours, » répond mon père d'un ton froid.

Un rire amer m'échappe.

- « J'avais 5 ans, » dis-je.

Ils me regardent, perplexes.

- « Oui, 5 ans, et je prenais déjà soin d'elle quand vous ne le faisiez pas. Elle en avait 10 quand elle a vu de ses propres yeux quelqu'un mourir, » continuai-je, la colère montant en moi.

Ils froncent les sourcils, silencieux, incapables de comprendre que leur fille a toujours été une note brisée dans la symphonie de la vie.

-« Et vous avez fait quoi ? Vous l'avez détruite en lui refusant l'accès à ses sentiments. C'est votre faute si elle était dans le déni pour Ren, » les accusai-je.

-« Elle en avait 15 quand vous l'avez enfermée à la maison pour qu'elle fasse du piano et l'école à la maison, sans vie sociale, sans amour parental, pendant que moi, j'étais loin, à la fac, » continuai-je, les larmes coulant maintenant sur mes joues.

Je me lève de ma chaise, mais mon père pose une main sur mon bras. Je me défais de sa prise. Il regarde autour de lui, s'assurant que personne ne prête attention à la scène. Heureusement pour lui, l'auditoire est captivé par la performance d'un jeune homme sur scène.

-« Et... Elle en avait 20 quand vous avez décidé de la frapper pour qu'elle réprime tout sentiment. Alors maintenant, laissez-moi aller la retrouver parce que je n'ai pas envie que ce décompte s'arrête à 20. Elle ne mérite pas ça... Nous ne méritons pas des parents comme vous, bande d'égoïstes, » finis-je avant de partir en courant pour essayer de la rattraper.

Je cours jusqu'à ne plus pouvoir respirer, mes poumons en feu et mes jambes lourdes. Le ciel est noir, enveloppant la ville dans une obscurité oppressante. Les seuls bruits extérieurs sont ceux des voitures qui passent, leur vrombissement résonnant comme un écho de ma panique intérieure. Je n'arrive pas à savoir où elle est allée. Mon esprit tourbillonne, cherchant désespérément à deviner sa destination. Je cours dans tous les sens, scrutant chaque coin sombre, chaque recoin de rue, cherchant un signe, une trace d'elle. L'angoisse me serre la poitrine comme un étau. J'ai peur, terrifié à l'idée de la retrouver effondrée de chagrin, incapable de faire face à la réalité.

Les souvenirs de nos conversations, de ses sourires et de ses larmes, se mélangent à ma détresse. Je me rappelle son visage, si souvent illuminé par la joie, et je refuse de l'imaginer autrement. Elle est forte, je le sais, mais la douleur de perdre Ren pourrait bien être insurmontable pour elle.

-« Amira, elle... Elle a disparu, je ne la retrouve pas.» dis-je, essoufflé et paniqué, dès qu'elle décroche mon appel.

-« On a fouillé l'Opéra, aucune trace d'elle. Et son téléphone est déchargé dans sa loge. » me répond-elle, également en proie à la panique.

Je réfléchis rapidement et une idée traverse mon esprit : l'hôpital.

-« La chambre d'hôpital de Ren ? J'y vais, allez fouiller la ville, je vous en supplie, » annonçai-je avant de raccrocher.

J'appelle un taxi et me dirige vers l'hôpital, convaincu qu'elle est retournée dans la chambre vide de Ren. Une fois arrivé, je cours, l'angoisse me poussant à traverser les couloirs de cet endroit empreint de désespoir. Je scrute chaque coin, mon cœur battant à tout rompre, mais en arrivant dans la chambre, elle est vide.

Je fouille frénétiquement les recoins, cherchant un indice. Un sac semble avoir été oublié. Je reconnais celui d'Hana. En l'ouvrant, je trouve sa webcam, des carnets appartenant à Ren, et les siens. Je prends tout avec moi, avant de sortir de la chambre. En chemin, je croise une infirmière.

- « Excusez-moi, ma sœur est-elle passée ? Enfin, je veux dire, la fille, Hana, qui était là pour le patient de la chambre 49 ? » demandai-je, l'espoir dans la voix.

- « Oui, une fille est passée. Elle semblait ailleurs, je lui ai parlé, mais elle ne m'a pas entendu. Pourquoi ? » me répond-elle gentiment.

Je la remercie et quitte l'hôpital, le sac d'Hana serré contre moi. Alors que je franchis la porte, une lettre tombe du sac. Je la ramasse. Elle est adressée à mon nom, écrite de sa main. Mon cœur se serre en la reconnaissant.

Tremblant, je l'ouvre et commence à lire.

Tremblant, je l'ouvre et commence à lire

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