CHAPITRE 21

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Chapitre 21

Hana

10 ans en arrière

Mon père, aspirait à une carrière d'artiste, mais le destin en a décidé autrement. Échouant régulièrement aux concours et tourmenté par des querelles incessantes avec ses camarades, il fut contraint de renoncer à ses rêves. Cet échec, doublé de l'amertume de ses ambitions brisées, le confina dans un mariage et la paternité, deux rôles qui semblaient plus des sentences que des choix. Sa frustration, tel un poison sournois, s'incarnait dans des attaques sournoises, non pas physiques mais émotionnelles, infligées à ses propres enfants. Car si les ecchymoses s'effacent, les cicatrices des mots, elles, demeurent.

Dans le foyer, l'attente pesait lourdement sur nos épaules. Ma mère, investie d'une exigence, projetait ses aspirations sur nous. Elle désirait des enfants d'exception, condamnant ainsi mon frère et moi à un fardeau précoce d'excellence. Ainsi, nous avons donc débuté nos leçons de piano. Ça faisait de nous des enfants élégant et distingués, tout était une questions image.

Pour ma part, la musique constituait une échappatoire, mon frère, en revanche, préférait s'évader dans les dédales de ses livres. Chacun trouvant refuge dans son propre univers.

« Hana, tiens-toi droite » me lançait ma mère tandis que je m'efforçais de perfectionner mes gammes.

J'étais assise devant le piano du salon, ma mère en retrait sur le canapé, mais son regard scrutateur pesait sur moi comme une présence constante. À dix ans, j'aurais dû être en train de m'amuser, de sortir, de jouer avec insouciance. Mais au lieu de cela, j'étais confinée à la maison, sous la surveillance constante de mes parents.

-« Je sors, à tout. » lança mon frère en descendant les escaliers.

Avec cinq ans de plus que moi, il bénéficiait du privilège de sortir le week-end pendant une à deux heures, sous la surveillance attentive de nos parents grâce à la géolocalisation. Alors qu'il s'apprêtait à enfiler ses chaussures, il demanda à ma mère si je pouvais l'accompagner. Au début, elle refusa, mais il la persuada en lui promettant de m'acheter des partitions à la librairie.

-« Viens, luciole, prends ma main. » dit mon frère en me tendant la sienne.

Main dans la main, nous arpentions les rues animées de la ville. Le vent caressait doucement mes cheveux tandis que les lumières des vitrines scintillaient autour de nous. Des éclats de rire et des sourires illuminaient les visages des passants. Nous nous dirigeâmes ensuite vers la librairie, à notre arrivée, une douce odeur de livres neufs et de café fraîchement moulu flottait dans l'air. Les étagères débordaient, les rayons baignés de lumière. Je m'avançai vers la section des partitions, les étagères étaient remplies de recueils de toutes tailles et de toutes couleurs. Sans vraiment réfléchir, je portai mon choix sur une partition, attirée de ses notes imprimées sur le papier blanc. Puis, je retournai auprès de mon frère, qui était maintenant chargé de livres dans ses bras.

-« Tout ça ? » m'étonnai-je.

-« On n'en a jamais assez ! Allez hop, on y va. » répliqua-t-il avec entrain.

Nous franchîmes le seuil de la maison, mais à peine avions-nous ouvert la porte que nos parents semblaient déjà plongés dans une dispute à notre sujet, comme si nous étions le problème central de leur existence. Mon frère me prit doucement la main et tenta de nous faufiler discrètement jusqu'à sa chambre. Mais au bas des escaliers, mon père saisit brusquement mon bras, m'éloignant de mon frère avec une force qui commençait à me faire mal.

-« Qu'est-ce que tu fais ? » interrogea mon frère.

-« Hiro, je t'interdis de sortir dehors avec elle, elle a autre chose à faire ! » le réprimanda-t-il.

THE BROKEN NOTESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant