Chapitre 6

124 14 3
                                    

Une voix plus que familière me réveille. Un second visage que j'espérais fortement pouvoir revoir après celui de ma mère. Mon meilleur ami est là. Ils sont en train de parler ensemble. Je sors doucement de ma léthargie et commence à bouger mes paupières.

Ils sont concentrés dans leur conversation et n'ont pas encore remarqué que je suis en train de sortir des bras de Morphée. J'ouvre enfin les yeux et je le vois.

Il n'a pas changé ! Avec son éternel jean troué et un tee-shirt blanc et ses vieilles Adidas aux pieds. Ma mère est justement en train de lui faire affectueusement la morale sur son look qu'elle estime « débraillé », ce qui le fait rire. Il a sans cesse pris beaucoup de plaisir à la taquiner et elle a toujours aimé entrer dans son jeu.

Putain, qu'est-ce que je suis content de le voir à nouveau ! Je souris comme un idiot. C'est particulièrement agréable de pouvoir revoir mon vieux pote.

- Hé mec !

Il se retourne vivement et se précipite vers moi.

- Putain, Luke, t'es enfin réveillé !

- Bah oui.

- T'en as mis du temps, la belle au bois dormant !

Et il ponctue sa phrase de son éternel sourire en coin avec cette lueur de malice dans les yeux qui le caractérise si bien. Comme au bon vieux temps. Je rigole à sa boutade et il se penche au-dessus de moi pour me faire une accolade. Ça fait tellement de bien de pouvoir le prendre à nouveau dans mes bras et faire un Shake. Bon, pas aussi énergique qu'avant de ma part, mais ça reviendra. J'espère. Il me demande comment je vais, je lui réponds comme quelqu'un qui a dormi pendant 4 mois. Il se moque de moi. Ouai, mon vieux pote, n'a pas changé : toujours la joie de vivre. La légèreté et l'enthousiasme font partie intégrante de sa personnalité.

Il me demande si je me souviens de l'accident. Je lui réponds ce que j'ai précédemment dit au médecin et ma mère, que je me souviens que nous étions à moto, lui et moi, sur une route de campagne et c'est tout. Je ne me souviens pas de la voiture. Je ne me souviens pas du choc ni de l'après. Tout ce que je me souviens, c'est cette sensation de liberté sur ma bécane, des couleurs naissantes du printemps et... le trou noir. Ensuite, ce sont des voix, des parfums, des sensations, mais dans le noir. La frustration d'être dans un état de semi-conscience sans pouvoir communiquer.

Je l'implore de me parler de l'accident. J'exige de savoir ce qui s'est réellement passé.

- Pour la faire courte, on était tranquille sur notre itinéraire habituel, après l'hiver. Je te suivais quand une voiture a surgi de nulle part, à toute vitesse. Le gars a perdu le contrôle et t'a percuté de plein fouet. Je t'ai vu faire un vol plané par-dessus ton guidon. Tu as rebondi sur la voiture de l'autre et tu es tombé par terre comme une poupée de chiffon quelques mètres plus loin. J'ai freiné et suis resté figé sur place. La voiture a fini sa course contre un arbre. J'ai eu la peur de ma vie. J'ai sorti mon téléphone et appelé les secours.

- Et ceux qui était dans la voiture ?

- Il n'y avait que le conducteur. L'airbag de son volant lui a sauvé la vie. Il est passé en jugement et a été condamné à une amende.

- C'est tout ? J'aurai pu crever et il s'en est sorti avec une pauvre amende ?

J'observe mon pote hausser les épaules avec résignation.

- Il était clean. Pas de trace d'alcool ni de drogue et avait un excellent avocat. Il aurait fait un malaise vagal.

J'hallucine ! Je suis resté figé pendant 4 mois dans un lit d'hôpital et l'autre s'en tire avec une simple amende ?! Putain de justice de mes deux !

Le PatientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant