Chapitre 37

49 10 4
                                    

Je dois accompagner ma mère aujourd'hui à son rendez-vous avec son cardiologue. Examen de routine, comme tous les ans. Lorsque je suis venu la chercher, elle m'a demandé si j'allais bien. Ce à quoi j'ai encore menti. Je lui ai dit que tout allait bien alors que c'est faux. J'ai bien vu à sa façon de me regarder qu'elle en doutait mais elle n'a pas insisté.

J'ai de plus en plus de mal à lui cacher mon mal-être. Même la présence d'Ethan comme garde-fou le dimanche midi ne m'aide plus. Mais avec tout ce qu'elle a déjà vécu, je ne veux pas l'accabler encore plus. Surtout que je ne sais encore pas si Emma m'a totalement rayé de sa vie.

Nous sommes en salle d'attente depuis cinq minutes, le médecin devrait bientôt recevoir ma mère. Je l'attendrai pendant ce temps. Je suis muré dans le silence. Être dans cet endroit alors que je sais qu'elle y travaille m'est inconfortable. Mais pourquoi ? Je ne risque pas de la croiser, on n'est pas dans son service. Si ça se trouve, elle ne travaille même pas aujourd'hui.

Le cardiologue fait entrer ma mère dans son bureau et j'en profite pour aller me chercher un café au distributeur. Alors que j'attends que ma boisson soit prête, je sens un courant d'air derrière moi amenant à mes narines un parfum que je reconnaitrai entre milles. C'est le sien, la vanille de sa sublime chevelure, j'en suis sûr. C'est alors que j'entends une voix s'adresser au secrétariat.

- Vous avez les résultats du patient de la 205 ?

Je n'en crois pas mes oreilles. Cette voix... c'est la sienne.

Je me retourne et la voit, dos à moi, attendant que sa collègue lui donne ce qu'elle a demandé. A ce moment-là, je ne sais pas quoi faire : remercier la providence de l'avoir mise sur mon chemin ou la maudire pour me torturer encore plus que je ne le suis.

Elle prend les documents en main et s'apprête à reprendre son chemin dans le sens inverse lorsqu'elle croise mon regard. Ses beaux yeux bleu-vert s'accrochent aux miens l'espace d'une seconde et elle baisse le regard pour avancer. Ne la laisse pas s'échapper Luke, c'est ton unique chance de pouvoir lui parler. Lorsqu'elle passe à côté de moi, je prends mon courage à deux mains, voir même plus, pour l'interpeller.

- Emma.

Mais elle m'ignore et poursuit son chemin. Non, ne pas laisser s'enfuir encore une fois. Je ne peux pas laisser passer cette étonnante aubaine. Je la rattrape et lui saisit le bras pour qu'elle se retourne vers moi. Je ressens immédiatement qu'il y a toujours cette alchimie. Je sens que nos corps sont toujours traversés par ce courant électrique qui nous lie l'un à l'autre.

- Emma, il faut qu'on parle.

- Pas maintenant Luke, je travaille.

- Très bien. Dis-moi quand ?

Elle me fixe, son regard se veut inexpressif mais je distingue malgré tout de la tristesse et une sorte de trouble. J'ose à peine en déduire que le fait de me voir lui provoque un effet. Quel type d'effet ? Cela reste à déterminer.

Après quelques secondes de silence, elle me répond dans un soupir.

- J'ai ma pause dans 2 heures.

- Ok. Je t'attendrai à la cafétéria.

Je relâche ma prise sur son bras et elle s'en va sans un mot ni un dernier regard. J'allai reprendre ma place en salle d'attente lorsqu'un homme m'interpelle pour savoir si la boisson qu'il me tend et qui sort de la machine est la mienne. J'en avais oublié mon café avec tout ça. Je le remercie silencieusement en saisissant le gobelet et vais attendre que ma mère sorte de son rendez-vous.

*****

Après avoir déposé mon adorable maman chez elle, je retourne vite fait à l'hôpital. Je ne veux surtout pas être en retard, alors j'ai vingt minutes d'avance. L'angoisse monte en moi.

Et si finalement elle ne venait pas ? Si elle m'avait dit ça pour que je la lâche et qu'elle puisse partir ? Si elle ne voulait vraiment plus me parler ? Je me suis placé près de l'entrée, face à la porte, pour être sûr de ne pas la louper au cas où elle déciderait de rebrousser chemin.

Ma jambe ne cesse de gigoter pendant que les minutes s'écoulent beaucoup trop lentement à mon goût. Putain, on est dans une autre dimension ou quoi ? Une seconde parait être une minute et une minute parait être une heure !

C'est alors que j'entends le battant qui donne accès à la cafétéria. Je lève mon regard et je vois une silhouette que je connais se diriger vers moi. Elle a ses longs cheveux retenus en queue de cheval, sa blouse toujours si ajustée à son corps, et sa bouche toujours peinte en rouge. Je suis contrarié car ce n'est pas elle que j'attends et le regard que celle-ci me lance me dit que je vais bientôt ressembler à un eunuque à la suite des menaces qu'elle avait proféré au début que j'étais avec Emma. Ma queue s'est automatiquement rétractée à l'instant ou je l'ai aperçue, comme si elle avait peur elle aussi de ce qui pourrait lui arriver.

En silence, Tiffany s'assoit face à moi et me regarde dans le blanc des yeux.

- Tu es venue pour me couper les couilles ?

- Non, j'ai décidé de t'accorder un sursis.

Je ne comprends pas ce qu'elle veut dire mais je suis comme soulagé. Bien sûr, je sais que ses paroles étaient surtout métaphoriques mais peut-être que je ne vais pas passez un sale quart d'heure quand même. Elle m'observe, comme si elle cherchait à m'analyser pour y trouver mes plus sombres secrets. Elle est quand même flippante avec son regard de tueuse et me met super mal à l'aise. Je commence à m'agiter sur ma chaise et me râcle la gorge.

- Emma ne viendra pas ?

- Si. Elle va arriver dans cinq minutes mais, quand elle m'a dit qu'elle allait te voir, je n'ai pas résisté à l'envie de venir te mettre en garde.

- Tu sais que tout ça n'est qu'un malentendu ?

- Je m'en fous de ça. Elle a vu quelque chose qui lui a fait beaucoup de mal, c'est tout ce que je retiens. Je respecterai le choix d'Emma mais je voulais juste te prévenir que tu n'as pas intérêt à la faire souffrir encore plus.

- Ce n'est pas du tout mon intention.

- Très bien. Nous sommes d'accord sur ce point au moins.

Et sans rien dire de plus ni un sourire, elle se lève et s'en va.

Je crois que cette fille me surprendra toujours mais je ne devrais pas en fait. Leur amitié est vraiment à l'image de celle que je partage avec Ethan. Elles se défendent et se protègent l'une et l'autre comme mon ami d'enfance et moi le faisons. Je me demande si Emma sait que Tiffany est venue me voir. La connaissant, je ne suis pas certain qu'elle aurait approuvé cette intervention de la part de son amie.

Encore quelques minutes d'attentes et celle qui me manque cruellement chaque jour depuis un peu plus de deux mois fait son entrée et je me rends compte à cet instant qu'elle est réellement la femme de ma vie et que je suis totalement incapable de vivre sans elle.

Le PatientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant