Nash vient à peine de partir avec les mariés que je me sens un peu seule. On a à peine eu le temps de se voir depuis ce matin et sa présence me manque. Cette constatation me fait flipper, car c'est le signe que je m'attache vraiment à lui alors que je ne devrais pas. Ce qui me rappelle ma discussion avec Agathe.
Me voyant seule, Juan s'approche de moi le sourire aux lèvres.
— Alors princesse, on est perdue dans son prince charmant ?
Sa question me tire un sourire.
— Un peu. Il faut dire que je ne me suis pas vraiment intégré à votre groupe donc à part quelques personnes qui sont occupées je ne connais personne d'autre.
— Viens, on va marcher un peu.
Je hoche la tête malgré le fait que dans mes escarpins la douleur est plus forte que d'habitude. En arrivant dehors, Juan me montre le petit banc devant le bâtiment et on s'y installe après qu'il m'ait donné sa veste.
— Parle-moi un peu de ce qui te travaille vraiment.
— Tu le sais très bien.
— Nash...
— Je m'attache à lui. C'est dingue, non ?
Il reste silencieux quelques minutes, perdu dans ses pensées.
— J'ai été dans la même situation que toi il y a cinq ans.
— Tu veux en parler ?
— Il n'y a pas grand-chose à dire. J'ai rencontré une fille, à l'époque j'étais nomade. Je venais d'apprendre la vérité sur mon adoption et j'ai eu besoin d'air. Elle a dix ans de moins que moi, elle ne vient pas d'ici et on a fait un road trip tous les deux. Au bout de trois mois, j'en étais raide dingue même si je l'étais déjà bien avant. Elle est repartie dans son pays et je suis resté ici.
— Elle ne partageait pas tes sentiments ?
— Si, mais elle avait sa vie, sa famille, ses études. Je l'ai poussée à repartir, car je ne voulais pas qu'elle renonce à ses projets. Elle est partie et ça s'est arrêté là.
— C'est triste. Tu n'as pas essayé de lui parler ? De la faire revenir ou toi aller là-bas ?
— Non. Tu sais, une histoire comme la nôtre, comme celle que tu as avec Nash, c'est voué à l'échec. Je ne veux pas te faire peur ou te faire du mal, mais ça ne peut que se finir avec un cœur brisé. Ne tombe pas amoureuse Lilibeth parce que toi comme moi on sait que tu ne renonceras pas à ta vie et lui as la sienne.
La lueur de tristesse dans son regard me brise le cœur.
— Tu l'aimes toujours n'est-ce pas ?
— Oui et je pense que je l'aimerais toute ma vie. Si en cinq ans, les sentiments sont toujours là, c'est qu'il y a une raison. J'ai essayé, tu sais, de passer à autre chose, de rencontrer d'autres femmes, de coucher avec d'autres femmes, mais ça se solde toujours par une déception parce qu'elles ne sont pas elle.
Je prends sa main dans la mienne et la serre pour qu'il sache que je suis là.
— Tu devrais essayer de la retrouver. De voir comment elle se sent, si elle aussi ressent encore des choses pour toi.
— Et si elle est mariée ? Qu'elle a rencontré un autre homme ? Je ne veux pas foutre le bordel dans sa vie. Cinq ans c'est long, de l'eau est passée sous les ponts, elle a fait sa vie.
— Et si ce n'est pas le cas ? Si elle aussi t'aime toujours, mais que pour les mêmes raisons que toi, elle n'ose pas te retrouver. Vous passez peut-être à côté de votre histoire, de votre bonheur.
— Peut-être, mais j'ai trop peur de ce que je vais découvrir pour prendre le risque d'aller la voir. Tu le ferais toi ? Si en partant d'ici, tu te rends compte que tu es raide dingue de Nash.
— Je ne sais pas, je ne suis pas dans la situation et je suis loin d'être raide dingue de lui comme tu l'es de cette femme. Mais j'espère que si un jour c'est le cas, j'oserais faire le nécessaire pour le retrouver. Et je pense aussi que j'espèrerais qu'il essaye lui aussi même s'il risque de découvrir que je suis passé à autre chose. Vaut mieux vivre avec des remords que des regrets non ?
— C'est ce qu'on dit, mais je ne suis pas sûr que l'un ou l'autre soit mieux, tu sais. Je suis un adepte du « carpe diem » et si je devais te parler sans en avoir fait l'expérience, je te dirais de vivre au jour le jour et de voir ce que ça donne entre vous, mais j'ai vécu ça, et je sais le mal que ça fait. Je ne le souhaite ni à toi ni à Nash. Alors réfléchit bien Lilibeth.
Je hoche la tête, incapable de lui répondre. Son histoire me fait mal au cœur et a tellement de similitudes avec la nôtre, mais on n'est pas Juan et cette femme et puis on a dit « pas de sentiments » alors on verra bien ce qu'il se passe. Je sais que je prends un risque, mais si je dois avoir le cœur brisé qu'il en soit ainsi. Ce que je ne veux pas, c'est faire du mal à Nash, mais rien ne me dit qu'il s'attache à moi.
Après être resté silencieux quelques minutes, Juan décide de rentrer dans la tente et moi aussi. On s'installe à table où se trouvent déjà Agathe et Mathilde ainsi que trois autres personnes du club. Malgré la discussion que l'on vient d'avoir Juan et moi, on se mêle à la discussion dans la bonne humeur.
Rapidement, la discussion tourne autour des road trips de Juan, Fabio et Hayden qui sont tous deux des nomades comme l'a été Juan à une période. Si les deux hommes que je ne connais pas font plutôt des allées et venues entre les différents clubs des Hell's, Juan lui a réellement fait le tour du pays. À chaque endroit visité, la discussion s'anime autour des choses à voir, etc. et un débat se fait entre les trois hommes. À aucun moment, Juan ne parle de cette femme ou ne montre sa tristesse. Son but est de nous partager ce qu'il a vu et fait. L'écouter parler de ses aventures est passionnant et je ne remarque pas de suite le retour de Nash. Il passe en coup de vent et après m'avoir demandé si tout allait bien, il part vers la table d'honneur là où se trouve sa place au côté d'Alex.