Je comprends totalement qu'elle soit en colère et qu'elle s'énerve malgré mes excuses. Je suis assez lucide pour savoir que même des excuses n'arrangeront pas les choses surtout après mon comportement auprès de son copain. Mais de là à insinuer que je me fais sauter par Nash c'est trop. Mais malgré tout, je ne voulais pas que ça s'envenime entre eux comme ça.
Installée sur le lit de Nash, j'observe Mathilde qui est toujours endormie alors qu'Agathe s'assied à côté de moi.
- Ne laisse pas ses paroles te blesser.
- Je peux la comprendre. Je lui ai manqué de respect dès notre rencontre en draguant son compagnon. Elle m'avait énervée et je n'aurais pas dû réagir comme une gamine. Je comprends aussi qu'elle soit en colère pour ses vêtements. Je n'aurais pas aimé qu'on abîme les miens. Par contre, ce que je n'accepte pas c'est son insinuation sur Nash et moi.
- Je pense qu'elle a surtout voulu te piquer en voyant que son énervement pour ses vêtements tu l'acceptais.
- Sauf qu'en voulant me piquer elle a blessé son ami.
- À ça, elle n'a peut-être pas pensé. Ne la laisse pas t'atteindre avec ses paroles. Tu sais qui tu es, tu sais ce que tu vaux. Ne laisse personne te dire qui tu dois être.
Ses paroles me font plaisir et même si elle a raison, par le passé je me suis quand même laissé dire qui je devais être.
Sois belle et tait toi est la phrase que j'ai le plus entendue, je pense, depuis que ma mère est décédée. Et même si les derniers mois, je me suis un peu rebellé, j'ai toujours suivi cette phrase. Et avant, je ne donnais pas d'autre image que celle-là. J'avais le rôle de potiche. C'est quand mon père a voulu me marier que j'ai commencé à m'imposer un peu. J'ai fait les études de marketing pour lui montrer que j'en avais dans la tête et que je ne servais pas qu'à être au bras d'un homme. Il l'a accepté et il est heureux que je sois apte à reprendre sa place même si au fond ce n'est pas ce que je souhaite.
Nash finit lui aussi par venir dans la chambre avant de ressortir pour aller prendre une douche. Il ne m'a plus adressé un mot et j'ai peur qu'il m'en veuille pour sa dispute avec Emily.
Le reste de la soirée se sera passé dans le calme et le silence. On se couche tous et je me sens un peu mal à l'aise à côté de Nash même s'il reste de son côté.
En me réveillant, je constate que la place à côté de moi est vide et froide. Je me redresse et pose mon regard sur le réveil qui affiche quatre heures. Inquiète, je me lève sans faire de bruit afin d'éviter de réveiller les deux autres personnes et sors de la chambre. La cuisine est plongée dans le noir, mais sous la porte je peux voir de la lumière passée signe que de l'autre côté elle est allumée. À pas de loup, je me dirige vers les pièces communes et vois la lumière dans le salon. Je reste à l'entrée et regarde Nash, concentré dans sa tâche.
L'ébauche d'un dessin nait sous ses doigts habiles
- Approche au lieu de rester plantée là.
Il n'a pas tourné le regard et j'entre dans la pièce.
- Comment tu as su que j'étais là ?
- La sensation d'un regard posé sur nous est assez désagréable.
Je ne peux m'empêcher de sourire et me place à côté de lui. Je peux distinguer maintenant le dessin qu'il fait.
- Je pensais que tu n'étais pas capable de le faire.
- Et toi tu croyais le contraire. J'ai voulu essayer. Alors tu en penses quoi ?
- C'est magnifique, j'ai hâte de le voir en couleur.
- Ça ce sera ton job. Me répond-il en souriant.
- Ça fait longtemps que tu es réveillé ?
- Je n'ai pas dormi. J'ai attendu que tu t'endormes pour me lever.
- À cause de moi ?
- Non, je cogitais beaucoup trop pour réussir à dormir. Je n'ai pas l'habitude de me disputer avec Emy.
- Je suis désolé. Dis-je en baissant la tête.
Il arrête ce qu'il fait et prend mon menton entre ses doigts.
- Tu n'as pas à t'excuser. Tu as été franche avec elle en sachant qu'elle allait vriller. Tu n'as rien à te reprocher. Elle, par contre, n'aurait pas dû te parler comme elle l'a fait ou insinuer qu'on couchait ensemble.
- C'est la moindre des choses. J'ai fait une bêtise, c'était à moi de l'assumer et pas à toi de mentir pour me protéger.
- Je l'ai fait avec plaisir. Je ne voulais pas qu'elle s'en prenne à toi et que tu te renfermes. J'aime bien la Lilibeth que tu es avec moi et j'ai envie que ce soit cette facette de toi qu'elle voit et pas la fille froide que tu peux être.
En parlant, son pouce dévie sur ma tache de naissance à découvert qu'il caresse délicatement.
- Tu devrais arrêter de la cacher.
- Nash...
- Je sais, mais je ne suis pas d'accord avec toi.
Il relâche mon visage et continue à dessiner alors que je reste silencieuse à ses côtés. Je ne sais pas combien de temps passe, mais quand il finit le soleil se lève.
On se recule tous les deux et on observe le dessin
- Il est magnifique. Tu es sur de vouloir que je le mette en couleur ?
- Bien sûr.
- J'ai peur de le gâcher.
- Aucun risque, je suis sûr que tu feras ça très bien.
- J'espère.
Il replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et semble vouloir dire quelque chose, mais je le devance. Mon cœur bat la chamade face à sa douceur et son regard, il faut que je remette de la distance.
- Tu penses que je pourrais appeler mon petit ami aujourd'hui. Je sais que le deal est "pas de contact", mais j'ai envie qu'il sache que je vais bien.
C'est une excuse, je ne pense pas à lui depuis que je suis ici, mais la proximité de Nash et ce qu'il me provoque me fait peur. Alors j'utilise le seul moyen que j'ai pour l'éloigner. Il fronce les sourcils, ses doigts quittent mon visage et il se recule.
- Non.
Certes, je ne pense pas à lui, mais je ne comprends pas pourquoi on m'interdit tout contact avec Londres.
- Pourquoi ?
- Tu demanderas à ton père. Va te préparer, je vais chercher le petit déjeuner.
Il est froid à nouveau et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.