- Alors vous êtes revenus la queue entre les jambes.
Les yeux clos, les coudes posés sur la longue table rectangulaire devant les marches menant à l'autel, mains jointes sous son menton, le Prophète du Chaos parle d'une voie redoutablement calme.
Nous avons échoué à occire la princesse, la Suzeraine Gerudo étant rentrée plus vite que prévu.
Si seulement j'avais pu élaborer un plan un tant soit peu viable... mais non, je dois toujours me débrouiller avec une flèche dans le pied, un boulet accroché à l'autre.
Le Grand Kogha est assis en travers de sa chaise, absolument pas intéressé par la conversation, préférant faire des cercles imaginaires l'un autour de l'autre avec ses doigts.
- Si je n'avais pas été interrompu j'aurais...
- À vrai dire, je ne me suis jamais attendu à grand chose de votre part.
Mon chef se redresse brusquement, mi interloqué mi indigné, penchant la tête sur le côté le temps de prendre la pleine mesure de ces paroles.
Par réflexe, j'empoigne la garde de mes sabres et suis obligé de me faire violence pour ne pas dégainer.
- Enfin, qu'importe.
Le Prophète se lève.
Dans un mouvement inverse, mon chef se jette en arrière sur sa chaise, les bras passés derrière sa tête, estimant que le danger de la dernière phrase est levé. Il pose ses pieds sur la table et commence à se balancer en sifflotant discrètement.
J'ai beau admirer mon chef, il arrive que je ne comprenne pas ses réactions, et ce n'est pas faute d'essayer de les analyser depuis des année.
Pour ma part, je sens que la phrase prononcée reste là, en suspension au dessus de nous, telle une épée de Damoclès, prête à nous retomber dessus à tout moment. Le Maître Voyant y veillera.
À la lumière vacillante des bougies, ses cernes se creusent toujours plus, sa pâleur n'en est qu'accentuée...
Il prend le cœur de gardien corrompu et le pose sur l'autel.
Le réceptacle se met à luire de violet, magenta et ocre. Son œil s'allume de corail.
Des miasmes de rancœur s'élèvent de sol, témoin de la part du Seigneur Ganon présente.
Le réceptacle, petit gardien bien différent de ceux vus habituellement, clignote.
Une brume violette se lève, de la couleur de la Rancœur de Sa Magnificence.
Des silhouettes, des paysages entièrement noirs se forment dans le brouillard dense, et le Prophète lève les bras vers le ciel, accueillant cette obscurité telle une déesse.
- Allez ! Montrez moi l'avenir !
Le cœur corrompu s'arrache aux mains du Prophète, et se met à léviter, la brume maléfique semblant comme attirée par ce morceau de réceptacle.
Elle se met à tourner de plus en plus vite, et le paysage flou devient net.
J'observe attentivement la vision envoyée par notre seigneur.
Le ciel est teinté de rouge, un rouge inquiétant, menaçant, glaçant.
La lune est ronde, pleine, et se détache de tout le reste, immense, écrasante. La Lune de Sang.
Le château d'Hyrule, en ruine, dévasté, et...
J'ai un infime mouvement de recul.
Le Seigneur Ganon sous sa forme de Fléau, s'étant emparé du château, terrifiant, dans une atmosphère crépusculaire. Tout n'est que désolation, mort et destruction dans les lambeaux de plaines qu'on peut apercevoir çà et là.
Un infime détail retient mon attention, et je suis apparemment le seul à m'en apercevoir.
Une silhouette menue, cheveux longs au vent, épée au clair se tient devant le château.
Elle se détache à peine du spectacle horrifique des environs tant elle dégage une noirceur et une obscurité puissante.
La tête draconique du Seigneur Ganon se lève soudain, et pousse un rugissement terrible, faisant trembler la terre, son corps fait de fumée et de miasmes s'enroulant d'un brouillard lourd et dense autour du château.
Le fille se retourne brusquement et je peux voir pendant un bref instant avant que la vision ne se recentre sur le Fléau deux yeux rouges luisants de haine.
Amie ou ennemie ? Reste à savoir dans quel camp elle se trouve.
Le Prophète a un bref rictus, et serre les poings.
Un sourire malveillant s'étire sur ses lèvres craquelées.
- Oui... C'est ce destin que je veux voir advenir.
Il marque une pause, et se retourne vers nous. Sa phrase prend alors la tournure d'un avertissement, mais le Grand Kohga ne s'en rend pas compte.
- Je ne permettrais à quiconque de le changer.
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Chroniques d'Hyrule : 1. Haine, Rancœur et Vengeance
FanficOui, probablement que je suis un monstre. Mais tant que je ne le suis pas aux yeux des Yigas, cela ne m'importe pas. Astor... Ganon... Vous m'avez tout enlevé, comme l'ont fait autrefois les Hyliens. J'ai tout perdu. Je l'ai perdu. Je vous déteste...