Décidément, les bibliothèques...

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- Non mais il y a combien de milliards d'étagères et de livres ici ?!

La première pensée qui m'a frappée en voyant les dizaines de rayonnages de milliers de livres, a été : comment on va trouver quoi que ce soit dans tout ce bordel !

- Je t'avoue que je n'ai jamais eu la patience de les compter. Mais ne t'inquiète pas, je sais parfaitement où chercher. Il ne reste qu'une trentaine de livres à feuilleter sur les " quelques-uns " que tu aurais dû lire sinon.

- Tr...trente livres ?

- Oui. Ne t'inquiètes pas, je lis plus vite que toi, je pense que je pourrai m'occuper des deux tiers.

- Mon Dieu, la maladie, je souffre, je suffoque, aaahhh ! Qu'on appelle un médecin !

- Ne fais pas ta chochotte. Tu liras ces dix livres, et comme ça tu pourras trouver la réponse à ton interrogation.

Et c'est avec l'enthousiasme d'un condamnée à mort que je m'installe à la table circulaire un plein milieu de l'étoile à... beaucoup de branches que forment les rayonnages, tandis que Suppa va me chercher mon futur supplice.

**********

Je feuillette un peu les ouvrages. Je les connais déjà, pour les avoir presque tous lus, mais je cherche un illustration, un détail qui me permettrait de me souvenir de cette légende que je suis sûr de connaître, mais que j'ai oublié.
J'ai déjà cherché dans toutes les légendes recensées ici. Malheureusement, il en manque un bon nombre, toutes ne sont pas complètes, ou manquent cruellement de détails.

J'en suis à une douzaine.

Et je n'ai pas fini !

Je referme en soupirant l'énorme volume que je tiens. Le seul qui soit à peu près complet.
Il claque et un nuage de poussière se dégage du parchemin jauni.

Même moi, qui suis pourtant très grand quand j'ai mon masque, j'ai certaines difficultés à atteindre les rayonnages les plus hauts, et je suis obligé de tendre mon bras au maximum pour parvenir à ranger le douzième livre que j'étais en train de feuilleter, l'Ocarina du Temps.

Peut être qu'après tout je nous ai menés sur une fausse piste ? Que cela n'a rien à voir avec les différents récits et légendes du passé d'Hyrule ?
À moins qu'en réalité la réponse ne soit juste sous nos yeux...
J'ai beau réfléchir, je ne vois qu'une explication et... elle me semble absurde.
Line m'a dit que les deux jeunes femmes étaient opposés, chacune lui rappelant quelque chose de différent. L'une bleue, l'autre rouge.
À supposer que la troisième absente était de couleur verte, cela évoquerait immanquablement les trois Déesses de la Création : Din - rouge - Nayru - bleue - et Farore - verte.
Mais la troisième était absente, attrapée par un certain général Onox, et si c'étaient bien les déesses, un simple mortel n'aurait suffi à les arrêter.


Onox...Onox...Onox...


J'ai déjà entendu ce nom quelque part, et j'ai même une vision très précise en tête de ce général, mais qui peut il bien être ?
Je ressasse encore et encore ce nom.


Onox...Onox...Onox...


Mais Oui ! Ça y est ! J'ai trouvé !

Enfin non, mais je sais qu'il s'agit bien d'un conte Hylien !
L'histoire d'un jeune garçon fermier possédant la marque d'Or sur le dos de la main, et qui décida de participer à un tournois de chevalerie, et par un concours de circonstance, se retrouva dans la lointaine contrée d'Holodrum, où le Mal en personne sévissait, ayant envoyé son émissaire le Général Onox.
Mais quelle était l'histoire complète après cela ?
Le fait que je ne me souvienne même plus du nom du conte me frustre énormément.
Au moins, j'ai à présent la certitude qu'il s'agit bien d'un conte.

Je tourne les talons.
Peut être que Line aura eu plus de chance, de son côté ?

Ce que j'aime beaucoup dans cette pièce, c'est qu'elle est très silencieuse, comparée au reste du repaire où il règne toujours un sorte de brouhaha continu, sauf la nuit.
L'odeur du parchemin et des reliures m'apaisent presque autant que de créer de nouvelles techniques et de m'entraîner.
Quand je rejoins Line à la table circulaire au centre de la pièce, un doux sourire étire mes lèvres.
Les bras croisés, la tête dedans. Elle a les yeux clos, et son léger souffle soulève l'une de ses mèches de jais quand elle expire.

Le livre qu'elle lisait est encore ouvert sur la table, sous ses bras, à côté de la pile des neufs livres qu'elle a déjà lu.
Elle les a lus vite...
Je déduis au fait qu'elle ne m'a pas prévenu qu'elle n'a rien déniché.

Je m'accroupis et pose mes bras dans la même position qu'elle sur la table, et la contemple, alors qu'elle est endormie.
Je crois que je ne l'ai jamais vu aussi sereine, même quand elle est avec moi.
Elle ne sourit pas, et pourtant tout son être transpire la sérénité, le calme. Comme si tous les soucis qui lui occupent continuellement l'esprit s'étaient envolés.
Elle fronce soudainement les sourcils quand une mèche de cheveux lui tombe sur l'œil.

Avec délicatesse, je lui replace derrière l'oreille et son visage se détend à nouveau.
Elle est magnifique comme ça.
Je lui caresse la joue du bout des doigts, étudiant chaque trait de son visage enfin en paix, comme si que je les voyais pour la dernière fois, gravant son visage serein dans ma mémoire.

Puis je romps le charme qui s'était installé en laissant tomber ma main et en me relevant.
Dans un dernier sourire, je retourne à mes recherches.
Je vais la laisse dormir, elle avait presque finit l'ouvrage de toute façon.

Alors que je retourne à l'endroit où j'étais, je manque de percuter une officière, qui arrivait dans le sens inverse, et semble marmonner quelque chose dans sa barbe.

Elle s'excuse à mi-voix, respectant le silence de cet endroit.

- Pardonnez moi, Seigneur !

Tiens donc. Ce n'est pas la première fois qu'elle m'appelle Seigneur.
Si je me souviens bien, c'est une nouvelle recrue.
Enfin, nouvelle, cela reste relatif. En tout cas, elle est dans le clan depuis plus longtemps que Line.

Puis elle repart comme si de rien n'était.

Je reprends le livre, retrouve le passage où je m'étais arrêté, et recommence ma lecture.

**********

Je me réveille en sursaut, après avoir fait une sorte de cauchemars.
Oh non ! Je me suis endormie sur le livre ! J'espère que Suppa ne m'a pas vue !

Je me redresse brusquement, décroisant mes bras.
Je me fige.
Puis pâlis, non pas sous l'effet de la douleur mais de ce que cela implique.
J'espère me tromper.

Je tords presque mon bras en essayant d'attraper le plus vite possible ce que j'ai, planté dans le dos.
Je tire, et je sens la peau partir avec ce que j'ai senti.

De pâle, je deviens translucide en mettant à la lumière ce que j'ai arraché.

Une dague, de facture Gerudo, maculée de mon sang.
Je me relève d'un bond.

Suppa !

Mon cœur s'affolant dans ma poitrine, je me mets à courir entre les rayonnages, qui semblent se distordre, s'étirer de mon point de vue.

Je dérape en m'accrochant au rebord d'une étagère, et trouve la section que je cherchais.
Il doit être là, il m'avait dit qu'il chercherait du côté des mythes et Chroniques.

Quand je l'aperçois, je sais que je n'aurais pas le temps.
Concentré sur ce qu'il étudie, il ne l'a pas entendue arriver.
Je n'aurais pas le temps !
Les quelques mètres qui me séparent de lui me paraissent infranchissables.

Elle lève son cimeterre, pile au dessus de sa nuque, silencieuse comme une ombre, alors qu'elle vient de bondir du haut d'une bibliothèque.
Tout semble se passer au ralenti pour moi.
Je la vois, son arme en main.
Je vois chaque particule de l'air, le moindre détail de ce que m'entoure.
Je vois le passé.... Et le futur de ce mouvement si je ne fait rien.

Dans l'urgence, j'opte pour la solution la plus rapide, logique, et susceptible de le sauver.
Sa lame commence à effleurer sa nuque découverte, alors qu'il est penché sur l'ouvrage.

Je lance la dague souillée de mon propre sang.
Le temps reprend son cours, et tout me paraît aller à une vitesse folle après ça.

Dans la même seconde, Suppa se retourne enfin, sabres au clair, la dague atteint la prétendue officière, qui dévie de sa trajectoire et la lame du cimeterre va se ficher dans le rayonnage voisin.

Elle laisse échapper un cri quand la dague qu'elle m'a planté dans le dos, pensant m'éliminer, lui transperce la main.
Un œil rougeoyant inversé apparaît sur sa poitrine, et s'enfonce dedans sans lui causer la moindre douleur, mais alors que ses yeux ne pensent qu'à fuir et qu'ils s'emplissent peu à peu de terreur, elle s'immobilise. Suppa a certainement utilisé une de ses techniques.

- On dirait que je suis arrivée juste à temps.

La prétendue officière, plaquée à la bibliothèque, essaie de se tortiller, mais elle ne parvient à rien.
Suppa, quant à lui, ne prononce mot.

En me voyant, la traîtresse me reconnaît malgré mon apparence pour le moins... différente de celle qu'elle a toujours vu.

- Tu es la mioche de Sinandra et du Capitaine, me crache-t-elle presque au visage. Celle qui...

Elle hoquète.
Dans une fureur folle, je lui écrase la gorge de mon avant bras et dégaine un kunai pour lui mettre la pointe juste sous le menton.
Elle connaît l'ancien nom de ma mère, le nom qu'elle portait avant de devenir adulte. Toutes les Gerudo changent de nom à l'âge adulte.

- Suppa, tu m'autorises à lui lever son masque ?

- Oui.

Sa voix semble lointaine comme s'il continuait de réfléchir à quelque chose, perturbé, perplexe.
Je pose ma main sur les deux côtés du masque... Et tire d'un coup sec, les lanières mal attachées se défaisant aussitôt.

Une morphologie extrêmement familière apparaît, tout l'uniforme des Yigas disparaissant et laissant place à un autre uniforme, que je connais très bien pour l'avoir vu accroché dans notre salle d'armes.

J'appuie un peu plus fort, une goutte de sang perlant sur la lame.

Je décèle que l'apparence factice n'est pas un charme comme il y en a un sur le masque de Suppa.
C'est un vrai sort lancé d'une main experte.

La Gerudo immobilisée doit être une hybride de plusieurs générations.
Ses yeux sont bleus très clair, ce qui est extrêmement rare chez les Gerudos, ses oreilles sont quasiment aussi pointues que les miennes, alors que je suis presque une Hylienne pure souche, à part pour ma mère.
Sa peau, ses cheveux et la forme de son visage en revanche trahissent son origine.

En voyant le masque qui s'accroche à l'arrière de son cou et qui monte en pic jusqu'en dessous du nez, lui cachant la bouche et lui mangeant une partie des joues, je déduis que c'est une soldate comme une autre.

Je décolle peu à peu mon kunai, laissant de petites gouttes de sang perler dans son cou, et lui libère les voix respiratoires, même si Suppa l'immobilise toujours avec une Arcane.

- Je crois qu'on a trouvé la taupe.

- Il va falloir lui faire passer un interrogatoire. Je déteste ça, mais avec un peu de chance, elle dira si il y a d'autres infiltrés.

Il soupire et passe la main sous son masque pour se frotter les yeux.
Puis attrape la Gerudo, qui a à présent un regard farouche.

- Je reviens.

Et il se téléporte.
Moins d'une minute plus tard, il est de retour.

- Je préfère ne pas être là quand il l'interrogeront. Je déteste leur méthode.

- Et quelle est elle ?

Suppa ne répond pas.
Il passe sa main dans son cou et le frotte vigoureusement.
Aussitôt, je m'inquiète.

- Tu es blessé ?

- Je ne sais pas.

- Laisse moi voir.

Je croyais avoir réussi à ce qu'il ne soit pas blessé... j'espère que ce n'est pas trop grave.

Avec un temps d'hésitation, il porte la main à son masque et le retire.
Ah oui, c'est vrai.
En réalité, il est à peine plus grand que moi.

Je lui attrape le poignet et le fait parcourir le chemin jusqu'à la table en sens inverse, et l'oblige à s'asseoir.

- Baisse la tête.

Il obtempère.
J'examine la plaie.
Elle est peu profonde, mais gênante, et n'est pas nette.

- Tu devrais passer à l'infirmerie. Je ne pense pas que ce soit grave, mais ce n'est pas une coupure propre.

Il grommelle.

- Je te rappelle que tu n'as pas ton masque, je peux mieux t'entendre quand tu ronchonnes. Chantonné-je presque.

- Tu as fini ?

Tiens donc, monsieur esquive ?

- Mon cher officier en Chef, Stratège et Général, Bras Droit du chef Suprême du Gang des Yigas, aurais tu peur des médecins ?

- Touché...

Alors qu'il se relève, et s'apprête à remettre son masque, je ne peux pas m'empêcher de le taquiner.

- Sérieusement, tu as peur des médecins ?

- Oui, et alors ?

- Rien. Rien du tout.

- Parfait.

- Tu ne vois donc pas d'inconvénient à passer à l'infirmerie.

Il laisse échapper un gémissement de désespoir et renversant sa tête en arrière.

- Tu ne vas vraiment pas me lâcher avec ça...


Chroniques d'Hyrule : 1. Haine, Rancœur et VengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant