Chapitre 18 : Les ombres du crépuscule.

65 16 0
                                    

Maëlle quitta la suite de Victor avec un esprit alourdi, mais le réconfort que lui apportaient ses deux compagnons à quatre pattes, Ely et Summer, serait inébranlable. Leur simple présence avait toujours su alléger ses tourments. Elle se dirigea vers sa propre suite, espérant trouver un peu de paix en compagnie de ses chiens.

En ouvrant la porte, elle fut accueillie par un concert d'aboiements joyeux, et immédiatement, son cœur s'allégea. Ely, la plus vive des deux, bondit vers elle comme une petite tornade, tandis que Summer, fidèle à son tempérament plus calme, s'approcha avec une douceur mesurée, cherchant un contact rassurant. Leurs yeux pétillaient d'une affection inconditionnelle, et dans cette union silencieuse, Maëlle sentit une vague de réconfort la submerger.

- "Vous m'avez tellement manqué", murmura-t-elle en se penchant pour les caresser.

Le simple contact de leurs fourrures douces et de leurs mouvements affectueux apaisa immédiatement une partie de ses tensions. C'était leur manière à eux de dire : « Nous sommes là, tout va bien. » Après quelques minutes passées à les câliner, Maëlle leur attacha leurs laisses. Une promenade dans les vastes jardins du palais serait l'évasion parfaite pour échapper à ses pensées.

Elle sortit du palais, ses deux chiens trottant joyeusement à ses côtés, et s'engagea dans les allées fleuries. La soirée offrait un spectacle à couper le souffle : un ciel peint de nuances d'orange, de rose et de violet, tandis que le soleil se couchait lentement à l'horizon. L'air, chargé des derniers souffles de chaleur du jour, était doux et agréable sur sa peau. Les feuilles bruissaient sous le souffle léger de la brise, et Ely et Summer, reniflant curieusement chaque buisson, semblaient aussi enchantés qu'elle.

Maëlle, dans une robe légère conçue pour supporter le climat chaud, se laissait bercer par la tranquillité de l'instant. Elle inspirait profondément, essayant de faire abstraction de tout ce qui la troublait, de ces révélations et responsabilités qui la pesaient depuis son entretien avec le roi. Ce moment, simple et pur, avec ses chiens gambadant librement, semblait être une bouffée d'air frais dans un océan d'incertitudes.

Mais alors qu'elle longeait un coin plus ombragé des jardins, près d'une rangée de haies denses, elle remarqua une silhouette surgir de l'obscurité. Un homme, grand et robuste, s'approchait d'elle, son allure désordonnée. Son regard, fixé sur Maëlle, était sombre, presque hostile. Elle sentit une vague de méfiance monter en elle. Ely et Summer, comme s'ils percevaient son malaise, ralentirent aussi, leurs oreilles se redressant, prêts à la protéger.

L'homme, en s'approchant, ralentit le pas, ses yeux parcourant Maëlle de la tête aux pieds. Son regard était froid, presque cruel, et elle sentit une tension monter en elle, chaque fibre de son être lui ordonnant de se tenir prête à toute éventualité. Tentant de garder son calme, elle se décala légèrement, espérant qu'il continuerait simplement son chemin.

Mais ce n'était pas le cas. L'homme s'arrêta juste devant elle, trop près pour qu'elle se sente à l'aise. Elle pouvait presque sentir son souffle, une odeur de tabac froid et de sueur qui émanait de lui. Son expression était celle d'un homme accablé par la colère, et Maëlle comprit immédiatement que ses intentions n'étaient pas bonnes. Les aboiements protecteurs de Summer rompirent le silence, mais l'homme ne bougea pas, son regard perçant ne quittant pas Maëlle.

Puis il murmura quelque chose dans une langue étrangère, incompréhensible pour elle. Mais ce n'était pas nécessaire de comprendre les mots pour ressentir l'hostilité dans sa voix. Son ton était glaçant, et avant même qu'elle ne puisse réagir, il cracha d'un ton méprisant, cette fois dans un français brisé, mais clair :

- "Prostituée."

Le mot, jeté avec une haine viscérale, frappa Maëlle comme une gifle. Elle resta un instant figée, incapable de comprendre comment un simple regard de cet homme avait pu mener à une telle violence verbale. La honte monta en elle comme une vague, suivie de près par la colère. Elle serra les poings, luttant contre l'envie de riposter, mais son esprit était paralysé par le choc.

Ely et Summer, sentant la détresse de leur maîtresse, se placèrent devant elle, grognant de plus en plus fort. Ely, d'ordinaire si joueuse, semblait maintenant prête à bondir pour la défendre.

L'homme ricana en les regardant, visiblement amusé par la scène. Il s'avança encore d'un pas, suffisamment près pour que Maëlle sente la tension se transformer en véritable menace. Elle fit un pas en arrière, tirant légèrement sur les laisses de ses chiennes pour les maintenir près d'elle, mais l'homme continua d'avancer, son regard de prédateur figé sur elle.

Maëlle tenta de se dégager de la situation, faisant mine de vouloir poursuivre son chemin, mais l'homme lui barra soudainement la route d'un geste brusque de son bras. Le contact ne dura qu'une fraction de seconde, mais c'était suffisant pour que Maëlle sente son estomac se nouer de peur. L'agressivité dans ses yeux était claire, et elle comprit alors que ce n'était pas juste des mots : cet homme voulait lui faire du mal.

Son cœur battait à tout rompre. Elle tenta de rassembler ses pensées, de trouver une échappatoire. Mais l'homme ne la laissait pas bouger. Ely et Summer aboyaient furieusement à présent, leurs crocs visibles, tandis qu'elles se plaçaient entre Maëlle et l'homme. Pourtant, malgré les avertissements des chiennes, l'agresseur ne reculait pas, bien au contraire. Il fit un pas en avant, ses doigts se resserrant sur le poignet de Maëlle, qui retint un cri de douleur.

- "Lâchez-moi," réussit-elle à articuler d'une voix tremblante mais ferme, tout en essayant de retirer son bras.

Mais l'homme ne la lâcha pas. Ses yeux brillaient d'une lueur inquiétante, et il semblait de plus en plus excité par la panique de Maëlle. L'adrénaline monta en elle comme un torrent. Elle savait qu'elle devait agir, et vite.

Dans un mouvement instinctif, elle tira violemment sur son bras pour se libérer de son emprise, et à ce moment précis, Ely bondit sur l'homme, toutes griffes dehors, grognant avec une férocité que Maëlle n'avait jamais vue chez elle auparavant. Summer, bien qu'un peu plus lente, suivit immédiatement, ses crocs claquant dans l'air à quelques centimètres du visage de l'agresseur.

Surpris, l'homme recula précipitamment, lâchant le poignet de Maëlle. Il poussa un juron dans sa langue natale, avant de faire demi-tour et de disparaître rapidement dans l'obscurité des jardins.

Maëlle resta figée sur place, le souffle court, encore sous le choc. Ely et Summer, toujours sur leurs gardes, continuèrent à grogner faiblement, scrutant les ombres pour s'assurer que l'homme ne reviendrait pas. Elle les tira doucement vers elle, posant une main tremblante sur leurs têtes pour les calmer.

Le silence retomba autour d'elles, mais l'impact de la confrontation continuait de résonner en Maëlle. Ses jambes étaient encore flageolantes, et son poignet, là où l'homme l'avait saisie, la brûlait. Elle baissa les yeux sur sa peau rougie, marquée par la violence du geste.

Elle respira profondément, essayant de retrouver son calme, mais chaque respiration semblait alourdie par le poids de ce qu'elle venait de vivre. Ce pays, avec ses règles tacites et ses traditions qu'elle ne comprenait pas toujours, la faisait se sentir plus étrangère que jamais. Elle réalisa à quel point elle était vulnérable ici.

Finalement, incapable de continuer cette promenade, Maëlle se tourna vers le palais. Loin de la paix qu'elle avait espérée trouver dans cette marche nocturne, elle ne ressentait plus qu'un besoin urgent de retrouver la sécurité de sa suite. Ses mains tremblaient encore légèrement lorsqu'elle serra un peu plus fort les laisses de ses chiens, comme pour puiser un peu de leur force.

À son retour, elle s'effondra sur son lit, entourée d'Ely et Summer, murmurant des mots rassurants, plus pour elle-même que pour elles. Mais malgré leur présence réconfortante, la confrontation restait gravée en elle, une ombre qui assombrissait la tranquillité qu'elle espérait tant retrouver.

Entre nos mainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant