Chapitre 9:

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Je fixai le plafond, écoutant la respiration régulière de ma sœur. Elle ne dormait pas encore.

Je repensais a l'orphelinat. À cette époque, quand il est arrivé là-bas. Chez nous. Dans notre refuge, celui qu'on nous avait donné. Celui qu'on lui donnait a lui aussi.

Gabriel.

A part Naora, Gabriel avait été le seul en qui j'avais vraiment confiance.
Ses parents ont, eux aussi, été assassinés. Sous ses yeux. Comme nous. A une différence. Lui s'en est souvenu jusqu'à la fin.
Cela le hantait, chaque jour, chaque nuit, mais il continuait de sourire, de rire, de vivre.

"Je vis pour moi, mais aussi pour eux. Ils ne peuvent plus sentir le vent sur leur peau, l'odeur délicieuse de crêpes faîtes maison ou de n'importe quelle chose mangeable, ils ne peuvent plus voir le coucher de soleil, ni même son levé. Peut être qu'ils ne ressentiront plus la douleur, le manque, la tristesse, la solitude, la peur, mais ils ne ressentiront plus la joie, le bonheur, les agréables surprises, l'amour, et toutes ces autres merveilleuses émotions qui nous rendent vivant. Alors même si ce que je ferai est déconseillé ou interdit, je vivrai un maximum de choses pour eux en restant heureux." avait-t-il dit un jour où il se sentait d'humeur à confier ce qu'il avait sur le cœur.

Même s'il n'a jamais pu réaliser ce qu'il projetait de faire, il est quand même resté souriant et joyeux tant qu'il le pouvait.

Alors que nous, la mort de nos parents, n'est qu'un cauchemar dont nous n'arrivons pas a nous souvenir. Dont nous ne voulons pas nous souvenir.

Je crois...

J'entendis la respiration de Naora devenir plus lente et paisible. Ça y est, elle dormait.

L'accident de Gabriel l'avait marqué.

Notre enfance a toujours été entouré par notre passé et la mort.

J'aurais voulu que nos vies... soient plus simple.

Mais on ne change pas ce qui s'est déjà produit. On vit avec, et les regrets et la tristesse nous hantent. Tout simplement. Mais seulement si passer a autre chose est irréalisable.
Ce qui n'est pas toujours le cas, heureusement. Pas toujours, d'accord, mais quelque fois ça l'est. Irréalisable.

Je fermai lentement les yeux, sentant le sommeil m'envelopper d'une agréable façon. Mes muscles se détendirent ainsi que mon esprit. Mon corps s'enfonça de plus en plus dans le doux et moelleux matelas de la chambre d'hôtel.

Βαθια Νηρα : Les Eaux Profondes [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant