Partie 65

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Écoutez All of me ( en media ! )

-"Chloé ? On va être retard !"

-"J'arrive"

Crié-je pour rassurer ma mère.
Non, je ne suis pas triste. Je suis plutôt heureuse. C'est avec le sourire aux lèvres et le regard serein que j'envisage l'avenir. Tourner la page et recommencer. Parce qu'aujourd'hui j'en suis capable et que plus rien ni personne ne peut m'en empêcher. J'ai longtemps attendu ce moment. Clôturer un long chapitre de ma vie. Et c'est à des kilomètres d'ici que j'ai décidé d'en démarrer un nouveau. Le Canada. Jamais je n'aurai été capable de franchir le pas. Tout quitter. Ma famille, ma meilleure amie... Mais peut importe, puisque je m'en vais avec les poches bourrées de souvenirs et pleines d'espoir. Je tire un trait sur mes souffrances, mes peines et mes douleurs qui ont marqué mon passé. J'aspire à une vie meilleure. J'ai fait le sacrifice de tout recommencer, alors j'estime que je mérite d'être heureuse là, où je serai.

Un dernier coup d'œil à travers la porte de ma chambre. Dix-neuf années défilent sous mes yeux. C'est bizarre ce que je ressens. Cette impression de s'en aller pour toujours. Je me retiens. Je me retiens parce que je la vois. Elle est là et elle me brûle le coin de l'œil. Cette larme, que je retiens depuis des jours. On ne peut pas tout contrôler. Même si on s'efforce et qu'on y met toute la volonté du monde. C'est comme ça. Les émotions sont brutes et réelles. Et il arrive un moment où il est nécessaire de les laisser s'exprimer. Alors je laisse une première larme s'échapper. Elle glisse et roule sur ma joue comme une petite perle précieuse. Sans ciller, je soutiens mon regard sur cette larme avec tendresse. Elle roule, jusqu'à s'écrouler sur le parquet. Tête baissée, ma main sur la poignée se tord. Le rideau se ferme tandis que j'aspire un grand coup avant de descendre une dernière fois les marches.

Dans le hall d'entrée, mes valises ont laissé un sacré vide. Ma poitrine se serre au moment où des muscles se crispent à l'intérieur de mon ventre. En fait, j'ai du mal à exprimé ce que je ressens exactement. Je suis ravie de partir mais ça fait quand même quelque chose. Je sens des petits picotements dans le coeur et un peu pourtant sur la peau.

-"Ton père nous attend dans la voiture"

Difficilement, je déglutis avant de répliquer d'une voix fragile :

-"D'accord"

Elle comprend à ce moment que j'ai besoin d'être seule. Le temps d'un instant. Rien qu'une petite minute pour photographier avec mes yeux, les souvenirs de la maison familiale dans laquelle j'ai grandi. Ma vue se brouille lorsqu'ils s'immobilisent sur les cadres photos qui entourent le salon. J'essaye de me souvenir de la date, du lieu...
Il y a en une où je suis câlinée par mes parents, j'avais cinq ans et un sourire capable d'illuminer toute la ville. Que dire de mon regard tendre et habité par une innocence profonde...
C'est incroyable quand je pense que  l'innocence était ma seule défense. J'aimerai tellement pouvoir la retrouver, en profiter...
Vivre à l'époque où rêver n'était pas interdit, créer des rêves dans un monde où tout était possible. Un monde où la vie était facile. Un monde où le coeur était capable d'aimer sans aucune distinction. L'époque où je me battais avec moi-même pour savoir si je devais colorier mon dessin en rose ou en bleu. J'en ris. J'en ris tellement fort que ça résonne dans ma tête. Mais la vie est ainsi. J'ai grandi et j'ai appris à faire mes propres choix. Aujourd'hui, je le prouve, en fermant la porte derrière moi. Mon passeport à la main, je rejoins la voiture, là où mes parents m'attendent.

Se dire que c'est la dernière fois avant longtemps que j'empreinte ce chemin, que je marche sur ce trottoir. Ce trottoir sur lequel j'ai vécu mes premières chutes, mes batailles de neige... C'est sur ce trottoir que j'ai dessiné ma première marelle, et que j'ai gravé à la craie, le nom de mon premier amoureux. Au fur et à mesure que j'avance, ces souvenirs, que je possède au boulevard des Lilas, s'attachent à moi. Je les emporte avec moi car ils incarnent la personne que je suis.

LE PREMIER QUI TOMBE AMOUREUX A PERDUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant