Partie 17

2.2K 217 33
                                    

Christine, comment allez-vous aujourd'hui ?"
Dit-il en posant les mains délicatement sur ses épaules.
Les battements de mon cœur se calment subitement, lorsque le prénom de cette dame est sorti de sa bouche. Mon visage enfin décompressé, je peux me permettre d'adresser un sourire à la malade. Avec une petite voix, elle répond.
-"Ça peut aller, merci"
Elle pose ensuite les yeux sur moi et s'avance un plus près.
"T'es venue avec ta petite amie ?"
Il sourit, et hoche la tête pour approuver. Sa réponse est sûrement une manière, d'éviter une explication longue et trop compliqué à devoir donner à Christine. C'est pourquoi, je valide également en lui jetant un regard tendre.
-"Bon on se voit samedi, passez une bonne après-midi"
Annonce-t-il.
Elle acquiesce de la tête et poursuit sa route, tandis que Niall et moi s'asseyons sur un banc. Impatiente de connaître les raisons de notre venue, je n'hésite pas à lancer la discussion.
-"Comment tu connais cette dame ?"
Le visage éboulis par le soleil, il plisse les yeux pour me regarder.
-"Je viens tous les samedis voir des personnes hospitalisées. En fait, je suis bénévole dans une association de la ville. On organise des animations, des ateliers créatifs..."
-"Niall... C'est... Je savais pas. C'est vraiment bien ce que tu fais"
Il sourit.
-"Je donne quelques heures par semaine avec une autre bénévole"
Ça y est ! Je comprends très vite que la jeune femme aperçue la dernière fois près de lui, est une adhérente de l'association également, et qu'ils accordent du temps à une noble cause.
Je suis extrêmement touchée par l'homme qu'il incarne. Toutes ses choses viennent confirmer les dires de Max, son patron. J'étais trop occupée à jouer à ce jeu débile, au point de négliger la vie de celui qui est assit à mes côtés.
La tête en l'air, les yeux rivés vers le bâtiment, il lève son bras comme pour m'indiquer un endroit précis.
"Tu vois la chambre là-bas ? C'est la 751"
Dit-t-il en pointant l'index vers l'établissement.
À mon tour, je penche la tête et plisse les yeux pour mieux voir.
-"Oui oui je vois ! Il y a même des cœur rouges sur les carreaux c'est ça ?"
Il hoche la tête pour dire oui, et prend une profonde respiration. S'en suit alors un silence de tombe...
Tandis qu'il baisse le bras, ses yeux se braquent à présent sur le sol, et d'une voix calme et douce, il avoue.
-"C'est dans cette pièce que ma mère a rejoint les cieux"
Abasourdie par cette déclaration, j'ai l'impression qu'on vient de me poignarder dans le haut du dos. Je ne m'attendais absolument pas, à ce qu'il m'annonce de cette manière, que sa mère soit décédée...

Une forte émotion se dégage de mon visage. Des frissons traversent mon corps. J'ai tellement peur de ne pas trouver les mots justes.
"Elle s'est donnée la mort il y a trois ans"
Ajoute-t-il avec une voix toute tremblante.
Toutes ces informations sont trop dures à encaisser pour mon petit cœur... Des larmes se succèdent sur ma joue, tandis que je tourne la tête pour ne pas attirer l'attention.
Une main caresse subitement ma nuque.
"Hey Chloé, pourquoi tu pleures ? Regarde-moi"
Alors qu'il se penche dans l'espoir de croiser mon regard, ses yeux s'immobilisent sur les miens, complément brouillés par les larmes.
-"Je suis désolée..."
-"Pourquoi ? T'as pas le droit de t'excuser. C'est la vie, c'est tout"
Comment fait-il pour ne pas dévoiler ses émotions ?
J'admire tellement sa force et son courage.
Tout en séchant mes larmes, je tente de relever les yeux lentement.
-"Je suis désolée. C'est juste que je m'y attendais pas du tout..."
Ses bras encerclent mes épaules, et ma tête se pose délicatement dans le creux de son cou.

Après ce tendre câlin, nous décidons de nous promener entre les arbres qui recouvrent l'immense parc. C'est à cet instant, qu'il m'explique en détail, les circonstances du suicide de sa mère. Ils vivaient dans la précarité elle et lui, alors que son père, chef d'entreprise, mène une vie tranquille depuis des années avec sa nouvelle compagne.
-"Il y a sept ans, mon père a appris qu'il avait eu un fils avec sa maîtresse. Et c'est à ce moment qu'il a commencé à revoir cette femme..."
M'avoue-t-il le regard dans le vide.
-"Et il a quitté le domicile familial c'est ça ?"
Il hoche la tête en signe d'approbation, avant d'ajouter.
-"On s'est retrouvé dans une situation financière assez critique, alors que mon père, et sa petite famille, profitaient de la vie tranquillement...
Et là ma mère s'est mise à boire... Beaucoup même... et elle a enchaîné les tentatives de suicides. J'ai essayé... J'ai essayé de l'aider, je te jure ! J'ai arrêté l'école pour pouvoir travailler, et par la même occasion, pour veiller sur elle. Un jour, j'ai cru qu'elle en avait fini avec toute cette merde ! Mais j'ai eu tord d'y croire... Elle a fini par m'abandonner..."
Une larme ne peut s'empêcher de sortir de l'œil de Niall...
-"Niall, quoique tu dises, ta mère sera toujours là pour toi"
Sa fierté reprend le dessus, et il s'empresse de sécher cette larme de détresse.
-"Oui je sais... Bon assez parler de moi. Je dois reprendre le boulot"
Je viens de me prendre une claque monumentale ! Une grosse et douloureuse claque en plein dans la figure. La première fois que j'ai l'ai vu, je ne m'attendais absolument pas à tomber sur une personne aussi forte et courageuse. Derrière ce sourire fier, et son attitude de petit clown, se cache un homme qui a traversé seul, des épreuves qui me paressent insurmontables.

De retour dans le boulevard des Lilas, la voiture se gare juste devant chez moi.
-"Merci"
Lui dis-je les yeux rivés sur mes chaussures pour éviter de croiser son regard. J'ai tellement honte de moi. Il a été sincère, et moi, j'ai l'impression de manigancé constamment derrière son dos.
Sa main se pose en dessus de mon menton, comme pour essayer de me faire lever la tête. Ses lèvres se baladent alors sur les miennes. Tandis qu'il m'embrasse avec sincérité, je ne peux m'empêcher de garder les yeux ouverts. Non pas parce que je n'apprécie pas le goût de ses doux baisers, mais simplement, parce que j'estime ne pas mérité ce qui m'arrive avec lui.

Le soleil se couche, et après avoir avalé avec difficulté mon dîner, je regagne ma chambre. Allongée sur mon lit, je ne cesse de penser à Niall. Encore et encore...
Il est une heure du matin, et Il hante toujours mes pensées. Le téléphone entre les mains et la liste de contact en face des yeux, mon pouce s'amuse à faire des va-et-vient sur l'écran. Une petite voix me dit de l'appeler... Et puis une autre, me rappelle que je n'ai pas le droit de m'accrocher à lui, parce que si c'est le cas, je vais finir par tomber amoureuse...
-"Chloé ?"
Mon pouce venait d'exercer une légère et hésitante pression sur son numéro. En fait, pour être honnête, c'est mon cœur qui n'a pas pu résisté.
La tête sous la couette, une petite voix souffle sur le micro du portable.
-"Niall tu dors ?"
C'est quoi cette question débile sérieux ?
Il se met à rire.
-"Oui oui je dors. J'étais en plein rêve là, mais c'est la pub, donc j'ai le temps de te parler"
À mon tour, un rire timide sort de ma bouche.
-"T'es bête !"
Dis-je sur un ton moqueur.
-"Qu'est-ce qu'une étudiante en droit fait encore réveiller à cette heure-ci ?"
Si j'avoue que je pense a lui, qu'est-ce qu'il risque d'arriver ?
Après réflexion, je réponds.
-"J'arrive pas à dormir"
-"Moins non plus"
-"Niall, qu'est-ce qui nous arrive ?"
Une profonde respiration se fait entendre à travers le téléphone.
-"Est-ce que t'es prête à l'entendre ?"
À cet instant, une nouvelle sensation se fait ressentir. Des frissons viennent me chatouiller l'échine.
Sans hésité une seule seconde, je réplique fermement.
-"Non... Non je suis pas prête"
-"Moins non plus"
Je dégage la tête de ma couverture, dans l'espoir de respirer plus librement et amplement. Allongée sur le côté, l'iPhone scotché sur mon oreille droite, la voix de Niall semble m'apaiser.
-"Pourquoi ça se passe comme ça ?"
Demandé-je en fermant délicatement les yeux, comme pour l'imaginer tout près de moi.
-"Parce que le chemin est encore long"
-"Mais on a déjà fait un petit bout ensemble"
Dis-je pour le rassurer. En fait, c'est aussi une manière de rassurer également mon âme.
-"Oui et on est encore en train d'écrire l'histoire..."
Ces paroles me réchauffent le cœur. J'aimerai tellement le serrer dans mes bras.
N'ayant pas réagi à sa dernière remarque, il s'empresse de m'avouer avec tendresse.
"Je tiens fortement à toi, Chloé"
-"Moi aussi"
C'est sur ces jolies paroles, que nos voix s'éteignent avec délicatesse. L'âme complètement habitée par Niall, je serre très fort la couverture contre moi, et tente de rejoindre le pays des rêves, avant de retrouver les bancs de la fac.


LE PREMIER QUI TOMBE AMOUREUX A PERDUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant