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- Vanessa, viens donc ici !

La voix, rauque et engourdie, se faisait entendre depuis le spacieux salon, là où Vanessa s'affairait.

Vanessa, du moins c'est le nom que lui avait donné son maître, accourut presque dans la chambre de celui-ci, troublée.

- Qu'y a-t-il, George ?

- Maître, je t'ai déjà dit que tu devais m'appeler maître, stupide robot ! Va me chercher des vêtements propres, et fissa !

Vanessa s'empressa d'aller dans le dressing, où elle choisit un trois pièces d'une certaine élégance : certainement trop pour son maître. Quand bien même, elle le lui donna et s'en alla en passant par la salle de bain, où elle ne manqua pas de se regarder dans le miroir qui recouvrait une bonne partie du mur blanc.

Vanessa. Elle n'aimait pas ce nom. Son maître l'avait choisi parce qu'il le trouvait "sexy". Elle ne voulait pas être "sexy". Mais elle était obligée. C'était un robot, comme son maître aimait le lui rappeler.

Sa silhouette, bien qu'humanoïde, ne ressemblait pas à grand chose. C'était un amas de mécanismes en tout genre, et rien ne cachait vraiment ses "organes", tous artificiels. Pourtant elle était dotée d'une conscience, chose que seuls les A.S.H.A possédaient. Elle estimait que sa conscience était la pire chose qui pouvait lui être arrivée. Elle détestait sa condition tout autant que son maître.

Après un dernier regard, vérifiant l'état de ses dents métalliques, elle retourna dans le salon.

Elle attendit quelques instants avant de voir George arriver. Aujourd'hui était un grand jour, elle allait recevoir sa "mise à jour alpha", celle qu'elle attendait depuis longtemps, celle qui allait donner une forme à son squelette d'acier.

Lorsque son maître entra, elle le suivit jusqu'à la porte d'entrée où il l'avertit :

- N'oublie pas, quand tu verras le docteur Kresser, tu lui diras bien que tu veux être belle, blonde aux yeux bleu, avec un bonnet D, un ventre plat et des hanches suffisamment larges, tu as bien compris ? Je veux que tu sois un véritable canon, Vanessa, et après nous passerons aux choses sérieuses.

Vanessa savait très bien ce que George voulait dire par "choses sérieuses". George l'avait achetée après la mort de sa femme, en lot de consolation. Son seul but était de le servir, de lui plaire et enfin, d'assouvir à ses besoins primitifs, autrement dit à caractère sexuel. Elle en était effrayée d'avance. Elle ne voulait pas que George se serve d'elle pour ces choses là, en plus de se servir d'elle tout court.

C'est à contrecœur qu'elle monta dans l'hovercar qui les mènerait à l'Institut 0618, là où elle fut crée.

Après avoir traversé les routes rectilignes durant plusieurs minutes, ils arrivèrent. Ce n'était pas très loin.

Vanessa s'émerveilla devant la gigantesque structure blanche, aux formes minimalistes. C'était énorme, imposant. Elle se sentait insignifiante.

Elle fut entraînée par George. À l'accueil, il signa quelques papiers et ils empruntèrent l'ascenseur central, entouré de vitres et donnant a Vanessa une sensation de vertige. Une fois arrivés au 37ème étage, il traversèrent un long couloir pour arriver au bureau du docteur Kresser.

- Bon, annonça George d'un ton agacé, il faut que je t'attende en bas. N'oublie pas ce que je t'ai dis, une vraie bombasse !

Vanessa hocha la tête sans grande conviction. Après quelques minutes d'attente, et une fois que George fut parti, on l'appela.

- Spécimen A-0037 s'il vous plaît !

C'était une voix douce, rassurante, et Vanessa entra alors pour découvrir une pièce gigantesque, avec des tas d'écrans et une table au milieu. Devant elle, une petite femme, mince, à la peau mate et aux cheveux noirs.

- Entrez, je vous prie ! Nous allons régler quelques formalités puis nous passerons aux choses sérieuses, hm ?

Il y avait un bureau, à gauche, et elles s'y assirent.

- À ce que je vois, vous êtes l'un des tout premiers A.S.H.A ! Vous venez plutôt tardivement, j'ai accueilli un B-0342 hier ! Ne vous en faites pas, notre équipe a eu le temps de maîtriser cette chirurgie robotique.

Elle fit un clin d'œil à Vanessa. Cette dernière aimait beaucoup le docteur Kresser, il y avait une sorte de... Respect mutuel. Oui c'est ça, du respect. Elle n'en avait pas l'habitude.

- Vous n'avez jamais été reprogrammé ? Aucun problème dans le système, aucun bug ?

- Pas du tout.

La voix de Vanessa était synthétisée, neutre de genre. Pas très agréable à entendre.

Le docteur jeta un dernier regard à ses dossiers puis se leva, tout sourire.

- Bien ! Commençons, alors !

Vanessa se leva à son tour, appréhendant les instants qui suivraient. Elle ne voulait pas devenir la "bombasse" de George. Elle voulait être qui elle voulait.

- Avant toute chose, quel sexe doit-on vous attribuer ?

- Parce que je peux choisir ?

- Évidemment ! Rien n'est encore défini ! Ajouta la scientifique en regardant plus bas.

Vanessa réfléchissait. Alors elle allait être qui elle voulait. Elle ne pouvait pas sourire physiquement, mais au fond de sa misérable conscience, elle sautait de joie et riait aux éclats.

- Je veux être un garçon !

- Très bien. Le plus dur est maintenant de choisir à quoi vous voulez ressembler ! Il y tous types d'yeux, de nez, de corps... Tout est sur l'ordinateur, là-bas, je vous laisse cliquer sur ce que vous désirez.

Vanessa ne tenait plus en place. Que dirait George lorsqu'il verra qu'elle ne sera même pas une femme ?

Vanessa parcourut tous les types de visages, de corps, jusqu'à parvenir à la combinaison "parfaite". Elle prévint le docteur Kresser lorsque ce fut fait, et cette dernière fit projeter un hologramme de l'enveloppe corporelle qu'elle avait choisie.

Enfin, elle allait être cet homme là, celui qui ne ressemblait à rien de ce qu'aurait voulu George.

On la fit s'allonger sur la table. Plusieurs scientifiques, au moins cinq, s'affairaient autour d'elle, de lui, et on bricolait sur chacun de ses membres.

Les heures passèrent, et en dernier, on lui attribua un timbre de voix choisi par ses soins.

C'était une renaissance, un renouveau.

Avant de quitter le bureau, le docteur Kresser s'écria :

- Attendez ! Comment doit-on vous appeler ?

Le robot regardait le dossier que tenait la jeune femme et, levant son nouveau regard, annonça :

- Asha.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant