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Asha s'était finalement endormi. C'est le bruit d'une porte claquée qui le réveilla en sursaut. Il ne savait pas combien de temps il s'était écoulé, mais il était persuadé qu'il était l'heure de dormir. Il n'osa pas bouger sur son matelas, et entendit des pas se rapprocher. Une ombre se faufila sous sa porte, laissant imaginer que quelqu'un se tenait devant.

Lorsque Asha vit la poignée de la porte s'abaisser très lentement, il commença à stresser et à se poser des questions sur l'identité de la personne et ses intentions.

Cet instant de suspens ne dura pas longtemps puisque la porte s'ouvrit, émettant un léger grincement.

Asha se recula contre le mur, jusqu'à ce que sa nuque vienne rencontrer le béton froid en reconnaissant la silhouette de l'intrus.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Demanda Asha d'une petite voix.

- C'est à toi qu'on devrait poser la question. C'est vrai ça, que fais-tu ici, A.S.H.A ?

Asha sentit quelque chose bouillonner en lui. Quelque chose qui aller exploser si l'homme en face de lui continuait dans sa lancée.

- C'est toi qui m'as ramené. Et c'est Asha.

- Je me fiche du nom d'un robot. Et je regrette déjà d'avoir eu pitié de ton corps gisant dans son propre sang.

Asha était déjà fatigué de cette conversation, fatigué du comportement du jeune homme.

- Si tu m'as ramené, c'est bien que tu pensais que j'étais humain ? Ça ne se voit pas, que je suis un robot, alors fais comme si je n'en étais pas un, et laisse moi tranquille.

- Si tu crois que je vais me soucier de ce que tu exiges... De toute façon qu'est ce que ça peut te faire ? Tu te fiches bien des relations humaines, t'es incapable de ressentir quoique ce soit.

Ce fut les paroles de trop pour Asha. Oh si, qu'il ressentait quelque chose. C'est la colère qui l'envahit peu à peu, et c'est cette même colère qui lui permit de tenir tête à Aimé.

- Tu veux que je t'apprennes un truc ? J'suis un robot, ouais, mais j'ai une conscience. Ça veut dire que je sais que j'existe. Et là je ressens un truc. Je ressens la colère. Contre toi et ton ...arrogance. T'as le droit de ne pas m'apprécier autant que je ne t'apprécies pas, mais garde-le pour toi, s'il te plaît.

Aimé resta planté là. Il faisait sombre et Asha ne pût distinguer précisément l'expression sur son visage. Il avait juste un drôle de rictus. Après quelque secondes, il leva la tête et regarda Asha de haut.

- Très bien, monsieur le robot conscient. Désormais je te déteste. Je tiens à ce que tu le saches. Et je te le ferai comprendre ô trop souvent.

Il fit demi-tour dans un mouvement fluide et quitta la pièce d'un pas vif.

Asha se dit que tout ça était du grand n'importe quoi, et il prit le temps de se calmer. Très bien. Ce garçon le détestait. Il ne l'aimait pas vraiment non plus, c'était une haine réciproque. Le point positif des choses, c'est que cela prouvait que Asha n'était pas un inconnu aux relations humaines. La façon dont il n'aimait pas Aimé était différente de celle dont il avait redouté George.

Il n'était pas neutre. Il était bien vivant, il avait bien été en colère, il détestait Aimé et ça le rendait heureux.

Lorsqu'il tenta de se rendormir, il entendit d'autres portes s'ouvrir et des pas se diriger non pas vers sa chambre, mais vers la salle commune, apparemment. Il se dit qu'il n'était plus l'heure de dormir, et se leva, curieux de savoir ce qu'allaient faire les autres.

Il traversa le couloir froid et se dirigea sans hésiter vers la grande pièce, maintenant plus familière.

La porte était restée ouverte et lorsque les autres le virent arriver, ils se turent instantanément. Asha put reconnaître Jody et Judy, Juvénile, Abel et Thomas.

- Bonjour ? Tenta Asha avec un léger sourire.

Tous, sans exception, répondirent à ce sourire et Asha en fut rassuré.

- Bonjour, Asha ! S'écria en premier Juvénile, suivie des autres.

- Tu te lèves tôt, quand même.

Après en avoir été invité, Asha s'installa sur une des chaises disposées en cercle.

- Disons que j'ai été réveillé de force, déclara-t-il en soupirant.

- Ouais, on a entendu en fait, répondit Juvénile avec les approbations des autres.

- Et c'est... Normal ? Qu'il fasse ça, je veux dire.

Tous se regardèrent avec de l'hésitation dans le regard.

- En fait, c'est surprenant qu'Aimé se soit levé aussi tôt juste pour te cracher sa haine. Il me déteste tout autant, continua Abel, mais il n'est jamais venu me faire ce cinéma. Je ne sais pas si tu peux te considérer privilégié, termina-t-il en riant.

- Le truc, ajouta Juvénile, c'est qu'il t'as dit plus de choses à toi en un instant que tout ce qu'il a pu nous dire depuis qu'il est arrivé.

- On ne ssssait pas vraiment sssi sss'est une bonne chose, remarqua Judy.

- Moi je pense que c'est intéressant de sa part répondit Abel. Ça demande à être étudié. Tout comme le fait que tu aies faim, Asha.

Ce dernier regarda le scientifique avec des yeux étonnés.

- Fais pas le surpris, ça se voit à la manière dont tu bouges sur ta chaise depuis tout à l'heure.

- Mais... Je ne suis pas censé avoir faim ! Si tous les robots ont faim, ça sert à rien, il faudrait les nourrir et ça coûterait...

- C'est bien pour ça que c'est étrange, et que ça demande à être étudié.

Juvéile se leva de sa chaise presque aussitôt.

- Ah non Abel ! Tu vas pas nous remettre ça ! Asha a le droit d'avoir faim, tout comme nous tous ! Je vais chercher le petit déjeuner !

Elle sortit rapidement par une porte qu'Asha n'avait jamais remarqué jusqu'alors.

- C'est la réserve, explique Thomas. J'ai oublié de te la montrer hier. Là Juvénile est partie chercher à manger. Bon, ce n'est pas vraiment comme ce que tu as pu voir dans les Arbres. C'est pas un vrai repas, c'est un truc déshydraté...

- Qui se transforme en pain ultra dégueulasse une fois réhydraté. C'est rare de tomber sur de la vraie nourriture au Marché. Et faut-il encore qu'elle soit saine, non périmée et pas hors de prix...

Judy eut alors un air décomposé.

- Je donnerai n'importe quoi pour un sssimple morssseau de viande...

- Il y a suffisamment de protéines dans le pain dégueu pour ta survie, Judy, rétorqua Thomas.

- Mais sssssa n'a pas le même goût ! Se plaignit-elle.

Alors qu'elle ouvrait la bouche pour se plaindre, Asha put observer ses longues, très longues canines dangereusement pointues.

Asha se dit alors qu'il n'était décidément pas au bout de ses surprises, et qu'il était tombé sur une drôle de troupe.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant