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Asha ouvrit les yeux. Il ne reconnut pas l'endroit où il était, mais bizarrement, il s'y sentait à sa place. Il fut surpris lorsqu'il sentit une agréable odeur, provenant d'une autre pièce.

Il se leva du canapé sur lequel il venait de se réveiller, et sa curiosité le poussa vers la pièce voisine.

Il y avait très longtemps que ses narines n'avaient pas été stimulées ainsi. En fait, ça n'était jamais arrivé. Quelqu'un cuisinait, avec de vrais ingrédients : pas ces substituts chimiques infects. Mais ça lui parut normal.

— Déjà réveillé ? Parvint une voix familière.

Lorsqu'Asha passa l'entrée de la cuisine, il vit Aimé, de dos. Il portait pour seuls vêtements un tablier mal attaché et un boxer.

— Mmh, se contenta de grommeler Asha.

— Pas du matin, hein. Pourtant, je te prépare un super petit-déjeuner !

— Merci, finit par dire l'androïde.

Il avait mal à la tête.

— Je préfère ça, annonça Aimé en se retournant.

Il délaissa sa poêle quelques instants pour s'avancer vers le roux. Il caressa sa joue de l'une de ses mains et l'embrassa tendrement. Une étrange chaleur traversa leur corps.

— Je pense que les pancakes sont prêts, admit Aimé.

Asha jeta un rapide coup d'œil à son environnement. Ça ressemblait à l'intérieur d'une maison, ou d'un appartement. La plupart des murs étaient en bois, et les deux pièces qu'il voyait dégageait une atmosphère chaleureuse. Jamais un endroit ne lui avait procuré une telle sensation de bien-être. Il avait l'impression d'être chez lui.

— Si c'est aussi délicieux que ça en a l'air... sourit Asha en tirant une chaise vers lui.

— Non, viens dans le salon s'il te plaît. On sera mieux devant la cheminée, lui indiqua Aimé.

Asha lui obéit. Il le suivit vers le canapé. Durant le court chemin à parcourir, il observa le dos musclé d'Aimé. Cette vision le troubla quelque peu, mais il fut encore plus perturbé lorsque son regard dévia plus bas.

— T'aimes ce que tu vois ? Demanda Aimé en se retournant, un sourire narquois sur son visage.

Il devait sûrement rougir fortement, malgré tout, son assurance ne flancha pas.

— ... Peut-être.

Aimé leva les yeux au ciel et s'installa sur le canapé en posant l'assiette de pancakes sur la table basse.

Asha allait se servir — l'odeur était vraiment trop tentante — mais il fut stoppé par la poigne ferme d'Aimé sur son bras.

Il allait s'en dégager, mais il était trop tard puisque, sans pitié, celui qui l'empêchait de prendre petit déjeuner s'assit à califourchon sur lui, un air de fierté sur son visage.

— Peut-être ?

— Je t'en dirai peut-être plus si tu me laisses goûter un de tes pancakes... négocia Asha.

Alors qu'il s'apprêtait à savourer sa victoire, il dût à la place accepter sa défaite lorsque les bras d'Aimé se posèrent sur ses épaules et qu'il se rapprocha de lui. Il l'embrassa une nouvelle fois, plus rapidement.

— Il faut les laisser refroidir, prétendit-il.

Pour se consoler, Asha vint caresser les cheveux bruns d'Aimé, et se pencha pour poser doucement ses lèvres contre les siennes. Il sentit une main se poser sur son torse. Le baiser devint plus langoureux, et c'est comme si le temps s'arrêtait. Lorsqu'Aimé se dégagea, ils échangèrent un regard amoureux.

— C'est bizarre, commença Asha, j'ai l'impression d'être dans un rêve... C'est vraiment bêt-

— C'est le cas, soupira celui qu'il aimait.

— Que...

— Rassure-toi, Asha. Je rêve aussi. J'ai du mal à comprendre, mais nous sommes enfin réunis.

— Je ne veux pas partir. Je suis si bien, là, avec toi.

Aimé sourit tristement.

— Il faut bien se réveiller un jour, admit-il à regret.

Asha passa ses bras autour d'Aimé, le serrant contre lui. Comme s'il n'allait jamais le revoir.

— Nos rêves sont vraiment cruels, murmura-t-il en enfonçant ses doigts dans le dos d'Aimé.

Ce dernier sourit de plus belle en essayant de cacher ses larmes. Il vint poser doucement son front contre celui de l'androïde. Ils restèrent ainsi pendant quelques instants.

Asha releva son visage et planta son regard dans les yeux gris de la version onirique d'Aimé.

— Je t'aime, Aimé. Je le sais depuis longtemps, mais j'ai longtemps été trop bête pour l'avouer.

Aimé rit doucement. Une certaine joie pouvait lire sur son visage. Ces expressions, chez lui, se faisaient rares. A cet instant, son sourire parut plus précieux que tout.

— Je suis sérieux, répéta Asha, je...

— Je sais, moi aussi, coupa Aimé.

Puis il détourna le regard, sa joie déjà envolée.

— Je ne me souviendrai probablement pas de ce rêve, dit-il amèrement. Caïn les efface toujours de ma mémoire. D'ailleurs, je vais bientôt me réveiller. La douleur me réveille toujours au bout de quelques heures, termina-t-il tristement.

— Ne pars pas, supplia Asha. Je t'aime.

— Viens donc me le dire en face, répondit Aimé en lui offrant un dernier sourire.

Et il s'évapora. Asha ne s'entendit plus penser à cause de ses violents sanglots et il ressentit une vive douleur au niveau de son cœur.

Il ouvrit une nouvelle fois les yeux. Il prit une grande inspiration, comme s'il venait d'être immergé sous l'eau pendant plusieurs minutes. Sa poitrine se soulevait trop rapidement.

Il se releva subitement, en ignorant les vertiges et son mal de tête. Puis il sortit de son lit, animé d'une rage qu'il ne connaissait pas très bien. Il se dirigea vers la salle de bain pour s'habiller : il en profita pour rincer son visage avec de l'eau glacé.

Une fois vêtu correctement, la porte entrouverte du grand placard attira son attention.

Sur un cintre : un perfecto. Pas n'importe lequel : son perfecto. Celui qu'il avait porté le premier jour de sa nouvelle vie. Il avait fini par l'oublier, bien qu'il se rappelât l'avoir emmené avec lui lors de son voyage pour les Arbres. C'était probablement Abel qui l'avait rangé là. Il s'en saisit et le revêtit.

Il fut dérangé par une petite déformation dans l'une des poches. Il l'ouvrit, plongea sa main à l'intérieur, et se figea lorsque ses doigts se refermèrent sur un petit objet.

Le renard qu'Aimé lui avait sculpté, dans l'abri.

Plus assuré que jamais, un sourire confiant sur les lèvres, il quitta la suite de l'hôtel et entra sa destination sur son bracelet : tour centrale de New District. Caïn allait avoir de la visite. 

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant