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Il ne se sentait pas très bien. Ce sentiment, il le connaissait bien, désormais : l'angoisse. Elle lui apportait toujours une légère douleur au ventre, et ses comportements changeaient. Par exemple, là, devant la chambre d'hôtel, il ne pouvait pas s'empêcher de faire craquer une à une les articulations de ses mains. Enfin, le bruit se rapprochait plutôt d'un cliquetis métallique inquiétant que d'un craquement normal.

De ce fait, son état ne s'arrangeait pas. Se rappeler qu'il y avait bien un squelette d'acier sous son apparence si humaine, ça n'était jamais bon pour son moral.

Il se dit alors qu'il n'avait de l'humain que l'apparence, et que toute cette histoire de conscience, c'étaient des belles paroles pour lui redonner confiance en lui.

Il détestait pensait ce genre de choses, car, au fond de lui, il était tout à fait conscient que s'il n'avait pas la conscience d'un humain, il ne pourrait certainement pas se poser ce genre de questions. Il ne pourrait certainement pas non plus ressentir un sentiment tel que l'angoisse et en voir les effets physiquement.

A moins que ? Les autres A.S.H.A ressentent peut-être aussi ces choses-là, non ? Qu'en savait-il ? C'était peut être programmé, après tout...

Est-ce que les autres A.S.H.A, comme lui, doutaient constamment de leur humanité ? Il faudrait leur demander.

Il commençait à en avoir mal à la tête. Peut être qu'il devrait arrêter de se poser toutes ces questions et de se dire que ce qu'il faisait de lui un humain, après tout, c'était sa volonté de l'être.

La seule limite qu'il imposait à son humanité, c'étaient ses doutes.

Alors qu'il pensait que sa tête allait exploser à force de réfléchir, la porte devant laquelle il se trouvait s'ouvrit.

— Asha.

Entendre une voix prononcer son nom lui procura un soudain sentiment d'allégresse.

— Abel, répondit-il, soulagé.

Une seconde plus tard, il put sentir deux bras entourer son corps. La tête de son frère, posée sur son épaule, tremblait sous ses sanglots.

Pour se montrer ainsi, si vulnérable, il était clair qu'il n'allait pas bien.

— J'ai fini par penser que tu nous avais abandonnés, parvint à dire Abel.

— Désolé...

Asha n'était pas très à l'aise avec ce genre de contact physique, mais, maladroitement, il plaça ses mains dans le dos d'Abel, tentant de le rassurer.

Ils finirent par se séparer, doucement.

— On a déjà perdu Aimé, l'idée de te perdre toi aussi, ça me détruisait.

Asha faillit répondre « à propos d'Aimé... » mais Abel enchaîna, alors il se ravisa.

— On n'avait plus aucune nouvelle, tu étais injoignable, j'ai pensé...

— Comment ça ?

— Bah oui, impossible de t'appeler ! se répéta Abel. Alors évidemment, j'ai pensé qu'ils avaient fini par te retrouver !

— Ça ce n'est pas normal...

Sur son bracelet, aucun appel manqué ne s'affichait. Abel essaya en direct, et une annonce vocale se fit entendre « impossible de joindre votre correspondant ».

— Judy a la même annonce aussi.

— Je suis navré, je ne sais pas pourquoi...

— Ce n'est pas grave, tu es là, maintenant. C'est l'essentiel.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant