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Ils avaient quitté la maison sans trésors à rapporter. Mais ils avaient un endroit où aller. En effet, Abel avait suggéré qu'ils rejoignent l'Institut 0618, là où Asha avait pu faire sa mise à jour alpha.

Il y avait de grandes chances que Jasmine Kresser, la soeur du scientifique et l'auteur de cette mise à jour y travaille encore, et la voir permettrait de répondre à bien des questions. Mais les questions de comment y entrer et comment la rencontrer étaient restées sans réponses.

Abel avait décrété que l'idée lui viendrait sur la route, mais plus ils se rapprochaient de la ville, moins il trouvait et plus les quatre aventuriers s'inquiétaient.

- Bon, je vous le rappelle, mais lorsqu'il faudra passer le point de contrôle, ayez l'air le plus blasé possible. C'est essentiel. Pas de sourire ou de joie de vivre, il faut plutôt une neutralité à toute épreuve ! De plus, si je me suis bien renseigné, ils ne fouillent les sacs qu'une fois sur trente et ils ne regardent jamais le fond. Ici, la sécurité est tellement élevée que le taux de criminalité est nul. D'ailleurs, il ne dépasse jamais les dizaines dans les Arbres, et les criminels sont bannis d'office... alors normalement, aucun risque ! Termina-t-il avec un sourire optimiste.

Et c'est ainsi qu'ils reprirent leur route, quittant peu à peu la cité par laquelle ils étaient arrivés.

Devant eux, des buildings à la taille impressionnante se rapprochaient peu à peu, les surplombant de leur hauteur phénoménale. Tous blancs, ou bien aux façades composées d'innombrables vitres. Asha se sentait écrasé par ces structures. Autrefois, il aurait été émerveillé devant elles et le progrès qu'elles représentaient. Mais comment ne pas se sentir oppressé, désormais, en avançant vers ce qui allait probablement révéler un sombre passé ?

Ils arrivèrent bientôt au niveau de ce qui ressemblait à un portail. Des grandes barrières de verre épaisses se dressaient tout autour de la ville, et entre elles se trouvaient deux portiques, gardés par des policiers, probablement des A.S.H.A. L'angoisse que ressentait déjà Asha ne fit qu'empirer en imaginant qu'il soit reconnu. Le passage de ces portiques était décisif pour eux. S'ils passaient sans problème, il en serait de même pour tous les autres contrôles. Au moindre souci, à la moindre suspicion, c'était fichu pour eux.

Abel ne cachait pas vraiment non plus son angoisse. Après tout, c'est lui qui avaient conçu les implants, et la réussite ou non du contrôle dépendait de ses talents de scientifique. Et il ne pensa pas aux conséquences d'un échec, mais plutôt au coup que prendrait sa fierté dans ce cas là.

Bientôt, ils se retrouvèrent devant le point de contrôle, et aucun retour en arrière n'était possible.

- Arrêtez-vous, citoyens, annonça d'un ton placide l'officier de droite.

- En file, ordonna l'autre.

Tous se rangèrent en ligne, Abel devant, suivi de Judy, d'Asha et d'Aimé.

L'officier de droite se munit d'un appareil étrange, possédant une gâchette, servant très certainement à soutirer les informations de l'implant.

Abel fut forcé de s'avancer et fut stoppé juste avant de franchir la limite entre la route et l'entrée de la ville. L'officier fit passer son appareil au niveau de son cou, et déclara passivement :

- Raphaël Lavigne, veuillez circuler.

Au fond de lui, Abel hurla de joie. Ça fonctionnait, il avait réussi ! Aucune fierté ne pouvait égaler la sienne à ce moment même, et il se sentait délivré, le poids de la responsabilité qu'il portait depuis le début s'était soudainement envolé.

- Tanja Bjornson, veuillez circuler.

Judy passa sans broncher, son expression faciale ne trahissant aucun soulagement.

- Joachim Wallen, veuillez circuler.

Asha ne put s'empêcher d'avoir un grand sourire. Sa prétendue identité humaine n'avait pas été remise en question. Son corps de robot n'avait pas été reconnu. Il se sentit réellement bien, et traversa le portail avec une assurance nouvelle.

- Clayton Hall, arrêtez-vous un instant. Fouille aléatoire.

Aimé fut pétrifié. Les trois autres se retournèrent, leur sentiment d'allégresse s'en allant aussitôt qu'il était apparu. L'inquiétude se lit instantanément sur le visage d'Abel, et Aimé pinça les lèvres, déposant son sac dans les bras de l'officier.

Ce dernier l'ouvrit, et examina rapidement ce qui était visible en surface.

- Que contient cet étui, monsieur ?

- C'est un violon.

- Vous connaissez la loi sur les instruments de musiques...

- Tout à fait, mentit Aimé.

- Alors qu'allez-vous faire avec ce violon en ville ?

- Je comptais le vendre. Vous savez, il est dans ma famille depuis si longtemps, et personne n'avait voulu s'en débarrasser. Je remplis mon devoir de citoyen.

- Vous êtes un bon exemple de citoyen, affirma l'officier sans pour autant afficher une once d'admiration dans sa voix.

- Clayton Hall, veuillez circuler, décréta le même officier après avoir refermé le sac.

Aimé passa en essayant de cacher ses tremblements. Heureusement qu'il n'avait pas vu les armes en dessous de l'étui, sinon lui et tous les autres pouvaient dire adieu à leur aventure.

Les quatres aventuriers n'attendirent pas plus et s'éloignèrent le plus rapidement possible des deux officiers. Désormais, la route sillonnait entre les hauts immeubles et il serait difficile de ne pas se perdre dans indications.

- Aimé, t'as été incroyable, je te remercierai jamais assez d'avoir pris ton violon, déclara Abel lorsqu'ils furent assez éloignés de l'entrée.

Aimé ne répondit rien, encore stressé de l'intervention et de son improvisation.

- Bon, Abel, lança Judy, t'as prévu un endroit où dormir ? On paye comment ici, en crédits non ? T'en a ?

- Judy, pour te répondre, je dirais non, et non ! Mais tel le.genie que je suis, je trouverai une solution ! En attendant, il faut trouver l'Institut.

Abel lança des regards aux alentours, cherchant désespérément un quelconque signe indicatif de la direction à prendre.

Il n'y avait aucun panneau, aucune enseigne visible de loin, rien. Ils étaient déjà perdus.

Et puis Asha vit passer une jeune femme accompagnée d'un silhouette masculine au corps métallique. Un A.S.H.A qui n'avait pas encore été mis à jour, et qui se rendait très certainement à l'Institut. Asha donna un coup de coude dans les côtes d'Abel, qui grogna mais dirigea rapidement son regard vers les deux passants et comprit. Il ordonna silencieusement aux autres de le suivre.

C'est ainsi qu'ils prirent en filature ces deux parfaits inconnus, n'étant même pas sûrs de l'endroit où ils comptaient se rendre.

Mais ils eurent rapidement la réponse, car ils se tenaient au pied d'un immense cube blanc sur lequel brillaient en lettres de néon bleus "0618" et dont les portes d'entrée s'ouvraient et se refermaient sans cesse, accueillant un nombre hallucinant d'A.S.H.A métalliques et en crachant d'autres fraîchement mis à jour. Une véritable usine.

Et tous les quatre se tirent devant quelques instants, effrayés par l'immensité du bâtiment et hésitants.

Mais c'est Asha qui fit le premier pas sur les grandes marches blanches, le premier pas vers l'Institut, et un premier pas parmi des milliers d'autres vers la vérité.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant