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Abel n'avait pas dit un mot quant à l'attitude de Billy. Il restait là, les lèvres pincées, marchant à travers les allées sans avoir l'air de trouver ce qu'il voulait.

- Qu'est-ce que tu cherches, Abel ? Demanda Asha.

- Il faut de quoi passer inaperçu dans les Arbres. Donc de nouveaux habits moins dégueux que ceux que nous avons, et pour toi, de quoi changer un peu ton apparence, parce que sinon je donne pas cher de ta peau. Il faudra aussi faire quelque chose pour Judy, peut être au moins des lentilles de couleur...

- Et tu sais où trouver ça ?

- Absolument pas ! Déclara gaiement le scientifique.

Et il continua de tracer son chemin, s'arrêtant parfois devant des échoppes qui, finalement, ne l'intéressaient pas.

Asha le suivait docilement, mais plus lentement, car il préférait s'émerveiller devant tout ce qu'il voyait. Il y avait des bars  aux néons multicolores dont les odeurs d'alcool et la chaleur s'échappaient, des boutiques vendant d'étranges objets faits de matériaux recyclés, des espèces d'appartements dont entraient et sortaient des tas de personnes différentes. Et puis enfin, son exploration s'arrêta quand il se cogna contre le dos d'Abel, qui avait stoppé son interminable parcours devant une petite échoppe en retrait, abritée par des bâches multicolores et dont le vendeur semblait absent.

Y étaient présentés des tenues en tout genre, certaines étant en lambeaux, d'autres semblant presque neuves. Asha crut même apercevoir des perruques et espéra qu'Abel ne l'obligerait pas à en porter.

- Je pense qu'on trouvera ce dont nous avons besoin ici, finit par dire le scientifique, plein d'espoir.

Il s'avança parmi les quelques vieux mannequins et étagères, un peu hésitant.

- Y'a quelqu'un ? Demanda-t-il.

Pas de réponses hormis celle du brouhaha constant de la ville.

Ils attendirent quelques minutes, Abel répétant sa question à différents endroits de la boutique.

Et puis ils entendirent des craquements, ceux que font les pas sur de vieilles marchés d'escaliers, accompagné du claquement régulier de talons.

Les deux jeunes hommes tournèrent la tête vers le bruit et virent descendre, d'une démarche exagérément majestueuse, un homme d'une trentaine d'années. Mais ce qui était le plus remarquable chez cet homme, c'était sûrement sa prestance.

Impossible de ne pas le remarquer : il portait un haut de forme violet, avec un costume victorien assorti, comprenant la chemise, le gilet de la couleur du chapeau agrémenté de quelques fines broderies dorées, un noeud papillon dans les mêmes tons et une queue-de-pie bleu nuit. Il ne fallait pas omettre le monocle qu'il portait, la chaîne de montre à gousset qui pensait à son gilet, et finalement la remarquable moustache qu'il avait soigneusement recourbée vers le haut.

Cet homme avait un charisme indéniable malgré, ou plutôt grâce à son extravagance vestimentaire.

- Gentlemen, bienvenue ! Gerardus Van Heeswijk, à votre service, annonça-t-il avec une révérence.

Il jeta un rapide coup d'œil à ses clients et se mit à ouvrir la bouches, visiblement choqué.

- Mon Dieu ! S'exclama-t-il, je comprends désormais l'objet de votre venue, il est vrai que vos haillons sont d'un misérable ! À votre place je me serais évanoui devant mon miroir.

- Ce n'est pas exactement... Commença Abel sans qu'il ne puisse terminer sa phrase.

Effectivement, Gerardus était déjà en train de prendre les mesures du scientifique, son expression passant de l'étonnement à la satisfaction.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant