77

34 7 24
                                    

— Je m'ennuie, s'éleva une voix rauque.

Ciel se tourna vers Asha qui s'était allongé sur le fauteuil, ses jambes dépassant de l'accoudoir.

— T'as qu'à sortir ? Proposa-t-il à l'androïde.

Asha secoua la tête.

— Non... Tu sais bien.

— Oh arrête un peu. Le Asha du portrait-robot et toi êtes deux personnes complètement différentes.

Instinctivement, Asha passa l'une de ses mains dans sa barbe, puis il se releva, l'air frustré.

— Et si...

— Et si quoi ? Ça va faire trois mois, Ash, trois putains de mois que tu restes ici comme un ermite ou je ne sais quoi. T'es devenu complètement parano.

Les sourcils de l'androïde exprimèrent soudain une forte inquiétude.

— Tu... Tu veux plus m'héberger ?

— Mais non, chou, pense pas ça, rassura Ciel en embrassant son front. C'est juste que tu t'fais du mal à rester cloîtré chez moi. Et ça m'rend assez triste.

— Mmmh, se contenta de répondre Asha.

Il se leva péniblement. Sortir ? D'accord, mais où ? Avec qui, pour voir qui ? Il aimerait beaucoup retrouver Abel et Judy, mais c'était trop risqué.

D'un coup, il repensa à Aimé, et un sentiment de culpabilité l'envahit. Il y a quelques temps, il s'était promis d'aller le retrouver et de l'aider. Il n'en avait rien fait.

Il grinça des dents et attrapa un manteau que Ciel lui avait donné. Sans dire un mot, il ouvrit la porte et sortit de l'appartement.

— Je suis fier de toi, Ash ! S'exclama Ciel avant que la porte ne se referme.

Asha dévala les escaliers, une soudaine fureur s'étant emparée de lui. Il sentit ses cheveux voler derrière lui, sensation familière mais lointaine.

Ciel avait raison, il n'était pas reconnaissable, depuis son arrivée à Sankyo. Ses cheveux anciennement bruns avait repris leur roux naturel, ses yeux verts brillaient d'animosité et il portait pour la première fois une barbe assez fournie qui cachait la moitié de son visage. Effectivement, les risques qu'on le repère dans la rue étaient moindres.

Il était parti avec l'idée de retrouver Aimé en tête, mais il se rendit rapidement compte que, sans plan précis, et seul, il n'arriverait pas à grand-chose.

Puis il se souvint d'Inès. Une de ses premières et seules rencontres de Sankyo. Il ne pensait pas pouvoir obtenir son aide pour son projet, du moins elle ne serait probablement pas apte à lui donner des pistes, mais il savait, au fond, que la voir lui ferait du bien.

Il se servit de son bracelet (Ciel lui avait appris à s'en servir) pour retrouver Inès qu'il avait enregistré dans ses contacts. Le bracelet était capable de localiser une personne dont on possédait les coordonnées. Une fonctionnalité qui, d'ordinaire, ne plaisait pas trop à Asha, mais qu'il trouvait bien utile dans ce moment précis.

Inès n'était pas à un endroit inhabituel, elle se trouvait au même bordel que la dernière fois qu'Asha l'avait vue. Il partit donc dans cette direction, guidé par le GPS intégré de son bracelet.

Dès qu'il croisait un passant, il sentait tous ses muscles se contracter, craignant le moment où il serait reconnu. Ce moment n'arriva jamais, mais il était si angoissé qu'il crut s'évanouir juste avant d'arriver.

L'endroit n'avait pas réellement changé en l'espace de trois mois. Il se sentit juste bizarre en y entrant de sa propre volonté, et non pas tiré de force à l'intérieur.

En entrant, il n'y avait personne excepté un homme démesurément grand, vêtu de noir. Il fixa Asha silencieusement, et ce dernier ne sut quoi faire.

— C'est pour quoi ? Demanda l'homme.

Asha déglutit et avoua difficilement qu'il était venu pour Inès.

— Elle est avec une cliente, vous allez devoir patienter. Sinon, Naila et Cody sont libres...

Asha secoua frénétiquement la tête.

— N-non, j'ai vraiment besoin de voir Inès.

L'homme haussa les épaules.

— Comme vous voudrez.

Heureusement, Asha ne dut pas attendre très longtemps, car le silence qui s'installait entre lui et l'homme devenait très pesant.

Mais il ne fut pas plus à l'aise en voyant le visage de la fameuse cliente.

Elle avait beaucoup changé, mais c'est bel et bien Judy qui se trouvait devant loin.

— Tanja ? Appela-t-il d'une voix mi surprise, mi soulagée.

La concernée se tourna aussitôt vers Asha et son visage s'illumina encore plus qu'il ne l'était déjà.

— Joachim !

Elle lui sauta presque dans les bras.

— Je n'en reviens pas, c'est bien toi ? Demanda-t-elle.

Asha n'eut pas le temps de répondre car l'homme les interrompit.

— OK pour les retrouvailles, mais pas ici. Soit vous vous séparez soit vous allez ailleurs.

Judy grogna et décida d'entraîner Asha dans la chambre d'Inès.

— Mais... Protesta l'androïde.

La plus perturbée, dans l'histoire, fut certainement Inès. En voyant revenir Judy, accompagnée d'Asha, elle resta complètement muette. Elle était nue, et les deux intrus venaient probablement de l'interrompre alors qu'elle se rhabillait.

— Alors ça, si je m'y attendais, se contenta-t-elle de dire.

Tous les trois se regardèrent, encore stupéfaits. C'est Asha qui brisa le silence en premier.

— Vous m'avez vraiment manqué, dit-il avec une certaine émotion dans sa voix.

Inès lui offrit son plus beau sourire et Judy fit de même. Asha observa rapidement ses deux amies. Inès n'avait pas réellement changé depuis la dernière fois, alors que Judy, si.

Premièrement, elle avait le crâne rasé. Elle portait toujours les mêmes lentilles, mais elles étaient rose fuchsia, assorties à son maquillage qui semblait très travaillé. Elle portait un perfecto noir qui couvrait un simple bandeau rose cachant sa poitrine. Son jean était bicolore : une moitié était noire, l'autre rose : la tenue était finalisée avec des grosses chaussures à plateforme et un ras-de-cou qui lui allait à merveille.

— Tu es belle, finit-il par dire naturellement.

Judy eut un sourire gêné et Inès se mit à rire doucement.

— C'est ce que j'arrête pas de lui dire ! Avoua-t-elle avec un regard tendre pour l'autre jeune femme.

Il n'en fallut pas plus à Asha pour comprendre qu'il se passait quelque chose entre ces deux-là. Il en fut heureux. Voir un peu d'amour au milieu de ce chaos le rassurait.

— Je... Commença timidement Judy. Je crois qu'on a beaucoup de choses à se dire. 

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant