trente sept

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Les jours passaient, les entraînements avec. Asha commençait à rivaliser avec Aimé, ce dernier était d'ailleurs mécontent de voir quelqu'un l'égaler. Mais il ne pouvait nier sa fierté pour Asha qui grandissait toujours un peu plus. 

Et puis dernièrement, Kalypso avait bien voulu lui enseigner l'art de manier l'arme à feu. Deux mois étaient passés depuis la mort de Gaëtran et la militaire s'en remettait tout doucement. Elle pensait qu'entraîner Asha lui changerait les idées. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que l'androïde savait déjà manier un revolver ! Mais elle n'en avait pas tenu compte et, voyant qu'Asha était bon élève, devint plus enthousiaste durant les cours. Les revolvers n'eurent bientôt plus de secrets pour Asha, bien que sa visée n'était pas toujours excellente. Ils faisaient ça en dehors de l'abri, dans une grande pièce abandonnée qui se trouvait un peu en dessous, accessible depuis l'échelle. La cible avait été dessinée sur le mur, mur qui subissait, pauvre de lui, tant d'impacts de balle, pour la plupart à côté de la cible. 

Mais durant le dernier cours, Asha montrait des signes de progression. 

- Allez, tiens cette fichue arme à deux mains, si tu trembles tu toucheras jamais personne. Tes jambes, replace-les un peu aussi ! J'te jure, dans l'armée on t'aurait déjà recalé ! Allez, du dynamisme jeune homme !

Asha ne se contrariait pas sous les aboiements de Kalypso, bien au contraire. Il faisait vraiment attention à corriger le moindre de ses défauts. Et aujourd'hui, pour la première fois, pas un seul tir ne manqua sa cible. Mais il ne sauta pas de joie en voyant ce résultat, il en fut plutôt apeuré. 

Kalypso l'avait bien vu, elle avait d'ailleurs développé un certain don pour capter les émotions. Peut-être l'instinct maternel, ou juste le fait que ses propres émotions étaient plus sollicitées que d'habitude. 

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as rien raté cette fois, pourquoi t'es dans cet état là ? 

La grande femme blonde avait mis ses deux mains sur les épaules d'Asha, attendant avec un sourire qu'il se livre à elle. 

- Tu sais, quand tu m'as donné cette arme au premier cours, ce n'est pas la première fois que j'en avais une dans les mains... 

Kalypso resta silencieuse et son sourire ne disparut pas. 

- Mon ancien maître avait toujours été affreux avec moi, et quand j'ai trouvé une arme cachée chez lui... 

Asha se tut, ne souhaitant pas dévoiler la suite. Mais il finit par avouer :

- Et quand je vois cette cible, je revois George, ce que j'ai fait. Je déteste viser correctement, je ne veux plus tuer, je ne voulais pas tuer... 

Tandis que le sourire de Kalypso se perdit, elle resserra sa prise sur les épaules d'Asha et, d'un ton ferme, expliqua :

- Mon garçon, en ce bas monde, tuer n'est souvent pas une option. Il y a des personnes comme George, sûrement pires que Georges. Des personnes qui, si tu ne les tue pas, te tueront à la place. C'est dur, très dur d'accepter ça et j'espère de tout mon cœur que tu n'auras plus jamais à tuer quelqu'un, mais si il le faut, j'espère aussi que tu ne trembleras pas et que tu viseras bien. 

Elle relâcha son élève et lui lança un regard compatissant. 

- Garde ça en tête : certains humains sont beaucoup moins humains que toi. Allez, le cours est terminé. Je ne pense pas t'en donner d'autres car j'ai clairement deviné que tu savais manier le pistolet. Et tu n'auras pas besoin de savoir utiliser les grosses armes. Ce fut un réel plaisir de te transmettre un peu de ce que je sais. Si tu as besoin de moi fais moi signe !

Et elle s'en alla, laissant Asha en pleine réflexion. Cela dit, il ne tarda pas à remonter lui aussi, n'ayant absolument rien à faire dans cette pièce. Kalypso lui avait laissé l'arme. Il s'agissait d'un revolver à la poignée en bois soigneusement décorée. Asha savait qu'il devait avoir de la valeur, et il avait deviné que Kalypso le lui laissait. Alors il comptait bien y faire extrêmement attention. 

A peine revenu dans l'abri, il fut appelé par Abel qui exigeait sa présence dans son laboratoire. Étonné - car il n'y était pas allé depuis un certain temps - il s'y dirigea avec curiosité. 

En entrant dans le labo, il fut surpris d'y voir non pas seulement Abel mais aussi Aimé et Judy. 

- Enfin, voilà le dernier. Bon, tout le monde est là. Tout d'abord, sans vous faire peur, ce qui va se dire ici doit rester absolument confidentiel. Je dis ça surtout pour toi Judy, pas un mot à ton frère. C'est bien compris ? 

Les trois jeunes gens s'échangèrent des regards surpris et incompréhensifs, mais ils hochèrent la tête. 

- Juré, Abel, promit Judy. 

Le scientifique s'assura d'un regard que les deux autres étaient d'accord, et se mit à parler. 

- Ok, depuis quelques temps j'ai beaucoup réfléchi. Asha a appris beaucoup de choses, et moi aussi d'ailleurs, et j'ai eu pour projet - un peu fou, je vous l'accorde - d'aller faire un petit tour dans les Arbres... 

Le choc put se lire instantanément sur les visages de Judy et d'Aimé. Il n'en fut rien pour Asha. 

- Pourquoi ? demanda simplement Judy. 

- Pour la vérité ! s'exclama aussitôt Abel. 

Tous restèrent silencieux et incrédules, incertains du projet d'Abel. 

- J'ai déjà préparé pas mal de choses, expliqua Abel. Des faux implants pour que nous soyons reconnus comme des habitants des Arbres, des petites réserves d'oxygène pour le trajet sur la Surface, j'ai aussi des plans et quelques infos pour quand on sera en haut et... 

- Attends, "nous" ? s'étonna Aimé. Tu veux dire que "nous" allons dans les Arbres, à quatre ? 

- Félicitations Aimé, on dirait que ton intelligence s'est manifestée en l'espace d'un dixième de seconde ! Oui, nous allons tous les quatre dans les Arbres ! Pourquoi vous quatre ? Les autres sont soit trop vieux, soit trop jeunes, soit d'une inutilité totale - désolé Thomas - soit instables psychologiquement, je pense notamment à Jody. Il ne reste donc que vous quatre et éventuellement Juvénile, mais je lui ai vaguement fait part de ce projet et ça n'a pas l'air de la tenter... Alors voilà, nous y sommes. Je ne sais pas encore quand ça se fera, comment, avec quoi, mais je trouverai. On trouvera. 

Abel, emporté par son excitation, avait haussé la voix au fur et à mesure de son discours et arborait désormais un large sourire. 

- Alors, vous êtes partants ? 

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant