55

55 8 70
                                    

Aimé s'était empressé de sortir de l'immeuble en dévalant les escaliers à toute vitesse. Presque tout son être lui ordonnait de se retourner et de rejoindre Asha, mais il n'écoutait pas cette partie là. 

Une fois dehors, il fut revigoré par l'air frais de la nuit et se mit à courir loin de l'immeuble, loin d'Asha, loin de ses sentiments. En vérité, il fuyait. Il fuyait car il avait peur. Peur qu'Asha refuse son amour, peur qu'il l'accepte. Peur du rejet, de l'engagement, de l'attachement. Pour lui, tout cela ne menait qu'à une chose : la perte. Alors il courait, il courait loin de tout ça, loin de ce qui n'était pour lui que douleur. Et pourtant, plus il s'éloignait et plus il avait mal. Ses larmes glissaient sur les côtés et se perdaient derrière lui, emportées par la vitesse et le vent. 

Une dernière fois, il se retourna vers l'immeuble. Au loin, il distinguait une silhouette penchée au dessus du vide, qui regardait dans sa direction. 

- Aimé ! Hurla la silhouette. Reviens ! 

- Ça fait trop mal ! Hurla en retour Aimé à s'en déchirer les poumons. 

Il n'arrivait plus à voir la silhouette d'Asha tant il pleurait. 

- Alors viens souffrir avec moi ! Cria Asha désespérément. 

Aimé émit un sanglot douloureux. Ses épaules secouées, ses jambes tremblantes, il faillit s'écrouler. Et il se remémora ce moment où son père, déjà la peau en lambeaux, lui hurlait de fuir, de fuir loin de tout ça : du massacre, de la souffrance, de la peur. 

Alors il fuyait. Il se retourna de nouveau, la main crispée sur son cœur, en hurlant sa douleur une dernière fois. Puis il se remit à courir, et plus il s'approchait de la grande tour, plus il était persuadé que peu importe ce que Caïn lui avouerait, il ne retournerait pas avec Asha et les autres. 

Et se rendre compte de sa lâcheté fut bien plus douloureux. 

Aimé avait choisi de ne plus souffrir en se forgeant son armure autour de lui. Une armure faite de haine, qui lui permettait de rejeter toute l'affection qu'il recevait. Ainsi, il ne pouvait pas souffrir en perdant une autre personne qui lui serait chère. Et cela avait marché, avant Asha. Il répondait aux compliments par des insultes, ne se fiait qu'à lui-même. Tout ça pour se cacher, pour cacher sa vraie nature. Pour cacher celui qu'il était réellement : un garçon devenu trop vite adulte, qui ne cherchait qu'à être aimé et aimer en retour. 

Mais en ce moment même, il lui paraissait que sa vraie nature était d'être lâche et cela le mit dans une colère telle que son armure de haine réapparut intacte, comme si Asha n'était jamais venu la briser sournoisement. 

A bout de souffle, quelques larmes s'échappant encore, Aimé entra dans la tour et fut chaleureusement accueilli par son hôte.  

---

Asha était resté sur le balcon, regardant Aimé courir jusqu'à ce qu'il ne le voie plus. Lui aussi pleurait, ayant l'étrange impression qu'il ne le reverrait plus. Il lui en voulait mais s'en voulait aussi à lui même pour ne pas avoir empêché Aimé de partir.

Penché au bord du balcon, Asha fixait le sol, vingt mètres plus bas. S'il sautait, c'était fini. Tout était fini. Ce serait facile.

Trop facile.

Alors il se jeta.

Après une chute qui lui parut plus longue qu'il ne l'aurait cru, son dos rencontra la surface de l'eau.

Les sourcils froncés, les yeux clos, ses pleurs étouffés, il se laissa flotter au gré de l'eau bleue de la piscine.

Ses vêtements étaient trempés mais il s'en fichait, tandis que lui flottait, sa colère et sa tristesse, elles, semblaient couler au fond de l'eau et il se sentit plus léger, cette même sensation agréable qu'il avait ressentie un peu plus tôt.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant