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Aimé était persuadé qu'il avait passé plus de quelques minutes dans cette pièce. Mais il n'avait pourtant aucun moyen d'en être sûr. Peut être que le temps lui paraissait terriblement long à cause de l'ennui, ou peut-être que plusieurs heures s'étaient déjà écoulées. Il ne savait pas quoi faire. La voix du haut-parleur s'était tue, mais pas ses pensées négatives qui, elles, étaient plus présentes que jamais. Au début il avait lutté, se disant que ce n'était pas de sa faute, qu'il n'avait pas eu le choix, mais il avait fini par trouver que cette voix avait raison.

En réalité, il commençait même à douter de l'existence de cette voix. Peut-être l'avait-il simplement imaginée ?

De toute manière, tout autour de lui était blanc, il pouvait imaginer n'importe quoi provenant de ces murs. Ça paraîtrait réel.

Il était affalé contre un coin de la pièce, fixant le sol d'un regard vide, lorsqu'il entendit le claquement de la porte qui s'ouvrait.

Il n'osa pas bouger, de peur de ne pas en avoir le droit.

— Viens, ce sera suffisant pour aujourd'hui, se fit entendre la voix de Caïn avec une certaine gaieté.

Il se releva péniblement et s'avança lentement vers la sortie. Il avait mal aux jambes, mal au dos d'être resté assis sur du béton si longtemps.

Lorsqu'il franchit la porte, il resta une nouvelle fois figé, de peur que la moindre parole et le moindre geste lui vaille de retourner dans cette pièce.

— J'espère que ça t'aura fait retenir la leçon, Aimé, demanda Caïn avec son habituel sourire carnassier. Toi et moi savons que c'est nécessaire.

Aimé se contenta d'hocher la tête.

— Viens, le repas est prêt. C'est pizza ce soir, j'espère que ça te convient, déclara Caïn, toujours souriant.

S'il ne venait pas de passer un certain temps dans cette pièce, Aimé aurait probablement sauté de joie en apprenant qu'il allait manger de la pizza, mais il n'avait déjà pas d'appétit, et aucune envie de se retrouver en tête à tête avec Caïn. Il en tremblait d'avance.

Il fut contraint de le suivre vers une autre pièce, à l'opposé de celle où il était resté. Il n'était jamais allé dans la salle à manger. Cela faisait deux jours qu'il était ici, avec Caïn, et jusqu'à présent c'était l'A.S.H.A de l'accueil qui lui avait apporté à manger, Caïn étant toujours absent.

La salle à manger fut, sans surprise, aussi luxueuse que le reste. Une grande table en verre teinté régnait dans la pièce, entourée de chaises aux design simple mais luxueux. Les murs étaient décorés de quelques photographies en noir et blanc réparties de façon très calculée. Un tapis noir relevait le tout, ainsi qu'une plante dans un coin de la pièce. Aimé n'y connaissait rien en plante, mais elle était jolie et se dire qu'elle était probablement un autre être vivant le réconfortait (bien qu'il n'en fût pas sûr).

Il serait totalement déplacé de qualifier le repas d'agréable. Les pizzas étaient vraiment délicieuses, aucun doute là-dessus, mais Aimé sentait le regard pesant de Caïn sur lui. Un regard prédateur. Il détestait ça. Chacun de ses détails physiques était observé, il pouvait le sentir.

Il se sentait pâlir, il perdit tout appétit et se concentra sur le goût fade de la pizza pour ne pas se sentir encore plus mal à l'aise.

Lorsque ce calvaire fut terminé, il attendit que Caïn se lève pour faire de même. Plus jamais Aimé ne ferait un acte de façon autonome en la présence du Vice-Président. Plus jamais. Il ne voulait plus revoir cette pièce sombrement blanche.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant